"À la recherche de..." est un format vous présentant les entrailles d'un jeu annulé ou repris à zéro. À travers diverses vidéos, images et interviews, nous essayons de donner un visage au dur labeur de studios n'ayant pas pu terminer leurs œuvres. Project Titan, The Getaway 3, Prey 2, Silent Hills, Half-Life Dreamcast, StarFox 2, la liste est longue et nombre d'entre eux méritent qu'on leur rende un hommage.
Si vous souhaitez par ailleurs que nous revenions sur un jeu précis, n'hésitez pas à le faire savoir dans les commentaires !
Dans l’industrie vidéoludique, il se passe parfois des choses bien étranges. Des séries adulées de nombreux joueurs tombant parfois en désuétude sans que l’on sache vraiment pourquoi aux annulations de jeux quasiment terminés, il y a toujours de quoi être étonné. Le sujet du jour mélange justement ces deux composantes, ce qui rend l’histoire qui va suivre encore plus triste. Grand jeu d’action-aventure apparu au milieu des années ‘90, Legacy of Kain : Blood Omen aura scotché plus d’un joueur grâce à son univers qui n’a rien à envier à ceux des cadors du genre comme Fallout ou Warcraft. Les suites vont donc s’enchaîner avec notamment Soul Reaver qui reste une référence pour nombre de possesseurs de PlayStation 1. Malheureusement, cette série particulièrement sombre et adulte aussi bien dans son Lore que dans sa réalisation tombera doucement dans les oubliettes au début des années 2000. Les fans commencent à désespérer de revoir Kain ou Raziel réapparaitre sur leur écran jusqu’au lancement d’un discret successeur qui a rapidement muté en triple A de haute volée. Déployez vos ailes et sortez votre jus de tomate, nous partons à la recherche de Legacy of Kain : Dead Sun.
Une référence oubliée
Au début des années ‘90, alors que Mortal Kombat, Super Mario Kart et un certain Wolfenstein 3D font tous les trois leur apparition sur nos étals, Denis Dyack fonde Silicon Knights dans son pays natal, le Canada. Avec son Master en sciences informatiques en poche, l’homme souhaite se consacrer professionnellement à sa passion, le développement de jeux vidéo. Naîtront ainsi un jeu de stratégie plus que correct baptisé Cyber Empires en 1992 et un RPG reposant sur la licence Donjons & Dragons nommé Fantasy Empires un an plus tard. C’est à cette période que Dyack rencontre, Lyle Hall, producteur chez Crystal Dynamics à l’occasion d’une conférence. Les deux partis partagent une même ambition, réaliser un jeu bien au-dessus de tout ce qui se fait actuellement avec un budget faramineux et des ambitions folles. Tandis que les développeurs de Silicon Knights finissent leur second jeu de stratégie, Dark Legions, des esquisses de projets sont imaginées en parallèle. Nous sommes en 1994 et trois pitches sont envoyés à la plupart des éditeurs, The Pillars of Nosgoth, un second pitch resté secret et Too Human. C’est tout d’abord ce dernier qui séduira certains éditeurs jusqu’à ce que les vieux copains de chez Crystal Dynamics finissent par prendre Pillars of Nosgoth sous leur aile.
Les premiers croquis et bribes d’histoire vont commencer à s’assembler afin de former le titre ambitieux tant attendu. Il s’agira d’un Action-RPG "destiné aux adultes" faisant la part belle aux vampires tout en s’inspirant des mécaniques de The Legend of Zelda. Drôle de mélange pour une drôle de plateforme, la PlayStation. Lyle Hall convainc en effet le studio de viser, non pas la Saturn ou la 3DO IM, mais la future console de Sony. Au fur et à mesure, le jeu se complexifie avec un Lore extrêmement riche et change de nom pour devenir Blood Omen : Legacy of Kain. La sortie a lieu en mars 1997 chez nous et le succès est au rendez-vous avec plus de 320.000 copies écoulées à travers le monde. L’intrigue principale introduit le joueur aux mythes du royaume de Nosgoth et ses peuplades, les humains et les vampires. Vous y incarnez Kain, un humain assassiné par des brigands puis ramené sur Terre sous la forme d’un vampire qui, en cherchant vengeance, finira par lever le voile sur une sombre affaire qui le mènera à choisir entre sa (seconde) vie et la préservation de son monde.
Blood Omen est un grand succès et on ordonne la mise en chantier de quatre suites qui seront toutes bien reçues par la presse. Mais nous ne retrouverons plus Silicon Knights aux commandes, l’éditeur Crystal Dynamics a bien négocié sa collaboration et a réussi à obtenir les droits exclusifs pour la série. Ce sera par ailleurs l’objet d’un procès entre les deux sociétés qui se soldera par un accord commun. Les joueurs se montreront également très séduits par ces nouveaux épisodes enrichissant l’univers complexe de la série, mais ne mettront pas tous la main au porte-monnaie. Les ventes ne sont pas vraiment à la hauteur pour le cinquième opus apparu en février 2004 sous le nom de Legacy of Kain: Defiance et le studio qui commence à douter de sa franchise annule le développement du sixième épisode confié à Ritual Entertainment. Le travail sur ce Legacy of Kain: The Dark Prophecy, n’a peut-être pas duré plus de six mois, mais marquera le début d’une longue traversée du désert. Nous y sommes, c’est à cette période que la série se plonge dans un long mutisme…
Nombreux sont les fans à attendre un retour de la saga culte et Crystal Dynamics le sait bien, mais le studio possède une autre licence qui s’avère être bien plus rentable, Tomb Raider. L’entreprise garde tout de même un œil sur les réclamations des joueurs jusqu’à trouver un bon compromis, confier sa saga à une équipe externe. Juste après son rachat par Square Enix en avril 2009, Eidos Interactive, maison-mère de Crystal Dynamics, confie le développement du sixième épisode à un studio du nom de Climax. La production est donc externalisée et les frais engagés sont loin d’être dignes de ceux d’un triple A, ce qui est en partie dû aux ventes décevantes de Tomb Raider Underworld sorti un an plus tôt. Qu’importe, Legacy of Kain est de retour et le travail peut commencer dans le courant de l’année 2009 sous le nom de code « Blackcloth ».
Crystal Dynamics qui supervise le développement pose tout de même quelques conditions : le jeu doit posséder un mode solo basé sur une histoire assez éloignée de l’intrigue principale de la série en mettant en scène un nouveau personnage. Autre point très important, il faut proposer un mode multijoueur qui sera confié à un second studio nommé Psyonix. Les premières ambitions ne sont pas faramineuses, mais elles vont vite évoluer. Pour être sûr de ne pas trahir l’esprit original de la saga, les artistes travaillent très dur afin de définir le style à adopter et le résultat est au rendez-vous. Le nouveau héros évoluant au sein d’un Nosgoth futuriste s’intègre particulièrement bien et l’intrigue complexe concoctée par les scénaristes épouse parfaitement les codes de la licence. D’artworks en artworks, d’ébauches en ébauches, le jeu prend vie et tout ce petit monde a les yeux plus gros que le ventre : ce nouveau Legacy of Kain prend une dimension bien plus importante et intéressante que ce qu’avait imaginé Crystal Dynamics au commencement. C’est ainsi que les deux partis vont se mettre d’accord pour passer d’un titre censé être disponible uniquement en téléchargement à une véritable sortie en magasin. Le budget va également s’envoler pour rapidement devenir celui d’un AAA classique, même si la taille de l’équipe reste relativement restreinte.
Nous arrivons en 2011 et cette belle histoire se poursuit sans anicroches. Etonnement, Square Enix n’a pas encore communiqué sur ce titre dont le public ne soupçonne même pas l’existence. Aucun frais de marketing n’a été engagé jusqu’à maintenant, mais tout le monde se sent enfin prêt. Il faut donc trouver un véritable nom au jeu pour le présenter au monde entier. Bien évidemment, il s’agit d’un Legacy of Kain, mais même nous parlons plus ou moins d’un reboot, les développeurs souhaitent trouver un sous-titre comme le veut la tradition de la série. En mai, quatre noms sont mis sur la table : Obsidian Blood, Obsidian Sun, Dead Sun et Revenant. En parallèle, le département d’animation de chez Square Enix prépare un trailer en CG afin d’annoncer le projet Blackcloth lors de l’E3 2012. Le titre « Legacy of Kain : Dead Sun » est finalement choisi, tandis que l’équipe est encore confiante quant à sa capacité à faire tourner son titre sur PlayStation 3 et Xbox 360. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…
Un monde stérile – Le scénario
Au fil des années et de ses nombreux opus, l’univers de Legacy of Kain s’est étoffé jusqu’à devenir l’un des plus complets de l’histoire vidéoludique. Résumer tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant serait long et fastidieux, mais nous allons tout de même rappeler les points nécessaires à la compréhension de l’intrigue de Dead Sun. Nosgoth est un royaume fictif possédant un aspect médiéval et dans lequel cohabitent quatre grands types de créatures. Nous retiendrons les humains et les vampires qui n’ont jamais été très amis étant donné les pulsions sanguinaires des seconds… Ces derniers ne peuvent pas mourir de vieillesse, mais sont notamment vulnérables à l’eau qui agit comme de l’acide sur leur pauvre enveloppe charnelle. Lorsqu’ils meurent, ils atterrissent dans le royaume spectral, une sorte d’univers parallèle accueillant les âmes errantes dans un version plutôt glauque du monde réel. Les vampires deviennent alors des sortes de fantômes et ne peuvent regagner le monde des vivants que sous certaines conditions précises (sauf pour la sous-race des Saradin qui peut voyager librement entre les deux royaumes).
Notre histoire se déroule des centaines d’années après les événements des précédents opus, les liens avec Kain ou Raziel sont donc assez discrets. Dans ce Nosgoth futuriste, la majorité du soleil est toujours obscurcie par les vampires afin que ses rayons ne brulent pas les plus jeunes de leur race. Les conséquences de cette action sont dévastatrices pour les humains, tout le monde est devenus progressivement stérile. Une religion faisant de l’astre solaire leur Dieu est ainsi devenue particulièrement importante puisque ses leaders ont convaincu toute la population qu’il fallait prier cette étoile pour qu’elle revienne et ramène la fertilité.
C’est à cette période que notre protagoniste démarre son aventure. L’histoire s’ouvre sur Gein, un vampire issu d’une nouvelle sous-race apparue il y peu, les Saradin. Ceux-ci ont la particularité d’avoir la peau bleue foncée et de pouvoir naviguer librement entre le monde des morts et celui des vivants. Ce don extrêmement puissant est également complété par la possibilité de dévorer des âmes leur permettant de se régénérer, comme le faisait leurs ancêtres en buvant du sang. Alors que le monde entier est devenu stérile, un humain nommé Asher et sa femme attendent ce qui sera le premier enfant de Nosgoth depuis 20 ans.
Notre bon Gein est donc missionné par ses supérieurs pour aller tuer le couple et l’embryon, mais également l’ensemble de leur village afin de faire passer cette attaque pour un massacre général. Avec les capacités physiques surhumaines propres à sa race, notre vampire ôte ainsi la vie à des dizaines de personnes, dont celles des futurs parents. Un festin d’âmes s’offre alors à lui et tandis qu’il aspire celle d’Asher, un événement inattendu vient bouleverser sa mission : l’âme qu’il dévore prend le contrôle de son corps ! Alors que le dernier humain fertile n’était qu’un pauvre homme menant une vie paisible auprès de sa femme et ses amis il y a encore quelques heures, nous le retrouvons maintenant piégé dans le corps d’un fier représentant de la puissante caste des Saradin.
Gein est destitué de ses pouvoirs et son spectre apparaît alors aux côtés du propriétaire de sa peau pour lui expliquer ce qu’il est devenu et le pousser à agir pour que chaque âme retrouve son enveloppe respective. La première chose que fera Asher dans son nouveau corps sera de retourner dans son village, avant de réaliser que tout le monde y a été tué. Alors qu’il exprime son désespoir et sa rage à son compagnon fantomatique qui reste impassible, une bande de chasseurs de vampires ayant eu vent de l’attaque dans le hameau fait son apparition. Asher qui souhaite de toute façon en finir, se laisse malmener par ses ennemis qui emploient la méthode classique pour se débarrasser des vampires en le jetant dans l’eau. Sans peau se dissout au contact du liquide, lui faisant ressentir une douleur fatale qui ne lui offrira malheureusement pas le repos éternel. En effet, une fois mort, les vampires se retrouvent dans le royaume spectral, ce qui offre à Asher une nouvelle vie qu’il est bien loin de désirer… Gein, ou plutôt son fantôme, est encore une fois présent pour lui expliquer toutes ces complications liées à la vie d'un vampire. Heureusement, comme nous l'avons vu, les pouvoirs d'un Saradin lui permettent de passer du royaume spectral au royaume matériel à tout moment, ce qui le rend tout bonnement immortel. L'aventure se poursuit donc entre ces deux univers parallèles.
Pourquoi a-t-on envoyé Gein tuer l’embryon humain ? À quoi cette permutation de corps est-elle due ? Les deux hommes partent ainsi en quête de réponses et se retrouveront au centre d’un gigantesque complot intimement lié à la religion, un aspect très important de la culture des Saradin. Durant son aventure, notre héros aurait dû lever le voile sur l’implication de l’Ancien (The Elder God), sorte de divinité régissant la mort, mais qui reste dans un même temps extrêmement manipulatrice et vicieuse. Un enfant vampire était également au centre de cette mascarade dont l’issue aurait eu un impact direct sur la survie du royaume de Nosgoth, ce qui correspond au grand schéma traditionnel de la série.
Entre Assassin’s Creed et Dark Souls – Le Gameplay
Le dernier épisode de Legacy of Kain datant de 2004, la série a vieilli et ses mécaniques aussi. L’équipe de Climax Studios se voit donc contrainte de lui offrir une nouvelle identité tout en respectant le style des précédents opus, l’Action / Aventure. Le titre se rapprochant le plus de Dead Sun sur plan du gameplay est très certainement Assassin’s Creed, avec des combats frénétiques et la possibilité de grimper un peu partout sur les murs. Mais en plus de cela, Gein pourra déployer ses ailes afin de planer et attaquer ses ennemis depuis les airs, quoi de mieux pour commencer une belle série de combos ? Bref, l’action est intense et la panoplie de coups utilisables est particulièrement large et jouissive, notamment grâce aux ralentis déclenchés lorsqu’une attaque létale va être portée. Notons par exemple l’une des techniques consistant à agripper votre adversaire, avant de passer dans le royaume des morts ce qui aménera son corps à se désagréger en quelques secondes. Mais comme l’ont souligné les développeurs, il ne s’agit pas d’une simple copie de ce qui se fait de mieux à cette époque. En effet, si son action frénétique rappelle la saga phare d’Ubisoft ou bien la série des Batman Arkham, ce Legacy of Kain est aussi allé piocher du côté d’autres titres plus inattendus…
Commençons par The Legend of Zelda : Ocarina of Time. Votre aventure commence dans la grande région des Wetlands que les développeurs appellent eux-mêmes "la plaine d’Hyrule du jeu" en raison de son rôle de hub central desservant les autres zones à explorer. Celles-ci sont d’ailleurs immenses et très diversifiées, offrant au joueur un open-world considérable. Mais ce n’est pas tout, puisque Dead Sun propose également une multitude de donjons qui comprennent de nombreuses énigmes, comme celles que nous pouvions résoudre dans Soul Reaver. L’une des choses qui rend ces puzzles si intéressants, est la possibilité de passer instantanément du monde matériel au monde des spectres qui présentent chacun une version différente d’un même niveau. Il faudra ainsi switcher régulièrement pour atteindre certains lieux, ce qui fait de cette fonctionnalité reprise de Soul Reaver un indispensable. Une fois que vous serez arrivé au bout de ces énigmes et des différentes créatures présentent dans le donjon, vous finirez par tomber sur les traditionnels bosses. Et c’est là que le côté Dark Souls / Demon's Souls intervient, avec des monstres titanesques et éminemment coriaces. Prenez par exemple la Succube qui est l’un des uniques bosses que nous avons l’honneur d’entrevoir en vidéo, sa taille impressionnante et sa forme plus que dérangeante ne feraient sûrement pas tâche dans un titre de From Software.
Pour chaque ennemi tué, vous pouvez collecter des âmes qui vous permettront de débloquer des améliorations pour votre personnage. Des plus indispensables telles que la possibilité de faire sortir des lames acérées de votre chair (en temps normal, notre vampire se bat avec ses griffes), aux simples améliorations de vos résistances au feu, à la magie… Autre point important, en cas de mort, vous vous retrouvez bloqué dans le royaume spectral et devez récupérer des âmes sur les créatures étranges qui peuplent ce monde. Une fois cette tâche accomplie, vous regagnez alors votre capacité à passer dans le royaume matériel. Enfin, notons que ce royaume des morts permet à Asher de voir et entendre des échos, sortent de fantômes humains lui permettant de découvrir certains événements survenus il y a plusieurs centaines d’années. C’est également ici qu’apparaît le fantôme de Gein qui vous guidera tout au long de votre aventure.
Pourquoi a-t-il disparu ?
Alors que toute l’équipe travaille dur pour terminer son nouveau titre censé être présenté à l’E3 2012, les consoles de la septième génération commencent à montrer leurs limites. La possibilité de passer instantanément entre les deux mondes se révèle extrêmement gourmand en ressources et l’Unreal Engine 3 en fin de vie n’a pas vraiment été pensé pour cela. Il faut bien imaginer que fonctionnalité impose l'obligation de devoir calculer deux niveaux en même temps, en permanence.
Ce jeu poussait la 360 et la PS3 à leurs limites. La combinaison des grands niveaux, de la mécanique des deux royaumes et du moteur Unreal 3 vieillissant représentait un véritable défi. C'était impossible de faire tourner ça correctement. – L’un des développeurs de Legacy of Kain : Dead Sun
Les choses se compliquent et l’équipe n’a d’autre choix que de repousser son jeu jusqu’au lancement de la PlayStation 4 afin d’éviter d’avoir à faire des coupes trop drastiques dans son œuvre. Mais il faut encore finir le travail ce qui s’avère finalement assez compliqué étant donné le peu d’employés affecté à la réalisation de ce AAA. Tandis que les développeurs sont obligés de travailler le week-end afin de créer les nombreuses zones et donjons de ce projet (trop) ambitieux, Square Enix commence à faire ses comptes. Il faut désormais prendre une décision, l’année 2012 pointe le bout de son nez et avec elle, le salon de Los Angeles prévu pour le mois de juin. Avant de lancer une campagne marketing digne de ce nom, la compagnie réalise une grande étude de marché afin d’avoir une idée des ventes potentielles de Legacy of Kain : Dead Sun. Malheureusement, les résultats sont loin d’être probants et le titre a peu de chances d’atteindre ses objectifs de rentabilité. Si la PlayStation 4 a permis de sauver le développement en offrant une puissance de calcul suffisante au jeu, c’est également elle qui l’a condamné. Être un titre de lancement d’une console signifie également sortir au moment où le nombre de clients potentiels est au plus bas.
Alors que la direction de Square Enix a déjà pris sa décision, les développeurs continuent de travailler plus que de raison et de se rendre au bureau le week-end. Dead Sun entre en phase de pré-alpha, ce qui sous-entend qu’une écrasante majorité du travail a été effectuée, avant d’être définitivement annulé dans le courant de l’année 2012.
On peut le tester ? – Non
Les titres annulés et jouables restent quelque chose d’assez rare et il faut bien souvent compter sur des fans extrêmement motivés pour obtenir des démos ou versions de test. Dans le cas de Dead Sun, la communauté des fossoyeurs de perles vidéoludiques a réussi à lever le voile sur l’existence de toute cette histoire ce qui est déjà un exploit. Comme nous l’avons vu, Square Enix n’a jamais annoncé ou parlé du jeu au grand public et il a fallu attendre qu’un internaute du nom de Mama Robotnik mène l’enquête. Celui-ci a donc réussi à mettre la main sur les vidéos et images que vous avez pu admirer dans cet article grâce à quelques développeurs courageux qui n’ont pas hésité à offrir leur témoignage malgré les accords de non-divulgation qu’ils ont signé.
Non, Dead Sun n’est pas jouable, même si la version pré-alpha que l’équipe de Climax a réussi à mettre sur pied est clairement au point. Il faut néanmoins comprendre que les développeurs sont tous très frustrés par cette annulation à quelques mois de l’annonce officielle. C’est notamment ce ressenti qui les a poussé à diffuser des extraits de gameplay, dont celui d’une demi-heure qui reste le meilleur hommage rendu au titre à ce jour. Il n’y a donc que trois solutions pour que Dead Sun finisse par nous parvenir. L’un des responsables du projet peut prendre l’énorme risque de faire fuiter une version, un fan peut mettre la main sur une console de test de Climax comprenant le jeu et la mettre à disposition ou bien… Voir un prince débarquer sur son cheval blanc et sortir 100 millions de dollars de sa poche comme nous l’explique ironiquement l’un des développeurs.
C’est une grande honte (qu’il ait été annulé), le design du jeu était excellent et méticuleusement pensé de bout en bout. Même s’il ne s’agit pas d’une suite directe aux précédents Legacy of Kain et qu’il ne comprend pas de personnages importants déjà connus, le jeu avait suffisamment de références fortes aux opus précédents pour à la fois satisfaire une majorité des fans et réellement faire renaitre la série des Legacy of Kain dans un format moderne. (…) Mais voilà, ce sont les aléas de l’industrie vidéoludique. Les documents de design seront toujours disponibles quelque part à Climax (ou peut-être quelque part d’autre) – tout ce que cela nécessiterait serait 100 millions de dollars en trop ou quelque chose comme ça et on le verrait sortir. – L’un des développeurs de Legacy of Kain : Dead Sun
Epilogue – Tout ce qu'il reste de Dead Sun est… Un jeu multi ?
Si les développeurs sont tous passés à autre chose en ne retenant de ce projet qu’un goût amer, il y a pourtant une partie de Dead Sun qui a vu le jour. Souvenez-vous, au début de cet article nous évoquions le mode multijoueur imposé par Crystal Dynamics. C’est le studio Psyonix que nous connaissons aujourd’hui pour Rocket League, qui a reçu l’honneur de travailler sur cette partie. La direction d’un jeu en arène est rapidement prise et l’équipe travaille en collaboration avec Climax jusqu’à la mort du projet. En 2012, Square Enix a décidé de mettre au placard l’aventure solo, mais préserve tout de même ce mode de jeu compétitif pour en faire un free-to-play. Psyonix continue donc seul sur sa lancée jusqu’au 25 septembre 2013, date à laquelle l’éditeur dévoile Nosgoth, un jeu multijoueur en ligne faisant s’affronter les humains et les vampires. Ce dernier est actuellement en phase de bêta ouverte et reprend une grosse partie du travail effectué par Cimax, que ce soit au niveau du moteur graphique, des animations, des textures ou de la direction artistique.
Ne nous voilons pas la face, ce Nosgoth n’est clairement pas le sauveur de la licence que nous attendions. Considéré par certains comme une injure à une série qui se base essentiellement sur son histoire et qui n’a d’ailleurs jamais été une franchise multijoueur, ce titre n’a fait qu’exacerber l’attente des fans. En réalité, tout le monde souhaite une nouvelle aventure solo qui viendra prendre la suite et étoffer un peu plus l’incroyable univers créé par Silicon Knights en 1996. Pour conclure sur une lueur d’espoir, un senior designer de chez Crystal Dynamics s’est exprimé à propos d’un éventuel retour de la série abandonnée depuis plus de dix ans. Même si dans les faits, il serait étonnant que le studio décide de laisser de côté Tomb Raider après huit épisodes d’affilée, d’après Michael Brinker, il y a 50 % de chance pour que leur prochain jeu soit un Legacy of Kain…
Il y a 50% de chance (qu'un Legacy of Kain sorte sur cette génération de consoles). Nous avons des développeurs internes qui aimeraient vraiment faire le jeu. (…) En fait, nous sommes toujours en train de jouer à pile ou face pour faire revenir (nos anciennes licences). C'est vraiment du 50 / 50. - Michael Brinker, senior designer chez Crystal Dynamics