Depuis maintenant quelques semaines, la question nous taraudait… L’arrivée des GPU Pascal n’étant pas prévue avant l’année prochaine, et sachant que la nouvelle architecture réserverait probablement ses faveurs au monde desktop dans un premier temps, comment NVIDIA allait-il occuper le terrain du côté des puces graphiques pour ordinateurs portables, autrement qu’en procédant à une large opération de renommage de ses puces existantes ? La réponse nous a été livrée en milieu de semaine dernière, lors d’un événement qui s’est déroulé à Londres. Et à l’évidence, la marque au caméléon n’entend pas relâcher la pression, sur un terrain qu’elle domine pourtant outrageusement.
Si nous devions résumer en une phrase la principale tendance qui est ressortie des commentaires de notre récent guide d’achat sur les ordinateurs portables gaming, ce serait la suivante : "Vous êtes bien sympas avec vos machines nomades, mais les joueurs PC, les vrais, pratiquent leur loisir sur des configurations de bureau… Un point, c’est tout". Une affirmation à laquelle nous pourrions opposer de nombreux arguments afin de la démonter, mais dont on ne peut nier qu’elle repose pourtant sur une constatation bien réelle : à référence égale, que l’on parle de CPU ou de GPU, les composants mobiles restent inférieurs en performances à leurs équivalents dans l’univers desktop : la GeForce GTX 980M est ainsi en retrait par rapport GTX 980, de même que le Core i7 4710 HQ reste en dessous des capacités d’un Core i7 4770K… Et quoi de plus normal, après tout, puisque les machines nomades et leurs composants sont soumis à des restrictions d’alimentation que les PC desktop ne connaissent pas.
Mettre tous les joueurs au même niveau
C’est sans doute en partant de ce même constat que les équipes du fabricant NVIDIA ont planché sur ce qu’elles pourraient apporter de nouveau à l’univers des PC portables, en attendant l’arrivée de leur prochaine architecture, Pascal. Une réflexion qui les a menées à développer ce nouveau GPU que la rumeur présentait jusqu’à présent sous l’appellation GTX 990M. Un GPU pas si nouveau, et pas si mobile, comme vous allez le voir, puisqu’il s’agira en vérité d’une copie de celui qui équipe déjà les cartes GTX 980 Desktop. Une copie à l’identique : même référence de puce (GM204), même configuration au niveau des unités de calcul (2048 cœurs CUDA, 128 TMUs, 64 ROPS), même fréquences de fonctionnement (base : 1126, Boost : 1216), et même enveloppe thermique (180 Watts). Et de fait, le nom de ce nouveau composant ne sera pas GTX 990M, mais tout simplement GTX 980. Logique…
Comment la chose a-t-elle été rendue possible ? Quels ajustements ont été nécessaires pour faire rentrer ce type de composant au sein d’un environnement aussi contraint que celui d’un ordinateur portable, sachant qu’à priori, plusieurs modèles intégrant ce GPU profiteront également d’un CPU Skylake de même catégorie ? Là-dessus, la firme au caméléon est demeurée relativement peu loquace, se contentant de souligner que cette mise en place ne s’est pas limitée à un « simple » travail d’intégration, mais a nécessité une approche plus globale de la part des partenaires, afin que ces derniers adaptent leurs châssis, leurs systèmes de refroidissement, ou la gestion électrique de leurs machines. L’exemple le plus parlant à ce titre est sans doute celui du GX700, présenté par Asus lors du récent salon IFA, et qui, pour bénéficier à plein des faveurs de ce circuit GTX 980, a dû se doter d’un système de refroidissement watercoolé assez inédit. Autre exemple : les spécifications des étages d’alimentions du GPU, qui pourront à présent monter de 4 à 8 phases, selon les besoins des partenaires.
Le fameux gap de performances entre univers mobile et desktop est-il donc en passe d’être comblé ? A cela, nous répondrions à la normande : oui et non. D’un point de vue purement performances, cela semble acquis. Pour commencer, NVIDIA nous a donné quelques exemples chiffrés, obtenus sur ces nouvelles plateformes portables : 61 FPS sur The Witcher 3 (Full HD, configuration Ultra), ou 117 FPS sur Mad Max (Full HD, toutes options au maximum). Des exemples qui recoupent ceux que nous avions déjà expérimentés sur notre propre plateforme desktop équipée d’une GTX 980, sachant que nos résultats sont en vérité légèrement supérieurs, ce qui s’explique aisément par l’overclocking d’usine présent sur notre modèle Zotac, tandis que la GTX 980 « version portable » tourne aux fréquences de référence NVIDIA.
Autre élément qui tend à montrer que les performances sont effectivement au rendez-vous : les représentants de NVIDIA nous ont permis de réaliser quelques essais pratiques sur des plateformes de tests préparées par leurs soins (voir photos et graphiques ci-dessus). Là encore, qu’il s’agisse de tests sous 3D Mark, ou sous des jeux tels que La Terre du Milieu : L'Ombre du Mordor, Tomb Raider, ou Metro : Last Light, tous les résultats sont en ligne avec les affirmations de la firme, ainsi qu’avec les tests que nous avons menés après l’événement sur notre propre plateforme : le PC portable Clevo (i7 6700K / 16 Go / GTX 980) mis à notre disposition a fourni des valeurs de framerate équivalentes à celles des machines desktop qui lui étaient opposées : i7 4770K / 16 Go / GTX 980 de référence chez NVIDIA, i7 4770K / 16 Go / Zotac GTX 980 OC dans nos bureaux. Deux séquences successives sur le programme de benchmark intégré à Metro Last Light n’ont par ailleurs pas permis de mettre en évidence de quelconques baisses de performances, dues à une gestion limite de la température du GPU.
De la puissance, oui... mais à quel prix ?
Dans un mode d’utilisation standard, le circuit GTX 980 du Clevo donne donc bien tout son plein potentiel. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que son fonctionnement général sera exactement identique de celui d’un GPU desktop. Par exemple, NVIDIA a beaucoup insisté sur les possibilités d’overclocking qui seront offertes aux utilisateurs, indiquant qu’il serait possible d’obtenir des gains de fréquences de fonctionnement considérables, notamment grâce à la possibilité donnée à l’utilisateur de gérer lui-même la vitesse des ventilateurs de son portable. Toutefois, notre interlocuteur a reconnu que tous les paramètres habituellement utilisés pour les opérations d’overclocking ne seront pas disponibles : par exemple, pas de modifications des consignes de températures, ou des tensions appliquées au GPU, les partenaires NVIDIA craignant une envolée des retours SAV si ce type de manipulations était rendu possible.
D’autre part, ce premier contact avec ces nouveaux portables ne nous a pas permis de nous forger un avis sur la question de la gestion des constantes environnementales. Impossible, en effet, dans l’ambiance de l’événement, d’évaluer la capacité des machines à gérer la température de leurs composants, sans faire exploser le sonomètre. Un point crucial pour de nombreux utilisateurs, et d’autant plus important que d’après notre expérience, seul Asus semblait avoir de la marge de manœuvre à ce niveau-là, les autres marques (MSI, Alienware, Clevo ou Gigabyte) s’en sortant plutôt moyennement.
Quoi qu'il en soit, considérant les caractéristiques déjà avancées par certains modèles (compatibilité G-Sync, refroidissement par watercooling), il semble acquis que l'intégration de cette technologie restera marginale, et réservée à des machines très haut de gamme. Pour le moment, Gigabyte (via sa marque Aorus), Asus, MSI et Clevo devraient intégrer ce GPU dans leur catalogue, les détails sur les dates de disponibilité et les tarifs de lancement n'ayant pas encore été communiqués.