Justement adulée par les rôlistes épris de paysages ravagés et d'humour ravageur, la série Fallout cache en son sein un vilain petit canard dont l'évocation réussit encore de nos jours à enflammer le plus modéré des forums. Fallout Tactics est-il aussi infréquentable que ça ?
A l'époque de sa sortie, en 2001, l'attente déçue d'une suite à Fallout 2, sans doute aggravée par une overdose de boissons sucrées et une mauvaise journée en classe, avait conduit « la communauté » à rejeter en bloc Fallout Tactics : Brotherhood of Steel. De son nom original complet, à ne pas confondre avec Fallout : Brotherhood of Steel sorti sur PS2. Il ne lui était pas reproché d'être mauvais – il était plutôt bien noté-, mais on ne pardonnait pas à ce « nouveau Fallout » de ne pas être Fallout 3. Avec le recul, on se rend compte pourtant qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dans Fallout Tactics. Certes, quelques incohérences scénaristiques pourront chiffonner le geek scrogneugneu (carburant des véhicules, super-armures technologiquement impossibles dans le contexte, origine de la Confrérie douteuse, etc.), mais pour peu qu'on accepte l'idée que l'univers d'un RPG soit décliné dans un autre genre et qu'il se passe des choses bien plus révoltante que ça dans le monde, on trouve de vrais bons morceaux de Fallout dans cet excellent jeu de stratégie/infiltration/action à redécouvrir.
Passée la présentation mêlant animations réalisées avec le moteur du jeu, enchaînements de jolis dessins et 3D pataude (même pour l'époque), nous voici à pied d’œuvre. Étonnamment, Fallout Tactics : Brotherhood of Steel est encore visuellement acceptable. Certes, on déplore un flagrant manque d'entrain dans la palette de couleurs, mais dès lors qu'on passe la résolution en 1024x768, ça ne pique pas autant les yeux qu'on pourrait le craindre. Côté son, puisque nous sommes dans la région de Chicago, pas de musique des années 40, mais un efficace blues bien gras en introduction, puis, en cours de jeu, des morceaux d'Inon Zur (également Fallout 3, Fallout News Vegas et bientôt Fallout 4). Quand aux bruitages, rien à redire, ça souffle, clapote et bruit comme il faut.
FALLOUT 1.5
Chronologiquement, Fallout Tactics : Brotherhood of Steel se situe entre le premier et second opus de la série : partis chasser les Super-mutants ayant survécus à Fallout 1, les zeppelins de la Confrérie de l'Acier sont pris dans un orage magnétique. Après s'être écrasée dans le désert, les survivants du crash établissent une base et tentent de reprendre le contrôle de la situation. Dans Fallout Tactics, c'est l’enchaînement des missions qui fait avancer l'histoire et non les dialogues. Ici, donc, pas de QCM ni de possibilité de parler avec les personnages rencontrés. A l'exceptions de quelques monologues scriptés, les différents protagonistes ne s'expriment qu'au moyen de phrases aléatoires (et parfois assez burlesques) apparaissant au dessus de leur tête. Précisons toutefois que Fallout Tactics dispose de quatre fins différentes.
Lorsque commence Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, le joueur, qui vient de rejoindre la base de la Confrérie, doit constituer une escouade. Gagnant la confiance de ses supérieurs au fil des missions, il découvrira bientôt qu’un super-ordinateur veut détruire les humains et il va falloir l'en empêcher. Oui, ça ressemble assez au scénario de Wasteland, mais c'est normal, puisque la licence Fallout en est issue.
Pratiquement, la partie se déroule suivant le rythme propre au genre Jagged Alliance ou Commando : briefing, déplacement sur le théâtre des opérations au moyen d'une carte de la région, réalisation de l'objectif, puis retour à la base où, après un débriefing, il est possible de gérer son équipe et son matériel. Gros défaut du jeu, l'inventaire est peu pratique et on perd d'autant plus de temps à jongler avec son matériel que le nombre d'armes, munitions et machins divers est assez phénoménal. Les missions, plutôt variées, consistent tantôt à éliminer un adversaire, tantôt à récupérer un objet, exfiltrer des otages mais on y trouve aussi du moins classique, notamment grâce à la possibilité de conduire six types de véhicules ou encore de désactiver des pièges, pirater des ordinateurs, etc.
Dans Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, lors des déplacements sur la carte pour quitter ou se rendre dans une base de la Confrérie, des rencontres aléatoires surviennent, avec parfois une belle surprise à la clef. En effet, ces ruptures débouchent parfois sur des situations, des événements propres à ravir les fans de grand n'importe quoi : personnage échappé de Planescape Torment, cavaliers de l'apocalypse (beaucoup de point de vie !), référence à Pitch Black, aux Monthy Pyton, à Terminator et autres spectacles de danses. Fallout, quoi.
PERSONNAGES TOUT EN FINESSE
Sans être le RPG Fallout attendu à l'époque, Fallout Tactics : Brotherhood of Steel en reprend toutefois certains codes. Dès la création du personnage, on se retrouve en pays de connaissance et devine le potentiel de l'ensemble. Comme dans les opus précédents, celle-ci s'appui sur le SPECIAL, acronyme anglais désignant les attributs Force, Perception, Endurance, Charisme, Intelligence, Agilité et Chance.
Outre ces attributs, le personnage est également défini par trois skills (dix-huit au choix : arme de prédilection, capacité à se soigner, à détecter les pièges, etc.) et moins classiquement, par les Perks et les Traits, caractéristiques particulières à Fallout. Les Perks apportent au joueur différents talents, des plus classiques aux plus loufoques : points de déplacement en plus ou apparition aléatoire de fruits dans l’inventaire. Ces Perks, au nombre de quatre-vingt-onze, sont celles de Fallout, plus quelques nouveautés.
D'origine aussi, les Traits (deux sur seize au choix), qui achèvent de définir le personnage de Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, avec pour principe d'apporter souvent à la fois bonus et malus. Par exemple, Finesse, qui augmente les chances de faire un coup critique, mais réduit par ailleurs les dommages. SPECIAL, skills, Perks et Traits sont illustré dans l'interface par un petit dessin à mourir de rire, mettant en scène , la mascotte de la série. Là aussi, pour l'aspect direction artistique, Fallout Tactics n'a pas à rougir de la comparaison avec ses prédécesseurs.
FALLOUT TACTICS, C'EST TACTIQUE
Pour le début de partie, un tutoriel propose de se familiariser avec différentes tactiques de combats, à moins que l'on ne préfère foncer directement. Dans les deux cas, on se voit adjoindre deux personnages supplémentaires. Une escouade peut ainsi compter jusqu'à six membres, recrutables parmi près de soixante-dix. Outre des humains, il peut s'agir de Super-mutants renégats, de chiens et autre Griffemorts (Deathclaws). Bien entendu ces personnages eux aussi sont définis par les mêmes attributs et caractéristiques, modifiables à chaque changement de niveau.
Et à ceux qui se demandent à quoi peut bien servir le L de SPECIAL, c'est-à-dire la chance (Luck), sachez qu'il en faut beaucoup, pour pouvoir faire certaines rencontres ; par exemple recruter Vault boy, la mascotte de la série !
Les tutoriels permettent de découvrir le gros point fort de Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, rappelant que l’appellation Tactics n'est pas là pour rien : les modes de déplacement. Contrairement aux précédents opus, qui utilisaient un système de combat au tour par tour, Fallout Tactics dispose d'un mode continu et de deux modes de tour par tour. Le mode continu, ou CTB (Continuous Turn-Based), donne très agréablement au combat l'impression d'un temps réel, bien qu'en réalité, les points d'action de votre escouade ou de l'adversaire sont pris en compte. Le mode ITB (Individual Turn-Based), est semblable au tour par tour de Fallout 1 et 2 et permet de régler finement les déplacements de ses hommes. C'est indéniablement le plus tactique.
On peut enfin opter pour le mode STB (Squad Turn-Based), où le tour par tour se fait une équipe après l'autre et non pas un combattant après l'autre. En pratique, on réservera le CTB aux combats dont l'issu est connu et les modes tour par tour aux situations plus délicates. Si on le souhaite, on peut afficher dans une fenêtre le détail des hits et déplacements, dans le plus pur esprit RPG.
BROTHERHOOD OF STYLE
D'autres options viennent ajouter de la subtilité aux combats de Fallout Tactics : Brotherhood of Steel. D'une part, on peut déterminer un comportement de base pour chaque membre de l'escouade, d'autre part, chacun de ses membres peut se tenir soit debout, soit accroupis, soit ramper. Tout cela combiné modifie sa capacité d'attaque, sa vulnérabilité, mais également sa discrétion par rapport à l'adversaire. Les comportements sont au nombre de trois : Passif, défensif ou agressif. Dans le premier mode, le personnage ne réagit pas en présence d'un adversaire. En mode défensif, il riposte en cas d'attaque. En mode agressif enfin, on tire à vue. On l'aura deviné, un personnage en mode furtif et qui rampe ne doit pas utiliser le mode agressif pour s'approcher d'un adversaire ! Raffinement, le pourcentage de réaction peut être réglé par palier pour chaque mode et chaque combattant.
Point à préciser, les tuto, consultables à tout moment de la partie, présentent l'action à accomplir au moyen de vidéos « in game », c'est-à-dire d'animations utilisant le moteur du jeu. Pas mal pour l'époque ! Last but not least, citons la possibilité de jouer en multi, avec de nombreuses options de configuration des parties : Assault, Capture de drapeau, Skirmish ou Récolte d'objets, le tout sur des cartes officielles ou créées par la communauté au moyen du Fallout Tactics Tool !
Après quatorze années de confinement en zone de décontamination, il est donc plus que temps de réhabiliter Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, que l'on pourra se procurer chez Good Old Games, Onlive ou encore Steam. Son genre « tactique temps réel » l'exclu des autres épisodes, tous RPG, aussi, on ne saurait le conseiller au joueur désireux de découvrir la série Fallout. Mais si, en tant que fan, le manque de Nuka Cola et de Menta vous file la tremblote, si l'envie de dessouder du griffemort vous chatouille, voilà un moyen rapide de retrouver cet univers, sans devoir y consacrer des centaines d'heures, en manière d’apéritif avant Fallout 4. On l'aura compris, n'en déplaise à quelques fâcheux, rejouer à Fallout Tactics : Brotherhood of Steel, est tout à fait raisonnable, intéressant et rigolo.