En quelques années seulement, l’industrie vidéoludique a donné naissance à une multitude de titres mettant la survie à l’honneur. Proposant des mécaniques différentes, ce genre modernisé par les développeurs indépendants a rapidement séduit les joueurs du monde entier et de manière étonnante, assez peu de grands éditeurs. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur ce cas afin de répondre à une simple question : qu’est-ce qu’un jeu de survie ? Notez que nous n’aborderons pas les survival-horror ici puisqu’il s’agit d’un genre très différent.
Une histoire de liberté
Commençons par le commencement. Lorsque nous évoquons le jeu de survie, nous pensons surtout à sa forme moderne. Ainsi, dans des titres tels que Rust, DayZ, ARK : Survival Evolved, The Forest, Fortnite et autres, vous êtes livrés à vous-même dans un environnement hostile avec un seul objectif : rester en vie le plus longtemps possible. Pour cela, il vous faut récolter des ressources, fabriquer des objets et, dans la plupart des cas, vous construire un abri pour résister aux dangers venus de l’extérieur.
Il s’agit donc d’une forme particulière du jeu d’action avec un cadre plus large, un monde vaste et ouvert ainsi qu’une grande liberté d’action. Tout cela permet de donner naissance à l’imprévu, composante essentielle offrant au joueur la possibilité de vivre son aventure comme il l’entend. Car ce que viennent chercher les utilisateurs dans ce genre d’expériences, c’est justement le frisson de l’aventure et la possibilité de devenir un robinson virtuel, libre de toutes conventions sociales. Personne ne viendra vous dicter votre conduite, vous pouvez abattre toute une forêt pour vous construire un palace en bois ou vous fabriquer un manteau en peau d’écureuil sans être pointé du doigt.
Mais le jeu de survie est avant tout une histoire de mécaniques. Si dans une production plus classique comme Uncharted, votre survie dépend surtout de votre dextérité avec une manette, dans Rust cela dépendra de vos choix et de votre faculté à vous adapter à votre environnement. Dans Uncharted, vous enchaînez des missions afin de récupérer des artefacts, alors que dans Rust, vous devez tout simplement rester en vie. Résumé de manière grossière, on pourrait donc estimer que le survival est un mariage heureux entre le jeu d’action et le jeu dit "bac-à-sable".
Un concept à mélanger à toutes les sauces
Bien sûr, nous parlons là d’un concept très global et qui n’est que rarement appliqué d’une manière aussi directe. Car le jeu de survie englobe en réalité un ensemble de mécaniques piochées ici et là dans différents titres parus au fil des années. En 1992, deux Finlandais mettent au point UnReal World, une production relativement sommaire inspirée des rogue-likes de l’époque réalisés en ASCII. Mais contrairement à Ultima ou Rogue, il n’est ici pas question de donjons et de créatures démoniaques, mais tout simplement de tempêtes de neige, d’animaux agressifs et de construction d’abris. Une première grande base qui inspirera de nombreux soft par la suite et notamment Robinson's Requiem qui viendra ajouter la gestion des besoins (faim, soif, sommeil…) et celle des blessures en 1994.
Mais c’est surtout à l’aube de notre décennie actuelle que les choses vont se bousculer avec l’apparition dans un premier temps de Minecraft, célèbre jeu de Mojang ayant grandement popularisé le sandbox (bac-à-sable). L’exploration de grottes, les abris protégeant le joueur des créatures nocturnes, la gestion des ressources, tous ces concepts ont rapidement inspiré des dizaines de développeurs indépendants qui vont alors faire pleuvoir les productions de ce style durant les années suivantes. Contrairement à certains autres genres très codifiés, le jeu de survie a la chance de pouvoir se mélanger aisément avec une multitude d’idées. Une force qui lui permet d’évoluer afin de toujours rester d’actualité.
Vous êtes plutôt PVP ou PVE ?
Si chaque titre a ses propres spécificités graphiques ou de gameplay, l’expérience change radicalement lorsqu’il s’agit de partager son petit monde avec d’autres joueurs. Que l’on considère la composante en ligne comme un simple élément de gameplay ou bien comme l’évolution ultime du genre, l’apparition d’Internet a donné naissance aux très populaires jeux de survie PVP (joueur contre joueur). Cela veut donc dire qu’en plus de l’environnement, des besoins et des créatures à l’intelligence artificielle, ces productions nous demandent désormais de nous méfier d’avatars contrôlés par les humains.
C’est évidemment un changement énorme puisque cela offre la possibilité de tisser des liens sociaux et de coopérer pour mieux survivre… ou alors de s’entretuer. Dans un jeu comme Rust, héritier direct d’UnReal World et de Robinson's Requiem, cela donne naissance à des conflits mémorables. Ecraser de véritables humains afin de devenir le roi de la jungle est aussi primitif que jouissif et c’est bien ce qui fait le sel de ces aventures online. Pas de doute, ce sont bien les affrontements entre joueurs qui ont permis aux jeux de survie de connaître la gloire et surtout, des ventes incroyables.
Les éditeurs majeurs toujours frileux
Il est intéressant de noter que tous les exemples cités précédemment sont, à l’origine, des productions indépendantes. A l’heure actuelle, il est difficile de citer un seul survival AAA puisque la plupart des grands éditeurs préfèrent rester à l’écart de ce genre si particulier. Pourtant, lorsque l’on sait que Terraria s’est vendu à plus de 20 millions d’exemplaires, Ark : Survival Evolved à près de 10 millions, il est étonnant de voir que les grands noms tels qu’Electronic Arts, Take-Two ou Activision n’ont pas rejoint la fête.
Au final, seuls quelques titres à gros budget s’en sont approchés, se contentant tout juste de piocher quelques éléments par-ci, par-là. Nous avons par exemple Sea of Thieves du studio Rare, The Division d’Ubisoft, ou encore Fallout 4 qui a ajouté la construction d’abris et le crafting à son gameplay. Un premier essai qui semble avoir donné envie à Bethesda d’aller encore plus loin puisque le studio donnera bientôt naissance à ce qui sera certainement le premier vrai survival AAA avec Fallout 76. Ce titre prévu pour la fin de l’année sera exclusivement jouable en ligne, proposera un système de crafting, de construction de bâtiments et des affrontements PVP. Un véritable jeu de survie en somme, mais intégré au sein de l’univers post-apocalyptique de la série Fallout. Les quêtes typiques de la licence seront ainsi toujours présentes, mais des affrontements sauvages pourront avoir lieu à tout moment. Il sera donc intéressant de voir comment une firme telle que Bethesda fera usage des codes si particuliers de ce genre.
Le Battle Royale, évolution logique du survival
Et puisque ce sont les affrontements entre joueurs qui semblaient amuser le plus d’utilisateurs, le jeu de survie a connu une nouvelle évolution concentrée uniquement sur le PVP. « Et si on se débarrassait de la longue et fastidieuse phase consistant à amasser des ressources et à construire des cabanes ? », cela pourrait être la phrase à l’origine des fameux Battle Royale qui sévissent depuis quelques mois dans la sphère vidéoludique. Une évolution intéressante du jeu de survie limitée aux affrontements entre joueurs. Plus question de se fabriquer des armes en allant chercher un bout de ficelle et une pépite d’or dans une rivière, ici les pétoires sont disposées un peu partout sur la carte afin de garantir des affrontements immédiats. Une forme plus rapide (entre 20 et 30 minutes par partie) et efficace du survival qui attire aujourd’hui des millions de joueurs avec des titres tels que Fortnite ou encore PlayerUnknown’s Battlegrounds.
Né il y a quelques années seulement, le jeu de survie moderne a donc connu une évolution particulièrement rapide. Un véritable phénomène qui aura donné naissance à différents sous-genres, dont certains encore plus populaires que lui, comme le Battle Royale. Difficile de dire s’il parviendra à se muer une nouvelle fois en un style inédit, mais il est clair que les joueurs apprécient ses mécaniques et surtout, la liberté d’action qu’il porte en étendard. L'un des plus jolis fruits de l'industrie vidéoludique du 21ème siècle, à n'en pas douter.