Bien que présentés régulièrement comme l’un des avenirs probables du jeu vidéo, les services de Cloud Gaming peinent encore aujourd’hui à convaincre, surpassés qu’ils demeurent par une expérience de jeu en local plus flexible, plus variée et plus qualitative. Pour autant, la jeune société française Blade continue de croire en cette technologie, et nous a livré la semaine dernière sa vision de ce qu’elle pourrait offrir aux joueurs, dans un avenir proche.
Si l’on devait trancher aujourd’hui et vous aiguiller vers la meilleure offre disponible sur le marché en matière de Cloud Gaming, il est fort probable que le premier service qui nous viendrait en tête serait GeForce Now, de NVIDIA. Toutefois, si dans la foulée de cette question, vous nous demandiez si ce service est véritablement satisfaisant du point de vue du joueur que nous sommes, nous serions sans doute obligés de vous répondre… non. Paradoxal ? Pas vraiment … C’est en fait là toute la problématique des services de Cloud Gaming aujourd’hui, qui ont le mérite d’exister, et qui fonctionne plutôt bien si l’on est équipé d’une connexion adéquate, mais qui semble toujours avoir du mal à trouver un équilibre par rapport à une expérience de jeu en local, à trouver l'élément déclencheur qui nous ferait dire « OK… Ce service, il me le faut ! ». Pour continuer sur l’exemple de GeForce Now, le catalogue, bien qu’en constante évolution, reste limité et peine à trouver des titres récents et porteurs qui amèneraient la lumière sur lui. On notera aussi que service international oblige, de nombreux jeux ne sont disponibles qu’en anglais. Et l’expérience reste ponctuée de petits inconvénients pratiques, comme l’impossibilité de conserver ses paramètres graphiques d’une session à une autre… Enfin, on est sur une offre relativement fermée, et réservée aux usagers de produits NVIDIA, de la même manière que le service Orange Gaming se réserve aux clients de l’opérateur, et que le PSNow se dédie aux possesseurs de console PlayStation 4.
Dès lors, doit-on considérer que le Cloud Gaming continuera d’évoluer sur le principe d’une multitude d’offres aussi confidentielles que fermées ? Peut-être pas… Car depuis quelques années maintenant, une société française, Blade, explore une autre voie de développement. Une voie dont les premiers éléments nous ont été présentés la semaine dernière, et qui débouchera sur le déploiement d’une offre Cloud qui se veut à la fois performante, multiple, et ouverte. Plus concrètement, leur système baptisé Shadow se matérialisera par un boitier, qui disposera évidemment de toutes les options de connectiques modernes, et que l’on reliera à son réseau domestique. À l’intérieur, on trouvera un ensemble propriétaire, que l’on pourrait assimiler à une carte Raspberry Pi, et qui délivrera toute la puissance nécessaire pour gérer les flux de données en provenance du Cloud… Jusqu’ici, rien d’incroyable… Sauf que le boitier ne vous dirigera pas vers une interface et un service dédié, mais vers un environnement PC tout ce qu’il y a de plus classique, sous Windows. À partir de là, libre à vous de surfer sur internet via votre navigateur préféré, de gérer votre comptabilité, et bien sûr, d’installer tous les jeux que vous voulez, sur Steam, Origin, ou tout autre portail. C’est ce que nous entendions, lorsque nous qualifions d’ouverte la proposition des responsables de Blade : on ne parle plus ici d’un service spécifique au sein d’un environnement contrôlé, mais d’un espace de jeu et de travail, associé à une puissance de calcul, et entièrement mis à votre disposition. Évidemment, considérant les équivalences de configuration proposée (à base de gros CPU Intel et de GTX 1080), l’offre de Blade sera dans un premier temps bien plus dimensionnée pour les joueurs que pour les travailleurs.
Derrière cette alléchante promesse, il reste évidemment une question indissociable de tout service Cloud : quid de la latence ? L’expérience utilisateur est-elle réellement similaire à ce que l’on pourrait avoir sur un PC en local ? Sur la démonstration qui nous a été faite, ce fut évidemment le cas : nous avons ainsi pu profiter de quelques sessions sur Battlefield 3 ou Overwatch, sans qu’aucun lag ni aucun souci d’affichage ne viennent perturber notre expérience. En parallèle, Blade a fait tourner une série de benchmarks, sous 3D Mark, puis sous Photoshop, sur deux PC portables d’entrée de gamme identiques, l’un travaillant en local, et l’autre tirant ses performances du système Shadow. Résultat : le constat fut sans équivoque. Le PC dopé au cloud affichait des performances et une réactivité insolentes, face à son alter ego qui ne pouvait compter que sur ses composants internes. Ce fut également l’occasion pour nous de constater qu’en termes de navigation (accès aux logiciels, configuration du système, etc…), rien ne semblait différencier les deux machines.
Attention toutefois : le lancement de GeForce Now nous a montré qu’il pouvait y avoir des différences considérables entre ce type de démonstration et l’expérience que l’on peut avoir dans des conditions réelles. À ce titre, les responsables de Blade se sont néanmoins voulus rassurants : ils semblaient d’une part très confiants vis-à-vis des algorithmes de compression qu’ils ont mis en place, de même qu’il nous ont expliqué que le fait de proposer une offre limitée à l’hexagone leur procurait certains avantages en termes d’infrastructure réseaux, dont ne peuvent pas bénéficier des services internationaux comme GF Now. Ce qui nous amène d’ailleurs à aborder une autre question importante, s’agissant d’un service Cloud : quel type de connexion sera nécessaire pour profiter de Shadow dans les meilleures conditions ? Là-dessus, pas de surprise : Blade ne conseille rien de moins que la fibre et une bonne stabilité, même si ses responsables indiquent que les exigences maximales en matière de débit devraient être autour de 15 Mbits (sur du contenu 4K, par exemple), tandis qu’un usager moyen devrait s’en sortir avec 7-8 Mbits.
Quoi qu’il en soit, et au sortir de notre entretien et des quelques expériences que nous venons de décrire, force est de reconnaître que la promesse faite par Blade nous a paru plus qu’alléchante, notamment par l’esprit d’ouverture que la solution revendique : pas de limite liée à un catalogue fermé de jeux, un usage qui ne se réduit pas au gaming, mais qui vise à remplacer un PC dans sa globalité, et sans parler de l’avantage pour l’utilisateur de ne plus avoir à se soucier de la mise à jour de son matériel… C’est pour notre part et sur le papier tout ce que l’on attendait d’une offre de cloud gaming moderne. Pour le moment, l’équipe française réfléchit encore à son positionnement commercial, mais table sur un boitier à 200€ (licence Windows comprise) et un abonnement Cloud qui naviguerait entre 30 et 40€. Des éléments qui seront de toute façon rapidement confirmés, puisque le lancement de Shadow devrait intervenir d’ici la fin de l’année. Et comme vous pouvez vous en douter, nous suivrons les développements de cette offre avec un grand intérêt.