Le marché du jeu vidéo sur smartphones et tablettes continue de croître année après année et à s’imposer auprès des joueurs. Certains portages avaient séduit les amateurs de stratégie et/ou de RPG avec l’arrivée de XCOM et Final Fantasy IX sur sur iOS/Android. Square Enix continue d’occuper une place importante sur l’App Store et Google Play avec ses spin off et autres versions tactiles de ses licences phares tandis que Supercell s’impose une nouvelle fois comme l’acteur par excellence. La sortie de Clash Royale, jeu de stratégie mâtiné de MOBA et de cartes à jouer, a propulsé le mobile dans la sphère de l’e-sport et confirmé le potentiel d’une telle plateforme à condition de concevoir des titres pensés pour celle-ci. Et Nintendo embrasse cette vision du jeu vidéo en renouvelant sans cesse sa manière d’aborder ce média. Motion Gaming, tactile, mobilité… Big N aime à innover. Son arrivée dans la sphère mobile en 2016 a confirmé l’intérêt d’un tel acteur sur ce marché et pour cause… le mobile évolue de mois en mois.
Bande-annonce de Pokémon GO
Un éditeur frileux
Focalisé sur ses propres consoles de salon et portables depuis des décennies, Nintendo s’est toujours refusé à faire de ses licences des transfuges à l’exception de Zelda et des regrettés jeux sortis sur CD-i. Big N aura résisté bien des années à l’appel du pied du mobile et des actionnaires désireux d’attaquer un marché ô combien lucratif. Avec un chiffre d’affaires estimé à 36 milliards de dollars pour 2016, difficile de les contredire. L’éditeur japonais a finalement révélé en 2015 sa collaboration avec DeNA, géant japonais du mobile basé à Tokyo, pour l’exploitation de ses franchises iconiques. Nintendo est resté muet en 2015 à l’exception du portage opportuniste de Pokémon Shuffle, licence officiellement entre les mains de The Pokémon Company. Mais 2016 verra l’avènement de l’éditeur sur iOS et Android.
Un premier pas tonitruant
Premier pas de Nintendo sur smartphones et tablettes, Miitomo n’est pas à proprement parler un jeu, mais prend la forme d’un réseau social gamifié avec pour objectif de converger les comptes utilisateurs vers une structure commune avant le lancement des futurs hits de la firme tout en récoltant quelques deniers au passage. L’application a reçu un excellent accueil avec pas moins de 10 millions d'utilisateurs avant de perdre ses derniers, la faute à un contenu rachitique et un manque de profondeur malgré un concept plaisant et un humour omniprésent. Quand bien même, Miitomo a engrangé jusqu’à $40.000 par jour au meilleur de sa forme et permis à Nintendo de tester le marché mobile avec panache.
Puis la déferlante Pokémon Go a embrasé l’été 2016. Spin off adaptant la célèbre formule de Game Freak sur mobiles en transposant la chasse aux monstres de poche dans le monde réel avec l’aide de la réalité augmentée, le jeu développé par Niantic a démocratisé le jeu vidéo sur mobiles et poussé les plus réfractaires à télécharger l’application afin de profiter d’une aventure grandeur nature. Pokémon GO est sorti le 24 juillet 2016 en France et le succès fut immédiat. À la fin de l’été (début septembre), 500 millions de téléchargements, 40 millions de joueurs quotidiens et 200 millions de dollars (en 32 jours) résumaient un phénomène planétaire sans précédent. Et le titre tient la distance malgré ses détracteurs et une perte de vitesse logique. Les mises à jour régulières ont permis à Pokémon GO de se maintenir en récoltant encore 2 millions de dollars par jour début octobre. Depuis, Niantic a annoncé la seconde génération de Pokémon et ajoute régulièrement de nouvelles créatures afin de nourrir le fan crapahutant depuis déjà 6 mois au coeur des jungles urbaines de France et de Navarre. Certes Pokémon GO n’est pas un produit 100% Nintendo, mais les revenus acquis par la firme restent substantiels et confirment la force de frappe des licences de la société peu importe le support.
Première apparition du plombier moustachu sur iOS, Super Mario Run a été révélé lors de la Keynote Apple de septembre 2016. Cette simple annonce a encouragé l’action Nintendo avec un joli +29%. Au-delà de l’excellent accueil critique, la rédaction lui accordant 16/20, Nintendo se frotte les mains. Ce véritable premier jeu peut se vanter d’avoir accumulé 40 millions de téléchargements en 5 jours (90 millions début janvier) et 30 millions de dollars à l’heure actuelle. Et son modèle hybride n’est pas à minimiser. Prenant la forme d’une démo avec ses 4 premiers niveaux jouables, Super Mario Run a converti près de 4% des joueurs, un excellent taux de conversion sur mobiles, licence Nintendo aidant.
Bande-annonce de Super Mario Run
L’avenir sera “mobile”
Nintendo ne le cache plus et Tatsumi Kimishima (PDG de Nintendo) a été très claire quant à la stratégie de la société dans les années à venir. La branche mobile sera l’un des piliers des revenus financiers, mais ne marchera à aucun moment sur les plates-bandes de la division historique. L’idée est simple. Les jeux mobiles sont perçus comme un produit d’appel pour les joueurs occasionnels et une manière de prolonger l’expérience Nintendo le smartphone en mains. En d’autres termes, les jeux mobiles appâteront les néophytes et la simple sortie de Pokémon GO témoigne du potentiel de cette stratégie avec une croissance des ventes de Nintendo 3DS de +100% au Royaume-Uni cet été.
Nous allons utiliser cette opportunité pour introduire nos personnages auprès de cette audience et leur laisser expérimenter le fun de nos jeux et espérer les faire venir vers nos machines. - Shigeru Miyamoto
En novembre 2015, Nintendo annonçait 5 jeux à venir d’ici mars 2017. En janvier de ladite année, seuls 2 titres ont vu le jour. Miitomo et Super Mario Run. 3 jeux sortiraient donc en 3 mois ce qui paraît, soyons francs, totalement improbable. Une déclaration récente a redessiné la stratégie de Big N avec 2-3 jeux à prévoir par an à compter de 2017. Et nous pouvons d’ores et déjà spéculer sur les titres. À en croire les communiqués, Nintendo travaille sur un Fire Emblem et un Animal Crossing Free to Play à destination des terminaux mobiles. Et ces 2 licences paraissent être d’excellents choix tant les genres et les concepts conviennent à la consommation du jeu vidéo en mobilité à condition de prêter attention aux contraintes nomades et de concocter des versions pensées pour les mobiles. Et la licence Pokémon n’a pas dit son dernier mot. Pokémon Comasters, malgré son aura bien mystérieuse, annonce un vent de monstres de poche et ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Nous allons continuer à observer les opportunités que les téléphones apportent et quand nous en trouverons une autre, nous continuerons à concevoir pour ce hardware, de façon à utiliser tous les avantages de ses fonctionnalités. Mais nous continuerons à concevoir pour nos propres plateformes bien entendu. - Shigeru Miyamoto
La Nintendo Switch répond également à cet appel “mobile”. Console hybride à la fois portable et de salon, la future plateforme de Nintendo prend des allures de tablettes tactiles et embarque un SoC (System on Chip) Tegra, une version optimisée des puces montées sur les Nvidia Shield Tablet sous Android. Et le développement de jeux mobiles sous Unity (Super Mario Run) laisse présager d’un écosystème commun entre smartphones, tablettes et consoles. Au point de pouvoir démarrer une partie de Super Mario Run sur Android et la terminer sur Switch ? L’avenir nous le dira.
L’année 2016 a donné raison à Nintendo et à son ouverture au jeu vidéo sur mobiles. 3 jeux plus tard, Big N s’est imposé comme un concurrent sérieux sur ce marché ultra concurrentiel. Et 2017 sera l’année de l’éditeur avec ses licences appréciées de tous et sa faculté à tirer profit des terminaux ciblés. Smartphones, tablettes et Switch, l’éditeur joue intelligemment la carte de la mobilité dans un monde en perpétuelle évolution et incapable de tenir en place.