Pas un mois ne passe sans que la rubrique news ne fasse mention d’une nouvelle acquisition par THQ Nordic. L’éditeur autrichien basé à Vienne fait parler la planche à billets et se constitue un catalogue de licences et de studios qui force le respect. Et cette stratégie s’est grandement amplifiée en 2018. Suite au rachat de la franchise Outcast il y a quelques jours, la rédaction de jeuxvideo.com s’intéresse de près à THQ Nordic et sa politique d’expansion.
S'inviter dans la cour des grands
Avant de devenir l’éditeur que nous connaissons aujourd’hui, l’entreprise créée en juin 2011 par Lars Eric Olof Wingefors répondait au nom de Nordic Games et rayonnait majoritairement sur le vieux continent. Et il ne faut alors que trois petites années à cette société pour se faire connaître des initiés en s’accaparant moyennant finances la marque de feu l’éditeur THQ. Avec cette acquisition, Nordic Games compte s’inviter dans la cour des grands et c’est chose faite en août 2016 lorsque l’éditeur se renomme THQ Nordic et pose ses valises dans la capitale viennoise.
Le président de THQ Nordic commente ce tournant majeur. “Nous sommes fiers de nos racines suédoises et nous avons réussi de grandes choses sous la bannière Nordic Games, mais nous avons décidé qu'il était temps d'incorporer le nom THQ.” Ce nouveau nom associe implicitement l’éditeur et les franchises acquises par anciennement Nordic Games tout en lui offrant une visibilité accrue sur le marché vidéoludique et une plus grande crédibilité à l'international. Sous cette nouvelle bannière, ce dernier intensifie sa présence et sa politique d’expansion débutée dès 2011. En juin 2018, THQ Nordic parvient même à lever la coquette somme de 168 millions de dollars à investir dans de futures acquisitions… la machine est désormais huilée et prête à vrombir.
Constituer un catalogue de franchises fortes
Deux mois après sa création, Nordic Games annonce ses premiers rachats, les restes de JoWood dont sa filiale DreamCatcher Interactive (Painkiller, SpellForce 2). La société dévoile ainsi sa stratégie d’expansion pour la décennie à venir, à savoir l’acquisition de licences, afin de capitaliser sur certains “noms” et séduire les studios susceptibles de travailler sur celles-ci. L’éditeur tape du poing sur la table en avril 2013 lorsque ce dernier obtient les droits sur un grand nombre de franchises de THQ pour 4.9 millions de dollars parmis lesquelles Red Faction, Worms, Titan Quest et surtout Darksiders.
Puis Nordic Games poursuit sur sa lancée en constituant un portfolio hétéroclites de plusieurs dizaines de franchises et des centaines de jeux plus ou moins marquants. En effet, l’éditeur mise sur un catalogue exhaustif de propriétés intellectuelles fortes à même de conquérir de nouvelles parts de marché sur certains segments. Et Lars Wingefors (PDG de THQ Nordic) ne s’en cache pas le moins du monde. “Il s’agit essentiellement d’acquérir des droits de propriété intellectuelle et d’en tirer parti. C'est un modèle bien établi qui fonctionne bien pour nous.”
Remasters (Darksiders : Warmastered Edition, Red Faction Guerrilla Re-Mars-tered), portages (Titan Quest Mobile Edition), reboots (Black Mirror) et suites (Darksiders III) se télescopent dans le catalogue de jeux de THQ Nordic. Loin de se contenter de projets opportunistes, l’éditeur autrichien analyse le marché et agit en conséquence selon le potentiel de chaque licence quitte à prendre plusieurs années pour voir naître un projet. THQ Nordic considère les franchises tombées dans son escarcelle et prend effectivement son temps pour les exploiter de manière à ne pas froisser les fans et surtout assurer un retour sur investissement substantiel. Reinhard Pollice (Directeur Business & Développement Produit pour THQ Nordic) défend cette vision. “Nous devons réfléchir à la place qu'occupe la licence dans le monde du jeu vidéo, à la bonne marche à suivre et aux envies des fans. Une fois que nous nous sentons à l'aise avec tout cela, nous allons de l'avant.”
Et même si les acquisitions continuent d’affluer en 2018 et 2019 avec entre autres TimeSplitters, Second Sight et Alone in the Dark, THQ Nordic ne se repose pas sur la créativité des autres pour exister. L’éditeur développe également ses propres franchises. Entre le succès This Is the Police et l’échec du RPG fantastico-futuriste ELEX, la marge de progression reste encore immense. Afin de palier à cela, Experiment 101, studio en charge du développement de Biomutant, a repoussé la sortie de son RPG post-apocalyptique afin d'augmenter ses chances de succès. Lars Wingefors justifie cette décision. “J'ai clairement dit à mes équipes qu'il fallait prendre notre temps pour concevoir des jeux vraiment peaufinés.”
Fonder un empire créatif
La boulimie de THQ Nordic ne s’arrête pas aux jeux et aux propriétés intellectuelles. L’assimilation fait partie intégrante de l’ADN de la société depuis sa création. Dès 2013, le studio Rainbow situé à Phoenix en Arizona tombe sous la coupe de l’éditeur. Une petite pause plus tard, Black Forest Games, Pieces Interactive, mais surtout Experiment 101, sont absorbés ainsi que leurs propriétés intellectuelles, et rejoignent les rangs de THQ afin de constituer une force créative à même de réaliser la vision de l’éditeur. Ces studios sont amenés à travailler sur leurs propres franchises ou une possédée par THQ Nordic comme le précise son président. “Nous recherchons activement de nouveaux studios de développement souhaitant rejoindre notre famille, avec ou sans IP. Cela peut être un studio avec ses IP ou nous pouvons leur en donner une à gérer.”
Et cette quête effrénée prend un tout autre visage en février 2018 lorsque l’éditeur autrichien s’empare de Koch Media en échange de 148.9 millions de dollars. Cette acquisition permet au chiffre d’affaire de THQ Nordic de croître de 673% en peu de temps et d’acquérir par la même occasion l’éditeur Deep Silver (Saints Row, Dead Island) ainsi que les studios Volition, Dambuster Studios et Fishlabs. La société allemande fraîchement rachetée reste toutefois indépendante, aucune restructuration n’étant à l’ordre du jour. Cette collaboration, doit donner naissance à plusieurs jeux AAA dont Metro Exodus, un projet de Volition et un autre de Dambuster.
Et l’année 2018 rime avec expansion. THQ Nordic s’intéresse à la réalité virtuelle via HandyGames et sécurise plusieurs licences en rachetant simplement les studios. En parallèle, plusieurs entités estampillées THQ Nordic voient le jour entre 2013 et 2016. Grimlore Games responsable de SpellForce 3 sorti en décembre 2017, Foxglove Studios et Mirage Games Studios contribuent au catalogue passé, présent et futur de l’éditeur. Au total, THQ Nordic compte onze filiales à l’heure où nous écrivons ces lignes et des centaines de personnes travaillant sur de multiples projets en développement.
Il n’aura fallu qu’un lustre à THQ Nordic pour se faire un nom en tant qu’éditeur de contenu vidéoludique en occident. Sa politique d’expansion par acquisitions semble porter ses fruits. Le catalogue de jeux s’enrichit année après année tandis que ses forces créatives prennent toujours plus d’ampleur. L'éditeur autrichien va-t-il continuer sur cette voie ? Tout porte à le croire en ce début d’année 2019 et il serait suprenant d'assister à un volte-face.
- Sources : PCGameInsider.biz, GamesIndustry.biz, Koch Media, THQ Nordic