Soldats de l’Empire et Space Marines de l’Imperium foulent champs de bataille et tranchées avec une assiduité remarquable depuis plus de 3 décennies et ces guerres fantastiques et galactiques ne s’arrêteront pas de sitôt. Les troupes de Games Workshop occupent les marchés du jeu de plateau, du wargame et du jeu vidéo. Après avoir mené une politique Cross media misant avant tout sur les projets à fort potentiel, Games Workshop exploite désormais ses franchises à un rythme effréné, vendant ses droits au plus offrant avec pour résultat une multitude de jeux vidéo débarquant sur PC et consoles sans vraiment faire l’unanimité. Au point d’en provoquer le déclin ? Fans et néophytes finiront-ils par se lasser des jeux Warhammer (40.000) ? Games Workshop révisera-t-il sa stratégie dans les années à venir ?
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La brique et le mortier
Fondé en 1975 par John Peake, Ian Livingstone, et Steve Jackson, la société Games Workshop était à l’origine un fabricant de jeux de plateau en bois, puis devînt par la suite l’importateur du jeu de rôle Dungeons & Dragons en Europe et le créateur de célèbres Wargame et jeux de rôles. En 1983, Warhammer Fantasy Battle fit son apparition et 4 ans plus tard son pendant futuriste Warhammer 40.000 lui emboîta le pas. Profitant de l’engouement pour ses franchises fraîchement créées, Games Workshop cessa toute collaboration avec ses distributeurs pour lancer dès 1984 ses propres boutiques et ainsi entrer dans le monde fermé de la Brique et du Mortier (Brick & Mortar). En s’implantant physiquement aux États-Unis et dans de nombreux pays en Europe incluant la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Irlande... Games Workshop mit sur pied un véritable empire qui prospéra.
Avec l’avènement d’Internet et des achats en ligne, les boutiques Games Workshop conservèrent leur rôle de lieux de rencontre, d’ateliers peinture et de champ de bataille miniature… La société mère développa de son côté son activité sur le web avec Games-Workshop.com facilitant l’accès à ses produits à travers le monde et touchant une nouvelle clientèle. Malgré une perte de vitesse dans les années 2010’s et une restructuration de ses franchises avec l’arrêt de Warhammer Fantasy Battle en 2015, Games Workshop résiste à l’ère du numérique et la montée en puissance du jeu vidéo avec un chiffre d’affaires stable : £123.1 millions (2011) et £123.5 millions (2014), preuve de sa santé financière.
Gaming Live de Warhammer 40.000 : Dawn of War 3 - Nos premières impressions
A la conquête de l’immatériel
Boutique en ligne et ventes de ses propriétés intellectuelles, Games Workshop fit évoluer sa stratégie commerciale en adéquation avec les nouvelles habitudes de consommation et l’arrivée du 10ème Art sur le marché des loisirs et le succès que nous lui connaissons à présent. Dès le début des années 1990’s, Games Workshop se pencha sur ce média sans pour autant prendre le risque de monter ses propres studios de développement. Hero Quest fut le premier titre à voir le jour en 1991, suivi par Space Crusade un an plus tard. Ces 2 titres édités par Gremlin Interactive reçurent un excellent accueil de la part de la presse et du public, confirmant le potentiel de ces 2 licences sur le marché du jeu vidéo. Flairant le filon, les éditeurs Electronic Arts et SSI prirent les choses en mains et lancèrent pas moins de 6 jeux en l’espace de 6 ans. Fer de lance du jeu vidéo sur PC à cette époque, le jeu de stratégie aussi bien au tour par tour qu’en temps réel fusionnait à la perfection et sans difficulté avec les licences de Games Workshop.
A l’orée des années 2000’s, cette politique Cross media s’intensifia avec l’arrivée aux commandes des éditeurs Bandai Namco et THQ, respectivement sur les licences Warhammer (avec EA et Focus Home Interactive) et Warhammer 40.000. 5 titres fantaisistes et 10 titres futuristes virent ainsi le jour en l’espace de 10 ans. Les franchises se déclinèrent piochant dans des genres aussi variés que le MMORPG, le jeu de tir, le sport et la stratégie. Et la conquête de ce nouveau monde immatériel était en bonne voie. Dans la majorité des cas, ces adaptations répondaient aux attentes des fans et tentaient timidement de convertir les joueurs « impies ». Et ce fut chose faite en 2004. Petit bijou développé par Relic Entertainment, Warhammer : Dawn of War décrassa le jeu de stratégie et gagna sa place sur le trône. 5 ans plus tard, Dawn of War II séduisit une nouvelle foule de stratèges en herbe avec sa vision héroïque et accessible d’un genre parfois austère. L’avènement de Warhammer en tant que licence vidéoludique venait de se produire.
Gaming Live de Warhammer 40.000 : Dawn of War II
Une croisade au bord de l’asphyxie
Et ce besoin de conquête, contrôlé jusqu’à présent, se transforma en pulsion frénétique. Pas moins de 23 jeux débarquèrent sabre au clair et Chainsaw au vent en entre 2011 et 2016. Mathématiquement, le nombre de projets fut multiplié par 2.5 passant de 1.5 à 3.8 jeux par an. Un chiffre parlant de lui même pour une politique aberrante. Durant la seule année 2016, 5 titres envahirent PC, consoles de salon et smartphones. Oscillant du médiocre Eisenhorn : Xenos (46% sur Metacritic) au correct Space Hulk : Deathwing (65%) en passant par l’excellent Total War : Warhammer (86%) et le prometteur Battlefleet Gothic : Armada (77%), Games Workshop surexploite ses licences et donne l’impression de vouloir tirer profit de sa poule aux œufs d’or à tout prix au détriment de celle-ci.
En privilégiant la quantité au détriment de la qualité, la société égratigne ses franchises et détruit l’intérêt qui leur est porté. La sortie d’un jeu vidéo Warhammer ou Warhammer 40.000 n’est plus un événement, mais une simple redite voire une blague. « Encore un jeu Warhammer ! ». « Pas de sortie Warhammer ce mois-ci ? ». L’attente suscitée par de telles adaptations devrait soulever les foules, déchaîner les passions. Et pourtant, il n’en est rien. Autrefois gage de qualité, les productions perdent de vue l’essentiel, à savoir le plaisir de parcourir des univers riches, dont le potentiel ne fut que partiellement révélé durant ces 25 années d’exploitation. La planche à billets guide désormais le bras vengeur d’un empire Games Workshop cédant ses propriétés intellectuelles au plus offrant sans penser à les protéger des dégâts causés par une suite d’adaptations simplement opportunistes.
Space Hulk Deathwing : L'avis de la rédaction en 3 minutes
Un vent d’espoir
L’avenir appartient aux audacieux et le Space Marines n’est dénué ni de courage ni d’ambition. Après avoir frôlé l’asphyxie en 2016 avec cette pluie de jeux estampillés Warhammer au point de parler d’overdose, l’année 2017 s’annonce sous les meilleurs auspices.
Seulement 2 titres au programme à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes. Et l’intérêt pour ces productions n’a d’égal que les qualités qui en émanent. L’Action RPG développé par Neocore Warhammer 40.000 : Inquisitor - Martyr et le jeu de stratégie Warhammer 40.000 : Dawn of War III, développé par Relic Entertainment et édité par Sega, redorent d’ores et déjà le blason des armées de l’empereur. Games Workshop semble être revenu à la raison et grand bien lui en fasse. Privilégier les productions ayant les moyens de leurs ambitions et diminuer le nombre de projets AA offriront à la franchise un regain d’intérêt en combinant rareté et qualité et réconcilieront joueurs et licences Warhammer sous une pluie de flèches et de plomb.
Games Worshop a tiré sur la corde durant de nombreuses années, abreuvant le fan en jeux vidéo encore et encore au point d’éteindre la flamme qui les anime. Après une série de titres aux qualités indéniables, pléthore d’adaptations ont profité de la réputation des licences pour engranger quelques deniers sans penser aux conséquences sur le long terme et à cette perte d’intérêt grandissante. Seule une nouvelle stratégie se résumant à réduire le nombre de projets afin de garantir des œuvres fidèles et à la réalisation exemplaire, sauvera de l’indifférence les licences Warhammer et Warhammer 40.000. Et vive l’empereur !