Voyager à l'autre bout du monde pour seulement quelques heures de travail, cela a toujours quelque chose de frustrant : le journaliste européen, notamment, sait d'avance qu'il passera plus de temps à essayer de caler correctement ses jambes dans un vol long courrier, qu'à travailler. Près de 24 heures de vol pour seulement quelques heures de travail, le gratte-papier lambda espère qu'il ne fera pas le déplacement pour rien, et pourra rapporter à ses lecteurs quelques croustillantes informations. Et avec Microsoft et son Showcase Xbox, il y avait de quoi espérer : l'actualité récente a été des plus perturbées et Phil Spencer doit négocier un virage délicat : booster le jeu sous Windows 10 tout en gardant la confiance des joueurs Xbox. Des joueurs qui n'ont pas hésité, récemment, à faire connaitre leur mécontentement quant à la sortie prochaine sur PC de Quantum Break, le bébé de de Sam Lake jusque là exclusif à la Xbox One. De là à dire que l'événement avait été organisé en amont, en prévision de ces réactions, il n'y a qu'un pas que l'on aurait volontiers franchi avant de se trouver à San Francisco, à arpenter les locaux loués par Microsoft pour l'occasion. Quelques minutes à circuler dans l'ancien entreprôt réaménagé en salle d'exposition auront permis au moins perspicaces des journalistes de comprendre que, non, ce Xbox Spring Showcase n'a pas vraiment pour but d'appâter de nouveaux joueurs : Spencer et ses troupes sont là pour rassurer, et se justifier.

Phil Spencer monte sur scène

Ainsi, à 9h30, l'homme du jour monte sur la petite scène mise en place devant un parterre de journalistes finalement assez conséquent. La presse vidéoludique du monde entier est là, et c'est que tient à saluer Spencer. À l'en croire, les salons comme l'E3 ont cassé le lien de proximité qui pouvait exister autrefois entre la presse et l'industrie, puisque jusque là, ces rédacteurs de l'extrême étaient les seuls relais d'information pour les joueurs. Mais avec la mise en place des conférences diffusées en direct, l'utilisation massive des réseaux sociaux, les journalistes ont perdu de leur importance, ce qui selon Spencer, est plutôt dommageable. Certes. Si l'on apprécie la caresse dans le sens du poil, la suite du contenu, elle, inquiète plus. Malgré sa bonhommie, sa bonne humeur et les quelques blagues qui faisaient marrer à intervale régulier l'assistance, à aucun moment Spencer ne s'est voulu vraiment rassurant pour les joueurs : oui, des jeux jusque là exclusifs à la Xbox One continueront de débarquer sur Windows 10. À commencer par Forza Motorsport 6, excellent jeu de course sorti sur Xbox One en septembre dernier (lire notre article dédié). À noter qu'il répondra au nom de Forza Motorsport 6 : Apex et qu'il s'agira d'une version free-to-play du jeu dont nous vous parlons ici.

Le grand patron de Xbox a défendu son steak avec des arguments que l'auditeur pragmatique aura su entendre. Il est cependant beaucoup moins certain que le joueur lambda, souvent passionné, y soit sensible. Evoquant non sans ironie les tweets qu'il a reçu suite à l'annonce de l'arrivée sur PC de Quantum Break, "Philou" a répété qu'il ne comprennait pas la réaction de ceux qui semblaient vouloir priver d'autres joueurs de titres de qualité. Un sujet que nous avons pu aborder lors d'un entretien avec le monsieur (article à venir très prochainement).

Néanmoins, Spencer s'est tourné vers l'avenir en expliquant que d'autres jeux Xbox One étaient en cours de production et que la console sera toujours abreuvée en titres exclusifs, ce qui devrait calmer quelques esprits échaudés. En ajoutant que cela ne sert pas que les joueurs : les développeurs sont attirés par les machines qui fonctionnent, et ne se donneront pas la peine de développer des jeux pour la Xbox One, s'ils sentent qu'elle est abandonnée. Afin d'éviter la situation de Nintendo donc, Spencer a bien l'intention de faire en sorte que la Xbox continue de peser, malgré des ventes inférieures à celle de sa première rivale.

La Xbox ONE en quelques chiffres

A ce sujet, et sans triomphalisme gratuit, Spencer a tenu à livrer quelques chiffres. Le choix et leur nature n'étaient pas anodins et il s'en est expliqué plus tard. Plutôt que donner des chiffres de ventes, l'homme a préféré mettre en avant le nombre d'utilisateurs actifs sur Xbox One. Un argument que l'on peut entendre, tant aujourd'hui les ventes de consoles sont peu représentatives de l'engouement que suscitent certaines machines. Personne ne croira que les 100 millions de propriétaires de Wii utilisaient de manière très régulière leur console, pour jouer à The Legend of Zelda : Twilight Princess ou Super Smash Bros. for Wii U. Pas plus qu'aujourd'hui les 35 millions de propriétaires de PlayStation 4 sont tous accro à leur console car elle leur permet de jouer à Killzone : Shadow Fall, inFAMOUS : Second Son, ou Bloodborne. Même chose côté Xbox, d'ailleurs. Non, aujourd'hui le jeu vidéo est un loisir de masse et tout le monde, ou presque, possède une console de salon ; certains jouent tous les jours, d'autres une ou deux heures le week-end. Donc, pour Xbox, et aussi parce que cela les arrange bien, le chiffre qui compte, c'est le nombre de joueurs actifs, et le temps de jeu moyen passé sur la console. Car selon eux, ces chiffres sont révélateurs de l'intérêt que porte un joueur à la machine qu'il a acquis. Un joueur régulier, c'est un joueur content, et c'est sur cela que veut miser Xbox. Une version revisitée du "la qualité vaut mieux que la quantité", qui leur permet de mettre en avant le chiffre de 40 millions d'utilisateurs actifs sur Xbox One, un chiffre qu'il affirme être plus élevé que sur Xbox 360. Plus que de la frime, il s'agissait là de rassurer la presse en leur disant que, contrairement à ce que les apparences et quelques analyses de cours de recréation pourraient laisser penser, la Xbox One fonctionne plutôt bien.

Où sont les jeux ?

Le sieur Spencer pourra jouer autant qu'il veut avec les chiffres, il y a néanmoins une vérité qui était quelque peu inquiétante, lors de ce Spring Showcase, ou qui s'est révélée un peu décevante. Le journaliste optimiste espérait probablement voir quelques vraies nouveautés, comme par exemple un peu de gameplay de ReCore, ou, pourquoi pas, des nouvelles informations concernant Scalebound, Sea of Thieves, Gears of War 4, et d'autres. Il n'en fut rien. Tout ce qui fut présenté, à une exception près (Forza Motorsport 6 Apex), était déjà connu. Voilà la liste des titres qui étaient mis à disposition de la presse, lors du Spring Showcase :

• Forza Motorsport 6 (dans sa version Xbox One), afin de présenter l'extension Porsche à paraître le 1er mars.
• Below
• Game 4 : Pit People, qui était d'ailleurs accompagné d'un contrôleur plutôt original
• La nouvelle saison de Killer Instinct, grâce à laquelle la presse a pu découvrir l'Arbiter
• Gears of War Ultimate Edition, dans sa version PC à paraître prochainement
• Quantum Break, sur console et sur PC
• Minecraft et sa compatibilité Oculus Rift
• Ori and the Blind Forest : Definitive edition, dans sa version Definitive Edition
• Dark Souls III

Et... voilà. Si l'on tient compte du fait que la version présentée de Below n'était pas bien différente de ce que l'on avait pu voir récemment et que la presse avait été conviée il y a quelques semaines chez Remedy pour découvrir Quantum Break, il faut admettre que l'événement a peiné à emballer les journalistes. Alors oui, Gears of War Ultimate Edition est somptueux, sur PC et en 4K ; les petites nouveautés de Ori and the Blind Forest (un niveau mettant en valeur deux nouvelles capacités) font honneur au jeu original ; et on aura noté que Quantum Break, dans sa version PC, a encore besoin d'un peu de travail puisque les PC mis à disposition semblaient cracher leurs poumons sur les pieds des joueurs, pour un résultat visuel pas bien supérieur à ce que les Xbox voisines proposaient.

Mais pour ceux qui espéraient revenir avec du neuf, du vrai, l'événement a vite tourné à la mauvaise blague. Le taux de remplissage de l'espace dédié aux jeux ne trompait d'ailleurs personne, puisqu'en début d'après-midi, il s'était déjà vidé de moitié. Ce qui laissait plus de temps aux confrères pour interroger les développeurs présents sur place, et nous leur en savons gré... mais nonobstant cette facilité d'accès et les quelques conversations intéressantes que nous avons pu avoir avec des membres de Moon Studio, Turn10 ou encore de Behemoth, admettons le, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent. Ceux qui s'attendaient à ce que Microsoft mette le paquet en présentant des AAA exclusivifs à la Xbox One, pour faire oublier les récents événements, sont forcément repartis un peu déçus.

Le Xbox Spring Showcase était donc un événement plutôt convivial, à l'ambiance détendue et dont on ressort avec un certain sourire, mais il fut amer. Car tous ces gens réunis ici sont forts sympathiques et l'on repart persuadés qu'ils sont tous de bonne foi.. Mais partent-ils vraiment dans la bonne direction ? S'il est encore trop tôt pour le dire, il faut déjà espérer que les joueurs Xbox n'en pâtiront pas trop, ou alors qu'ils sauront embrasser la nouvelle philosophie de la marque au X vert. Rien n'est moins sûr... Cap maintenant sur l'E3, où Spencer nous a promis que l'on ne s'ennuierait pas.