La définition du jeu indépendant varie beaucoup en fonction des personnes que l'on interroge, ainsi selon Nicolas alias Esken , développeur indépendant du jeu « The Ultimatest Battle » :

Qu'il soit édité ou non, le jeu indépendant est le plus souvent créé par des passionnés pour des passionnés, le facteur "rentabilité" (obligatoire pour toute entreprise) reste présent, mais au second plan comparé au désir de faire rêver ses joueurs.
Un jeu indépendant a la volonté de se démarquer de ce qui a déjà été fait, toujours chercher l'originalité et surtout "presser le jus" de son concept, en luttant contre le "potentiel mal exploité". Là où les géants du milieu n'oseraient pas s'aventurer, l'indépendant foncera presque tête baissée.

Il y a un terme qui revient constamment, c'est « liberté » et le coté « non-conformiste » qu'offre ce label indé. En effet, nous voyons mal des jeux comme « Basement » (un titre où l'on doit fabriquer et dealer de la drogue) être édité par Sony, une question d’éthique. Si un jeu indépendant peut être non-conformiste, c'est justement qu'à l'inverse les jeux commerciaux, eux, doivent être conformes et répondre à certaines exigences, c'est ce que l'on appelle les jeux AAA. Ils sont, eux, créés dans des optiques mercantiles et sont soumis à des règles et notamment la loi du marché. Ces titres ont un coût de développement relativement conséquent et qui dit coût, dit rentabilité. C'est sous ce constat qu'est né le jeu indépendant et qui fait, de cette volonté des développeurs de garder leur liberté et donc de pouvoir tout se permettre, à la fois sa force et sa faiblesse.

La liberté à tout prix :

Un exemple que nous connaissons tous reste celui de Goat Simulator : une simulation de chèvre qui a fait la fortune des développeurs indépendants suédois de chez Coffee Stain Studios. Le problème est que, sous couvert de ce label indépendant, des jeux qui d'un premier abord semblent fun (avouons que contrôler une chèvre reste cool) sont finalement totalement buggé, à la limite d'être injouable. Comment se positionner face à ce phénomène ? Doit-on rire de tout ou crier au vol ? Car, au final, en tant que consommateur, nous sommes en droit d'attendre un titre fini et parfaitement jouable, contrat qui n'est pas respecté dans ce cas-là. Nous avons encore en souvenir le tollé général soulevé lors de la sortie de Batman Arkham Knight, un titre ultra buggé sur PC. Pourquoi la communauté se soulève pour les titres AAA injouables alors qu'elle accepte de serrer les dents pour l'univers indépendant ? Il est plus facile pour nous, utilisateur, d'accepter les erreurs d'un petit studio indépendant que d'une grosse boite de production qui brasse des millions.

Partant de ce constat, nous pouvons nous demander si certains développeurs ne profitent pas de leur situation pour sortir des titres « non finis » en se disant que leur bébé ne sera finalement développé que si le succès est au rendez-vous et si ce n'est pas le cas alors tant pis... NEXT ! D'ailleurs, à partir de quand pouvons-nous considérer un jeu comme commercialisable ?

Prenons deux exemples pour illustrer l'ensemble :

• The Magic Circle : un titre prometteur mais vendu 20€ pour seulement 3H de durée de vie. Il est évident que si aujourd'hui un AAA se voit commercialisé avec 3H de durée de vie, le titre sera lynché par la communauté, et ce, à juste titre. Or, dans le cadre d'un jeu indépendant comme c'est le cas avec The Magic Circle, nous prenons l'expérience de jeu comme elle vient et nous nous accordons à dire qu'il n'y a rien de choquant là-dedans surtout que, dans le cas présent, malgré une durée de vie ridicule, le titre reste vraiment bon.

• Way of Gold and Steel : souvent dans le monde de l'indépendant, nous entendons la fameuse réplique « Dieu que c'est moche ! ». C'est d'ailleurs la principale remarque que l'on fait à Minecraft, pourtant 3e jeu le plus vendu au monde. Les développeurs de Way of Gold and Steel vont encore plus loin en nous proposant un titre tout droit sorti des années 80 en termes de design. Pourtant, le jeu reçoit des avis positifs sur Steam et confirme donc que, sous prétexte d'un label « indépendant », nous pouvons revenir 30 ans en arrière sans choquer personne, après tout, c'est de l'indé...

Durée de vie ridicule, graphismes d'un autre âge, la liberté offerte aux développeurs indépendants leur permet de nous sortir des titres assez pauvres. Alors, au final, les jeux indépendants sont-ils les marginaux de l'industrie du jeu vidéo ?

De toute évidence non ! Surtout lorsque l'on voit le mal que se donnent les éditeurs et les grosses structures comme Sony ou Microsoft pour développer leur propre catalogue de jeux indépendants. Le succès de Minecraft a clairement ouvert la voie aux indépendants et, aujourd'hui, les consoles ne peuvent se passer de ce label. Même Nintendo s'est lancé dans cette tendance et souhaite à son tour obtenir une part du gâteau géant que représente le potentiel des indépendants tant en termes d'image que de business. The Binding of Isaac, Super Meat Boy, Prison Architect (vendu à 1,5 million d'exemplaires), nombreux sont les exemples de réussite et il y a fort à parier que cette mode a encore de beaux jours devant elle.

Le scandale des indépendants :

Hélas, si les succès sont nombreux, c'est sans compter sur les échecs et dans certains cas, nous pouvons même parler de véritables arnaques. Mansion Lord ! Si ce jeu ne vous dit rien, ce n'est pas le cas des 1100 contributeurs qui ont financé via Kickstarter un titre qui a obtenu son financement à hauteur de 30.000$ et qui a tout simplement vu cet argent s'évaporer dans la nature. En effet, Michael Wong, faux développeur indépendant et propriétaire du site Golgomgames.com, s'est tout simplement fait la malle avec le joli pactole. Mansion Lord n'a jamais vu le jour et ne le verra sans doute jamais ! Cela nous rappelle Cube World, un jeu prometteur et largement financé par la communauté qui lui aussi a vu son développeur « Wollay » partir en vacances pendant plus d'1 an suite au financement de son titre, laissant son jeu à l'abandon pendant de nombreux mois.

Dans la série des arnaques, que dire de Journey of the Light, un jeu tellement difficile qu'il est impossible de finir le 1er niveau et ainsi d'accéder aux 6 autres... et cela tombe bien, car de toute façon, ils n'existent pas ! En effet, en scrutant le code source du jeu, on peut s’apercevoir qu'il n'y a qu'un seul et unique niveau... Le développeur s'est excusé en prétextant une erreur, mais le mal est fait :

Bonjour à tous.

Je viens juste de voir que quelqu'un a jeté un œil aux fichiers du jeu et a remarqué qu'il n'y a qu'un seul niveau. Ce n'est pas comme cela qu'il a été conçu. Il semblerait que j'ai commis une maladresse en effectuant le Bug Fix #1. J'ai testé le jeu après la réparation, mais j'ai seulement vérifié que les bugs étaient corrigés. Je vais réinitialiser le jeu pour le relancer dans sa version précédente, corrigerai à nouveau les bugs et je m'assurerai que cela ne se produise plus. Je suis vraiment désolé pour ce problème.
Merci de m'avoir prévenu.

Fort heureusement, sous ces échecs cuisants, la plus grande partie des développeurs indépendants nous propose une véritable expérience de jeu positive et, pour certains d'entre eux, nous ont fait vivre des moments magiques. Cette année 2015 a été riche en découvertes et en petites pépites de l'indé avec des jeux comme Ori and the Blind Forest ainsi que la sortie officielle de Prison Architect après 3 années d'early access. Dans le domaine des jeux sortis de nulle part, nous avons pu assister au phénomène Cibele ainsi que Emily is Away et plus récemment encore Undertale bénéficiant d'une mise en avant et d'un accueil de la communauté réellement spectaculaire. De toute évidence, même si nous entendons de plus en plus parler d'indiepocalypse, le jeu indépendant a tout de même encore de beaux jours devant lui.