Lorsqu'en octobre 2015, Xbox France annonce à la presse sa volonté de participer au développement de l'e-sport en France, on ne pouvait que se douter de l'importance que jouerait la franchise Halo dans cette vaste entreprise. Mais il y a dans l'hexagone une autre scène qui prend de la place, dans l'ombre, et ce depuis des années : celle de Forza Motorsport, la simulation de courses automobiles développée par Turn 10. Aujourd'hui la compétition bat son plein, avec aux commandes, deux fanatiques de sport auto : Vincent et Maxime, que nous avons rencontré.
On aurait tendance à l'oublier, ce brave Forza. Dans un pays majoritairement acquis à la cause PlayStation, et donc battant le pavillon Gran Turismo, la simulation de Turn 10 est la seconde licence Xbox la plus populaire en France. Aussi abordables et grand public que techniques et subtils, les Forza Motorsport ont aujourd'hui gagné le respect des amateurs de jeu de course, car ce qu'ils font, ils le font très bien, sans prétendre être la simulation ultime. De fait, il n'est pas étonnant d'apprendre que depuis Forza Motorsport 2, un championnat de France existe, et que depuis ses premières itérations, il n'a fait que grossir. Un tant supporté par Xbox, qui fournissait des lots pour les participants, la compétition est devenue beaucoup plus officielle lorsque la marque au X vert a décidé de l'accueillir dans son programme e-sport, les Xbox Elite Series. Après une longue phase de qualifications, ouverte à tous, le championnat a atteint sa vitesse de croisière. Vendredi prochain se déroulera la 8ème manche de la compétition, deux courses décisives pour le classement. Car le 17 juin prochain, les choses sérieuses commenceront : ce sera le début des play-off et donc la course pour le titre ultime.
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Découvrir le championnat de France de Forza Motorsport 6 est une expérience inédite, lorsque l'on n'avait jamais posé les yeux ou les oreilles sur une compétition de ce genre. Bien entendu, comme dans tout événement e-sport, les courses sont commentées, et l'on comprend vite que les speakers n'ont pas été choisis au hasard : le niveau de connaissance et d'analyse dépasse très largement ce que l'on peut entendre, par exemple, un dimanche jour de grand prix. Qui sont-ils, ces deux bonhommes, se demande-t-on ? Pour peu que le sport auto vous intéresse, jetez une oreille aux courses commentées par Vincent et Maxime, qui ont bien voulu répondre à nos questions.
Vincent, alias Dopamine, a 40 ans. Infirmier anesthésiste dans le civil, c'est un gamer de première génération, qui a fait ses premiers pas dans les salles d'arcade de l'époque. Passé par l'émission Micro Kids, sa passion pour le jeu vidéo l'a conduit jusqu'à Rue89, où il anime la rubrique dédié aux jeux vidéo. On peut également entendre sa voix dans LaCazRetro, un podcast traitant... de jeux rétro. À ses côtés, Maxime, ou Maxou le Pilote, 24 ans. Ce Belge du Hainaut, passionné d'automobile depuis sa plus tendre enfance, découvre le jeu vidéo vers ses 10 ans, grâce à un vieux PC et Colin McRae Rally, premier du nom. Lui qui est encore loin de pouvoir piloter ses propres voitures se découvre une véritable passion pour la conduite virtuelle. Une passion qui dirigera même ses études, puisqu'il est aujourd'hui technicien automobile.
Tout comme Maxime, Vincent plonge vite dans le monde de la course auto. « J'ai eu énormément de chance puisque mon père était très ami avec un grand pilote d'endurance, Bob Wollek. J'ai ainsi pu admirer et écouter des voitures incroyables, Porsche 962C, Mazda 787B, sur des circuits comme Le Mans, Imola ou Hockenheim ». Ce qui lui a permis de fréquenter avec assiduité de véritables paddocks, comme Maxime d'ailleurs : « J'ai découvert à 11 ans le circuit de Spa-Francorchamps où depuis je passe près de 15 week-ends par un, un véritable jardin pour moi ».
La manette à défaut de volant
« Je n'ai pas les moyens de vivre ma passion de l'auto dans la vie réelle. Tout du moins je considère qu'il faut rester raisonnable et la voir comme un objet utilitaire » nous confie Vincent. Rouler chez les pro, cela coûte extrêmement cher. Ce n'est pas donné à tous. Et si nos deux compères se seraient probablement bien vus au volant d'un monstrueux V8, il leur a fallu trouver une autre façon d'exprimer leur passion. Les jeux vidéo furent un choix logique, évident. « Un passionné de sport auto peut difficilement rester insensible à un moyen de vivre cette passion au plus près de la réalité » explique Vincent. Il ajoute : « Je pense qu'aujourd'hui, un fan de sport auto va presque obligatoirement commencer à jouer et ce de façon plus ou moins sérieuse. Forza par exemple est une bonne introduction, mais on peut aller très loin dans la simulation, et très, très proche de la réalité. Certains sauraient faire voler un avion grâce à un Flight Simulator, d'autres sont de véritables pilotes virtuels sur iRacing. Des pilotes comme Barrichello passent du bon temps sur des jeux comme iRacing par exemple. » En toute logique, parmi les premiers jeux vidéo de Vincent, on compte bon nombre de jeux de course. « Mon premier gros souvenir concerne Pôle Position (VCS 2600), Hard Drivinn (arcade) Outrun (arcade) ». De son côté, Maxime découvre le monde de la course à sa manière. Pas encore très coutumier des jeux vidéo, il crée ses propres courses, qu'il commente lui-même. Le commentaire devient vite une véritable passion pour lui, au même titre que la course elle-même. « Enfant, je volais des kilos de sucre dans l'armoire de la cuisine pour l'étaler et jouer avec mes petites voitures au Trophée Andros. Courses que je commentais bien entendu. Pendant un instant, j'étais au cœur d'une course sur glace entre Yvan Muller et Marcel Tarrès ».
Deux trajectoires différentes
Cette passion pour le commentaire, il va la nourrir. Un jour, visitant un musée automobile, il découvre une cassette VHS intitulée « BTCC 98 Season Review » ; il supplie ses parents de la lui offrir. « C'est un de ces objets qui m'a fait devenir fan de l'art du commentaire de sport automobile. Je la garde symboliquement au-dessus de mon PC ».
De son côté, Vincent développe une véritable affection pour les courses d'endurance, sans doute grâce à sa proximité avec Bob Wollek, qui lui-même avait participé de son vivant à trente éditions des 24h du Mans. Ironie du sort, c'est à vélo et proche du circuit de Sebring, que l'homme avait trouvé la mort, fauché par un poids-lourd. Comme son futur complice, "Dopamine" se spécialise petit à petit dans l'art noble du commentaire de courses auto virtuelles. Mais pas que. L'homme a participé à plusieurs reprises au championnat de France Forza Motorsport, se faisant ainsi connaître des organisateurs. Allant jusqu'à leur prêter la main. « Il faut savoir que cela demande énormément de travail et que l'organisation est à 98 % bénévole. Je n'étais pas très chaud pour cette nouvelle édition, même s'il m'était possible de donner un coup de main, puisque j'avais déjà participé à d'autres éditions en tant que pilote, mais aussi pour faire des présentations de circuits et produire du contenu pour le site officiel ».
Maxime vit une histoire un peu différente. Plus jeune que Vincent, il n'est pas connu des organisateurs du championnat de France Forza. Son nom, Maxou le Pilote, il le fait découvrir via YouTube, et Twitch. « J'ai commencé par commenter une ou l'autre course et les diffuser sur Twitch pour un ami passionné de BMW, qui participait à un championnat de GT3 sur Project CARS », explique-t-il. Le championnat ayant ensuite disparu, le Belge n'a pas baissé les bras pour autant, désirant plus que tout vivre de sa passion. « Nous avons ensemble monté un championnat sur Project CARS PC, sous forme de week-end de Super Tourisme. Avec les moyens humains, nous avons pu compléter les manques du jeu comme la grille inversé, ou le safety-car ». Et c'est un véritable succès : « Depuis, la très réputée FFSCA me compte comme commentateur officiel de sa Porsche Supercup et son championnat de GT, le Blancpain ».
Pôle position : les Xbox Elite Series
Lorsque Xbox France décide finalement de prendre sous son aile le championnat de France de Forza Motorsport, et de l'intégrer aux Xbox Elite Series, les choses deviennent beaucoup plus concrètes. Xbox veut donner de la visibilité à ses jeux, à ses compétitions, et à l'e-sport de manière générale. Il faut créer un événement sexy, intéressant, captivant. Et cela passe par de bons commentateurs, qu'il faut donc recruter. Vincent a tôt fait d'être abordé. « Connaissant bien cette compétition, ayant un minimum de culture jeux vidéo et voitures, Sébastien (Ullmann, l'un des fondateurs du championnat de France de Forza Motorsport, ndlr) a pensé à moi puisqu'il connaissait mon travail ». Quant à Maxime, son travail de commentateur désormais connu dans le milieu de l'e-sport, c'est la consécration. « Pour l'heure l'expérience la plus importante et professionnelle pour laquelle on m'a appelé, c'est le championnat de France Forza Motorsport 6 », confie-t-il. « Etant un joueur Forza depuis de nombreuses années, je suis heureux que l'ESL et Microsoft m'aient contacté, une opportunité unique et je les remercie encore aujourd'hui ».
Aujourd'hui, les deux compères commentent ensemble et chaque semaine le championnat, depuis un studio basé à Strasbourg. « Chaque diffusion est l'occasion d'échanger avec Dopamine nos connaissance du jeu et du sport automobile auprès de nombreux spectateurs », rajoutant « C'est avec un plaisir fou que je prends la route jusqu'à Strasbourg ». Prochaine mission ? Commenter la 8ème manche du championnat de France de Forza Motorsport 6, qui se déroulera vendredi à à partir de 21h. Avec au programme deux circuits légendaires : Watkins Glen et Monza. Il va falloir aller très vite !