Nouvel emblème du jeu triple A, l'open world se dédie une nouvelle destinée sur les consoles de salon PlayStation 4 et Xbox One. Machines plus puissantes oblige, les capacités de ces dernières permettent aux développeurs d'investir de nouveaux terrains d'exploration pour l'univers de leurs licences. Si techniquement, la technologie permet aux jeux de leur donner de nouvelles surcouches cosmétiques, l'aménagement d'un nouvel univers de jeu leur permet aussi de "rejuvéniliser" certaines marques (comprendre licences).
Le parfait exemple de cette ambition, remise au goût du jour est au cœur de l'actualité. Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est le parfait exemple de cette intention qui catégorise le changement pour une marque. Traditionnellement Metal Gear Solid n'était pas, à proprement parler, un jeu dit open world. Pourtant avec cette cinquième itération, la licence phare de Kojima consomme ses noces avec la next-gen. Hideo Kojima a toujours été un expérimentateur mais aussi un observateur des productions occidentales. Avec l'arrivée de la première PlayStation sur le marché japonais, le développement des jeux s'ouvre à la 3D. Et qui dit 3D, dit spatialisation des aires de jeu, métamorphose des concepts de gameplay avec de nouveaux axes de jeu dans l'espace, et recherche de nouvelles dimensions à explorer dans cet espace.
Il y a quelques années le renard de Konami racontait « À l’époque, il n’y avait pas encore de jeu qui proposait aux joueurs de bouger la caméra en temps réel. J’ai donc créé un cube de cinquante mètres et j’y ai ajouté quelques ennemis. On a testé tout cela avec le point de vue d’un fusil sniper. C’était vraiment amusant. Je me suis dit qu’il serait bien de faire un jeu avec ça. Mais Tomb Raider l’a fait avant moi. C’est à ce moment que j’ai compris que les studios étrangers étaient des adversaires redoutables. » Il faut imaginer, près de 20 ans plus tard qu'aujourd'hui le cube hébergeant le jeu du développeur nippon fait plusieurs millions de mètres cubes. Et les choses n'ont pas tant changé, les studios occidentaux restent de redoutables adversaires. L'open world est un modèle presque imposé aux forceps par les studios internationaux de ce côté-là du Pacifique.
Qui aurait pu prévoir qu'Adventure paru sur Atari 2600 en 1979 allait donner naissance à un genre très à la mode dans les années 2000. Dans le jeu de Warren Robinett, tournant sur une RAM de 0.0001 megabytes, ce n'est pas tant l'aventure en elle-même qui conditionnait le plaisir que le joueur pouvait prendre. C'est la rejouabilité du titre, sa replay-value, due à son game design basé sur les situations non-intentionnelles qu'il développe pour le joueur qui ont fourni les pistes ayant irrigué l'open world moderne. Linéaire ou non, l'idée de « monde ouvert » peut tout autant être retrouvée dans Pitfall II: Lost Caverns que dans la série des Metroid. L'interprétation diffère, les objectifs sont les mêmes. L'aventure et le voyage sont liés par la vectorisation des trajectoires que le joueur imprime dans un tout cohérent.
Le statut de la Liberté
Servant l'intérêt du gameplay dans des univers statiques ou procéduraux, la conquête de l'espace n'a rien d'extra-terrestre. Des jeux commeDouble Dragon ou Streets of Rage ont désormais leurs pendants modernes, au macrocosmes foisonnants. La série des Batman Arkham ou plus loin encore les Yakuza de Toshihiro Nagoshi ont prouvé qu'un genre pouvait être remis au goût du jour en transformant son modèle. Le Beat Them Up (ou Beat Them All) d'antan a juste changé la taille de son aire de jeu mais joue des mêmes mécaniques punitives, de combos en tout genre, afin de réactualiser ses références. Et désormais même les FPS jouent cette carte.
Un des démiurges de la planète FPS s'est bien risqué à choisir les routes les plus longues pour arriver à un résultat concordant. Avec Rage le géniteur de Doom ou Quake réorganisait l'espace interne du shooter en étirant les distances grâce à MegaTexture, une technique de l'ID Tech, le moteur propriétaire d'ID Software. Le but est de générer des textures non linéaires dans un environnement énorme. Rage devenait donc ce FPS hybride constitué d'une trame scénaristique post-apocalyptique, perclus de zones dans lesquelles le nettoyage au canon est prescrit sans ordonnance, et ordonné par un système de courses permettant aux joueurs de sortir du contexte horizontal du shooter.
Cette notion Halo l'a aussi entérinée avec son approche verticale du cheminement de l'aventure. Des affrontements en extérieur et en intérieur, des véhicules, de nombreuses missions séquencées alternativement, des archétypes d'ennemis divers (Grunts, Jackals, Elites, Hunters, ou autres Sentinels), dans un cadre pour le moins labyrinthique, coordonnent une expérience atypique et enrichissante pour le joueur.
Du côté d'EA l'ouverture existe aussi. Des jeux comme Mirror's Edge (même s'il ne s'agit pas catégoriquement d'un FPS) ou encore Battlefield : Bad Company (surtout le second épisode) démontrent à leur manière qu'un jeu à la première personne peut augmenter la portée de son gameplay en dépliant les aires de jeux qu'il offre aux joueurs. Sur BFBC2 le choix des missions, sur certains passages du jeu, est laissé au bon vouloir du joueur. Comme sur Call of Duty 2 en son temps, la priorisation des tâches ou des objectifs donnent aux joueurs cette sensation que chaque recoin de la map propose ses propres challenges, ses propres modulations de résistance ennemie dans un environnement vaste.
Fantaisie Militaire
Et la tendance continue de s’affiner. Des jeux comme Borderlands ou encore Destiny démontrent que leveling, recherche d'armes exotiques (ou simplement plus puissantes), affrontement d'ennemis de plus en plus coriaces, de boss aux patterns retors, arrondissent la portée du shooter en lui donnant plus de volume. Ces expériences connectées, basées sur la progression de groupe, socialisantes, permettent la sédentarisation d'une communauté sur un jeu. La progression de la difficulté est constante afin de donner du corps à cette épopée rectiligne dont le prolongement s'étend dans le temps et permet aux joueurs de rester connectés sur les serveurs du jeu. Ce modèle n'est pas anodin, si Homefront était un clone de Call of Duty à l'époque, Homefront : The Revolution (vous pouvez lire notre aperçu à cette adresse) se veut son pendant en open world.
Et pour Call of Duty ? Depuis près de 10 ans la série renouvelle (plus par un système additionnel qu'une véritable refonte) son multijoueur mais garde, peu ou prou la même recette pour son mode campagne. Un mode campagne souvent jugé comme spectaculaire, avec sa mise en scène hollywoodienne, mais manquant de corps dès que les observateurs comparent les solos proposés d'un épisode à l'autre. Infinity Ward, SledgeHammer, Treyarch, ont tous tenté à leur manière d'amener plus de matière à leurs jeux. Motion capture de Kevin Spacey dans Call of Duty : Advanced Warfare pour pousser le côté cinématographique du jeu plus loin encore. Scénario amphigourique, exemple avec Call of Duty : Black Ops II et cette notion de flashbacks constants entre l'époque où le joueur joue David Mason en 2025, et ces résurgences anachroniques du passé où Alex Mason, son père, est le personnage/interface qui relie l'utilisateur à Black Ops premier du nom.
Pourtant les studios en charge de la licence sont très en phase avec les réalités du marché. Et plus les années vont, et plus Call of Duty mélange les genres, s'inspire de ses concurrents, comme pour toucher les joueurs de communautés fraîchement créées. Ou simplement moderniser son gameplay. Le profil de Spécialistes de Black Ops 3 peut rappeler l'aménagement spécifique de Destiny où Titans, Arcanistes et Chasseusr se côtoient sur fond de guerre des étoiles. Les déplacements à flan de parois verticales, eux, ont cette touche que les anciens créateurs de Call of Duty, les ex Infinity Ward : West et Zampella, ont insufflé à Titanfall. Et si pour une fois, Call of Duty sortait de son modèle historique pour se donner du sang neuf ?
Une équation à plusieurs inconnues
La vision de Call of Duty : Black Ops III est d'ouvrir son monde au mode coopératif avec des zones plus vastes à explorer. Une intention qui montre qu'Activision et les développeurs en charge de la licence tentent enfin d'apporter de nouveaux éléments de game design à leur série. Un monde ouvert obligerait la licence Call of Duty à perdre son rythme qu'elle diluerait dans des déplacements longs pour le joueur. Chose qui peut paraître insensée aujourd'hui, tant le côté nerveux du jeu est inscrit dans son ADN. Et pourtant, il est arrivé dans l'histoire de Call of Duty de passer à la trappe certains de ses constituants les plus solides pour sortir sur d'autres marchés. C'est le cas de Call of Duty Online, épisode multijoueur spécialement dédié au marché asiatique.
Alors que Ghost Recon Wildlands va lui aussi chasser les joueurs sur de nouveaux territoires, que Grand Theft Auto V est aujourd'hui le blockbuster le plus vendu au monde sur le segment de l'open world, Call of Duty tout baron des charts qu'il soit continue sa lente marche en avant. Sa recette a longtemps été copiée, mais ne faut-il pas moderniser sa cuisine pour que les tables continuent d'attirer les convives espérés ? L'open world sera-t-il la prochaine étape décisive pour Activision en vue de continuer à donner un nouveau souffle à sa licence. Simple effet de mode ou véritable appel de pied des joueurs, l'open world semble désormais mangé à toutes les sauces. L'appel du devoir n'empêche pas le pragmatisme de circonstance.
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