Quand la Xbox 360 débarque en 2005, le petit monde du jeu vidéo a les yeux rivés sur certains des apports majeurs de la machine : débarquement de la HD, démocratisation du multijoueur en ligne… Mais derrière ces nouveautés se cachent des petits nouveaux qui ne vont pas tarder à se faire une place majeure sur l'échiquier : les succès. Aujourd'hui, une immense majorité des plates-formes en proposent et des communautés de chasseurs de trophées se sont même spontanément créées, prêtes à tout pour gonfler les niveaux ou le score de leurs beaux profils. Jusqu'à l’écœurement ?
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Il s'agit d'accomplissements directement rattachés à votre compte, selon la plateforme sur laquelle vous jouez. Ceux-ci sont définis par les développeurs et s'obtiennent en fonction de tâches réalisées dans le jeu : certains sont extrêmement faciles à obtenir tandis que d'autres impliquent de réaliser des actions que vous n'auriez peut-être jamais essayé en jeu. Vous l'aurez compris, les trophées sont très variables selon les jeux et peuvent aussi bien ne rien changer à votre découverte du titre que proposer une façon différente de l'aborder.
Du côté de chez Microsoft (Xbox 360, Xbox One), le système est plutôt simple. Chaque trophée rapporte un certain nombre de points venant s'ajouter au Gamerscore du joueur. Si une majorité de titres proposent 1000 points, l'arrivée de DLC peut augmenter ce total ou la classification du titre peut le faire diminuer.
Sur les consoles Sony (PS3, PS Vita, PS4), on ne parle pas de succès mais de trophées et le fonctionnement des profils est légèrement différent. Il existe en effet 4 types de trophées : bronze, argent, or ou platine, ces derniers apportant logiquement davantage de points que les premiers. Les points ne sont cependant pas mis en avant sur le profil, dont la progression est mesurée selon les niveaux franchis par le joueur grâce aux différents trophées obtenus. Enfin, sachez qu'un jeu ne peut pas avoir plus d'un trophée de platine, celui-ci ne pouvant être récupéré qu'en obtenant l'ensemble des autres trophées du jeu. Uplay et Steam - entre autres - ont d'ailleurs également opté pour un système de niveaux.
My Name is Mayo, cas d'école du platine sans efforts
Faisons ce que tout bon professeur ne vous dira jamais de faire en commençant cet édito par l'évocation d'un exemple, celui de My Name is Mayo, titre dans lequel vous devez enchaîner les clics sur un pot de mayonnaise (sic). Pas vraiment intéressant, tout juste drôle, il n'est en plus actuellement disponible qu'aux États-Unis, obligeant les chasseurs de trophées à passer par leur compte US pour espérer le platiner. Seulement, il n'est vendu que 0,99 $ et son platine s'obtient en à peine plus d'une demi-heure, ce qui en a fait une cible de choix pour ses mêmes chasseurs de trophées qui n'attendent maintenant plus qu'une chose : sa sortie européenne sur PlayStation Vita et PS4 pour obtenir deux nouveaux platines faciles en une petite heure. Car il est en effet possible de cumuler plusieurs platines d'un même jeu pour peu que ses listes de trophées soient bien séparées entre supports (PS4, PS Vita) et régions (USA, UE, JAP...).
Les messages adressés au compte Twitter des développeurs de My Name is Mayo sont éloquents : Une part non-négligeable de ceux-ci ne concernent que la sortie européenne et ne font pas toujours preuve de diplomatie, ce qui reste étonnant pour un titre n'ayant à priori que peu de raisons de déchaîner ainsi les passions. Exception faite des amateurs de chasse au trophée, peu de joueurs semblent donc réellement s'intéresser au titre et l'on peut se demander si d'autres développeurs ne choisiront pas eux aussi de suivre cette voie en proposant des productions sans intérêt autre que celui d'offrir des trophées faciles.
Une pratique qui peut détruire le plaisir de jeu...
Un coup d’œil à d'autres "valeurs sûres" du PlayStation Store permet de confirmer que l'intérêt autour de certains jeux ne semble être mu que par l'obtention de l'intégralité de leurs trophées. Avec son platine qui se récupère en une heure et ses trois versions différentes (US, GB, EU), Le Monde de Nubla fait partie de cette catégorie : il a d'ailleurs été platiné par 91 % des joueurs l'ayant acheté. Au regard de ses qualités ludiques un brin limitées et de son style arty certes agréable à l’œil, mais masquant une aventure finalement sans réelle profondeur, le soft nous donne l'impression de n'avoir là aussi que ses trophées pour seul salut. Il reste toutefois loin du calamiteux Orc Slayer, un platine prenant seulement deux heures... qui ne vous auront jamais paru aussi longues.
Il existe d'autres moyens d'obtenir des trophées faciles, ainsi que d'autres genre de chasseurs de succès. Ces derniers peuvent notamment viser un profil rempli à 100%, fuyant les jeux dont la complétion totale s'avère trop difficile (voire impossible) ou ceux proposant trop de DLC qui viendraient réduire le pourcentage de succès obtenu. Quand aux trophées faciles, ils peuvent aussi se trouver du côté des visual novel qui pullulent sur le store japonais et dont il suffit de valider les dialogues en boucle pendant 1 ou 2 heures pour en voir le bout, parfois même sans avoir capté le moindre mot de toute l'aventure.
... Mais présente aussi des avantages
Après quelques semaines passées à s'essayer à ce genre de pratiques, il n'est pourtant pas si difficile de comprendre ce qui peut attirer dans la chasse aux succès et aux trophées : voir son gamerscore augmenter ou les trophées de platine s'accumuler dans son profil procure un sentiment de progression que ne renierait pas un bon jeu à loot. Et si le tableau dépeint jusque ici donne une image un poil négative de ces chasseurs, il ne faut pas non plus oublier les bienfaits d'un tel choix. Des titres tels que Virginia, The Bunker ou encore Dead Synchronicity : Tomorrow Comes Today, sans être incroyablement bons, peuvent valoir le coup d’œil et auraient sans doute eu un peu moins de visibilité s'ils ne proposaient pas un platine aussi accessible.
Du côté des joueurs, vouloir obtenir l'intégralité des succès d'un titre n'empêche d'ailleurs pas forcément de le découvrir à sa manière : certains proposent même une liste de trophées parfaitement adaptée à la structure du jeu, ce qui évite au chasseur d'avoir à "sortir" de sa partie pour se demander comment obtenir les trophées restants. Les jeux Telltale, par exemple, proposent presque systématiquement un platine qui s'obtient dès que vous finissez l'histoire, évitant ainsi que la quête du 100% ne vienne casser le rythme et la narration des jeux concernés. De même, vouloir terminer à 100% les quêtes, récupérations d'objets et autres joyeusetés d'un monde ouvert d'Ubisoft suffit souvent à obtenir les ¾ - voire plus - des trophées du jeu, le reste prenant souvent la forme de quelques défis supplémentaires.
Dans ces conditions, les succès me paraissent plus intéressants car ils sont parfaitement intégrés au jeu et ne dénaturent pas l'expérience du joueur, se contentant de lui proposer quelques challenges pour compléter son aventure. Car malgré l'attrait qu'ils présentent, les trophées ne doivent pas occulter le jeu. Reste à voir dans quel camp vous vous situez : le joueur prêt à tout pour cumuler les succès et empiler les platines, ou celui qui ne voit ces éléments que comme un complément voire un moyen de densifier l'expérience des jeux, qu'il choisit avant tout de parcourir par rapport à l'intérêt qu'il leur porte ? Quel est le bon ? Quel est le mauvais ? Vous êtes libre de votre façon de jouer, mais pour l'auteur de ces lignes, le choix est déjà fait.