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Valve avait réaffirmé il y a peu son engagement envers Linux, précisant avoir de nouveaux projets en cours de réalisation. Les spéculations ont pris fin avec une annonce étonnante : Steam disposera désormais officiellement d'un mode de compatibilité Windows pour le système Linux, utilisant une version modifiée de Wine et l'API Vulkan.
Un SteamPlay amélioré... pour Linux
Introduit en 2010, Steamplay permet d'acheter le jeu une fois, puis d'y jouer sur différents systèmes. Ceci a permis en 2013 de faciliter la transition vers la version Linux de Steam. Si le catalogue Linux dispose aujourd'hui de milliers de titres sur Steam, la part de jeux officiellement disponibles pour Linux oscille aujourd'hui entre 20 et 25% du catalogue de jeux disponibles pour Windows : ceci peut constituer un frein à l'adoption de Linux, notamment SteamOS, le système d'exploitation dédié au jeu et développé par Valve.
Ce pourcentage peut être grandement augmenté grâce à l'utilisation de Wine, une implémentation libre de l'API Windows, permettant d'utiliser des logiciels conçus pour Windows sur Linux ou macOS. Cependant, la configuration peut parfois être compliquée et nécessite l'utilisation de la version Windows de Steam. En outre, cette pratique fait paradoxalement augmenter la part de marché Windows, alors que le jeu est joué sur Linux.
En développant son propre système intégré à Steam, Valve veut rendre l'utilisation de jeux Windows totalement transparente pour l'utilisateur Linux.
Proton : un Wine à la sauce Valve
Valve a ainsi annoncé la version beta de Proton, une version modifiée de Wine. L'implémentation de ce système au sein du client Steam présente un certain nombre d'avantages : les jeux Windows peuvent ainsi être installés et lancés depuis le client Linux et bénéficient du support manette ou plein écran de Steam.
Valve a également travaillé à l'amélioration des performances, collaborant notamment depuis deux ans avec Codeweavers, contributeur majeur au projet Wine. Proton utilisera ainsi DXVK et vkd3d, les couches logiciels traduisant respectivement les appels DirectX 12 et 11 vers Vulkan. Un ensemble de patches permet enfin d'améliorer la gestion du multithreading.
Du point de vue du développeur de jeux, il n'y a rien à gérer, Valve se chargeant des tests. Enfin, l'utilisation de Proton nécessite d'installer la version beta du client Steam et ce système n'est pour l'instant pas prévu pour macOS.
= NieR:Automata et Doom parmi une trentaine de jeux au lancement =
Valve propose une liste blanche qui rassemble une trentaine de jeux testés. Cette liste devrait rapidement s'allonger. On peut remarquer la présence de Doom, Tekken 7 ou NieR:Automata, mais aussi de titres plus anciens comme S.T.A.L.K.E.R.: Shadow of Chernobyl. Proton devrait donc permettre d'accéder à une plus large bibliothèque à l'avenir, mais également d'intégrer parfaitement d'anciens titres jusqu'ici officiellement indisponibles.
En dehors de cette liste blanche, les utilisateurs les plus aventureux pourront forcer l'utilisation de Proton sur des titres non supportés officiellement, l'expérience de jeu n'est cependant pas garantie. On sait notamment que les jeux soumis à des DRM complexes ou des systèmes anti-triche posent en général des problèmes à Wine. Une liste non officielle dressée par les utilisateurs compte déjà plus de 1100 jeux "parfaitement stables".
L'écosystème Linux bouleversé ?
Proton est donc en mesure de faire littéralement exploser le nombre de jeux officiellement disponibles pour Linux, pourtant il rencontre déjà des critiques. En effet, l'utilisation d'une forme d'émulation se substituant à des versions natives Linux a toujours divisé la communauté. On se souvient qu'en 2013, John Carmack avait suscité l'indignation en proposant un tel système. En effet, les versions Linux ne sont alors pas optimisées pour ce système et les performances souffrent souvent de la couche logicielle supplémentaire utilisée pour traduire les appels DirectX. Ces portages n'étaient donc en général bien acceptés que pour les anciens titres.
Néanmoins, les mentalités ont depuis évolué. D'abord parce que les systèmes de traduction depuis DirectX ont connu un gain de performance avec Vulkan, comme en attestent les derniers portages réalisés par Feral Interactive (F1 2017, Rise of the Tomb Raider). Ensuite parce que le pourcentage de jeux Linux portés reste constant depuis quelques années. Le marché du jeu sur Linux semble donc souffrir du paradoxe de l'oeuf ou de la poule : une part de marché insuffisante pour assurer des portages Linux de certains éditeurs, mais un nombre de jeux insuffisants pour attirer en masse des joueurs sur la plate-forme.
Valve semble donc avoir adopté la stratégie de l'offre, en facilitant le travail des développeurs pour un portage rapide (voire automatique), et en simplifiant au maximum l'expérience utilisateur. Le risque est que les développeurs se contentent de cette solution. Le pari de Valve sera vraiment réussi si cette stratégie attire davantage d'utilisateurs sur Linux ou SteamOS, rendant plus rentables les portages natifs.