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News débat et opinion La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Contributeur

Profil de Mazino,  Jeuxvideo.com
Mazino - Utilisateur jeuxvideo.com

Après avoir questionné quelques idées stéréotypées sur la virtualité du jeu vidéo, il est intéressant de s’attarder sur l’un des éléments « virtuels » les plus importants et les plus complexes auquel le joueur doit se confronter : l’avatar. Bien loin de n’être qu’un simple relais virtuel, l’avatar est au cœur de nombreux conflits identitaires et narratifs entre le jeu et le joueur, des tensions qui à elles seules cristallisent les enjeux esthétiques propres au médium vidéoludique.

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar
Remarque

Avant toute chose, je tiens à rappeler que je ne m’approprie aucunement la paternité de toutes les idées et théories développées dans cet article (ni dans les autres). Par souci de clarté et de fluidité, je ne citerai pas toutes mes sources dans le corps de l’article, mais elles seront entièrement disponibles à la fin de celui-ci. Il s’agit plus de vulgarisation que de recherche à proprement parler. Rendons à César ce qui appartient à César !

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Quelle est la différence entre le dé à coudre du Monopoly et le personnage de Mario dans Super Mario Bros. ? Les deux servent de relais entre le joueur et le jeu et pourtant, il n’y a qu’avec le second que des logiques identitaires se déploient. L’avatar, pour reprendre les mots de Fanny Georges, « est habituellement utilisé pour désigner ces ensembles d’informations, ou personnages numériques, qui représentent les habitants des mondes virtuels. L’avatar, en tant qu’identité projective, est le produit de l’interprétation du joueur et, en tant que système technosémiotique, est conditionné par l’interface ». Autrement dit, l’avatar se différencie du simple pion par sa nature virtuelle (qui ne veut pas dire irréelle) et parce qu’il se construit sur une dualité : d’un côté, il est le réceptacle de l’identité et des actions du joueur (comment le joueur va interpréter cet avatar), mais il est également un ensemble de signes fourni par la machine (ce qui est programmé sans l’action du joueur). Ces deux particularités de l’avatar interrogent la limite qui différencie l’identité du joueur et l’identité du personnage, c’est-à-dire ce qui sépare le réel du virtuel. Le fait que l’usager s’empare de l’avatar pour y exprimer son identité donne à cette présence virtuelle une « corporéité et un lien avec le réel concret de l’usager ».

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Le rôle de l’avatar est – théoriquement – de se substituer au corps du joueur pour énoncer sa présence dans les mondes virtuels : « Etant la seule manifestation de la présence du joueur, le pion virtuel est le seul indice de l’identité du joueur […] Or, la représentation par défaut n’étant pas distinctive, l’avatar devient un médium d’expérience et d’expression de l’identité et de la présentation de soi ». Avec les premiers jeux d’aventure en mode texte, l’avatar n’est figuré que par des informations textuelles, et c’est avec l’évolution des interfaces que sa représentation va devenir graphique et s’enrichir de nombreuses données supplémentaires (expérience, statut, objet, image, etc). Nous allons voir, en premier lieu, les différentes formes d’existence de l’avatar et la manière dont celles-ci peuvent affecter les possibilités d’expression identitaire des joueurs et leur permettre de se différencier les uns des autres en manifestant leurs particularités. Dans un autre registre, il sera intéressant de questionner la nature du lien qui unit le joueur et un avatar totalement intégré à l’univers diégétique du jeu, autrement dit ayant un rôle actant dans le récit.

L’identification à travers l’avatar

Comme nous l’avons vu, le terme « avatar » se réfère (dans le cas du jeu vidéo) aux ensembles de signes virtuels qui vont permettre au joueur de s’identifier et de s’incarner dans le jeu. Pour reprendre l’image de S. Ryu, les avatars seraient les descendants des masques et des marionnettes que l’on ne dirigerait plus à l’aide de baguettes et de fils, mais par l’intermédiaire des ondes et des interfaces. De par sa nature changeante, l’avatar peut prendre des formes très diverses « allant de la plus désincarnée (comme un simple curseur qui s’assimile alors à l’interface) à la plus caractérisée (comme un personnage ayant sa propre personnalité et son rôle à jouer dans l’histoire) » (F. Barnabé, 2012). Le fait de choisir en amont la manière dont le joueur va s’identifier au jeu est très important pour les concepteurs de jeu vidéo, tant la forme de ce relais virtuel impacte la réussite (ou l’échec) de certaines stratégies narratives et économiques. F. Georges distingue trois formes d’avatar différentes dans les jeux vidéo (de Skyrim à Angry Birds) : l’avatar-marionnette, l’avatar-masque et l’avatar-mouvement.

L’avatar-marionnette

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

La plupart des jeux vidéo traditionnels proposent au joueur un avatar prédéfini, notamment dans les jeux d’action, de combat ou de plateforme (liste non-exhaustive) où le gameplay semble plus important que l’histoire. Le plus souvent, il s’agit d’un personnage emblématique d’une série (Mario, Mickey, Lara Croft, Link, etc), ce qui laisse peu de place à la personnalisation de l’apparence et des caractéristiques de l’avatar. Dans ces cas-là, l’avatar « suscite un attachement affectif fort qui résulte moins en son apparence qu’à sa manipulation fine » ; entendez par là qu’il ne suffit pas au joueur d’incarner un avatar ressemblant à Sonic pour être satisfait, il faut également qu’on lui associe une manipulation nerveuse et rapide. Dans le cas des jeux d’aventure ou de réflexion comme Professeur Layton, l’identification s’effectue également à travers l’adoption des objectifs du personnage, ce qui va nous pousser à vouloir résoudre les énigmes les unes après les autres.

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Ce que l’avatar-marionnette perd en personnalisation de son apparence, il le gagne en liberté de gameplay, c’est-à-dire dans la latitude qu’a le joueur de construire son « récit vidéoludique ». Notion développée par Dominic Arsenault, le « récit vidéoludique » se distingue du « récit enchâssé » en ce qu’il est le produit de l’interprétation du joueur et forme la double structure narrative d’un jeu vidéo : « Ainsi, en prenant pour exemple Super Mario Bros, (Dominic Arsenault) démontre que, même si le récit enchâssé « vaincre Bowser et sauver la princesse » ne subit aucune variation en fonction des performances du joueur, l’expérience de ce récit sera tout de même très différente si le joueur a échoué dix fois avant de vaincre le boss ou s’il l’a battu dès la première tentative. Ou encore : l’expérience sera différente s’il le fait tomber dans la lave ou s’il le bat en utilisant des boules de feu » (Barnabé, 2012). Le sens du jeu dans Super Mario Bros est construit à la fois par le développeur, du fait que le personnage principal soit imposé au joueur (Mario) ainsi que son objectif (vaincre Bowser), tout ceci appartenant au « récit enchâssé », et à la fois par le joueur, en fonction de la manière dont celui-ci va déplacer Mario, tuer les ennemis, vaincre le Boss (c’est-à-dire en fonction de sa manière de jouer), créant par la même son « récit vidéoludique ». Cette notion permet de nuancer la force d’influence d’un avatar-marionnette et les possibles réserves que peuvent avoir les joueurs envers des avatars « non-personnalisables ».

L’avatar-masque

Ce qui caractérise l’avatar-masque, c’est l’accent mis sur sa personnalisation à la fois délibérée et déclarative, c’est-à-dire voulue par le joueur et signifiante. La liberté accordée dans la création de notre personnage dans Skyrim nous permet d’agir significativement sur son physique, ses capacités et son statut social de manière à créer un avatar qui nous ressemble ou non. Même si l’étude des usages des joueurs montre que la majorité de ceux-ci tendent à créer un avatar qui leur ressemble (dans la mesure du possible, il s’agit en réalité davantage d’une idéalisation de soi-même), il est intéressant de noter que cette personnalisation permet aux usagers de réaliser des fantasmes ou des interdits (tatouages, cicatrices, sexualité différente, etc). Bien sûr, comme l’explique F. Georges, « à la différence des espaces virtuels de discussion, (dans le cas du jeu vidéo) le choix de l’avatar et de sa personnalisation répondent prioritairement au projet ludique du joueur », ce qui semble logique tant le choix d’un guerrier plutôt qu’un mage implique des choix de gameplay et d’objectif différents. Pourtant, il existe également de multiples choix qui ne dépendent pas des règles du jeu et qui n’ont aucune incidence sur les compétences de l’avatar, mais davantage sur sa socialisation. Les exemples sont légions, du plus loufoque comme le chapeau déchiré dans Team Fortress 2 au plus classe avec la tenue costard dans GTA V en passant par certains items rares, marqueurs de puissance, dans World of Warcraft. Il existe tout un aspect social dans la personnalisation de l’avatar qui se révèle dès lors qu’on s’attarde sur les pratiques des joueurs de manière approfondie et non superficielle.

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatarLa virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Citons l’exemple du jeu en Roleplay (ou RP) qui, tout en se basant sur les règles du jeu, confère à l’avatar un background, des intérêts, une moralité, une sexualité, qui n’ont pas d’impacts directs sur les compétences du personnage, mais sur sa relation avec les autres et l’univers fictionnel du jeu. Mass Effect est une franchise qui a parfaitement saisi les enjeux sociaux (voire sociétaux) de l’avatar-masque permettant au joueur de modifier son sexe et lui conférant également la possibilité d’établir une relation avec une personne de même sexe et de race différente. La construction de l’avatar-masque est « une mise au service d’une quête de connaissance de soi et des autres en permettant au joueur de mieux se connaitre lui-même et de mieux comprendre les mécanismes de présentation de soi », autant de qualités et de compétences réutilisables dans ce qu’on nomme maladroitement la « vie réelle ». Comment me présenter au monde en tant que fille, homosexuel, noir, blanc, dyslexique, handicapé, etc ? Les jeux vidéo – si on leur donne cette chance – peuvent donner des éléments de réponse aux adolescents tiraillés par leurs « identités » multiples.

L’avatar-mouvement

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

« Dans les casual games (Solitaire), les jeux de réalité augmentée (consoles Wii ou Kinect) ou les jeux à interface tactile (Angry Birds), l’avatar n’est pas représenté visuellement par un être permanent, mais par les traces actuelles des interactions », autrement dit, l’avatar n’est plus manifesté de manière permanente mais davantage suggéré comme invisible. En effet, lorsque l’on joue à Angry Birds, les oiseaux que l’on lance ne sont pas des avatars à proprement parler, mais des objets liés au gameplay que l’on utilise pour détruire les constructions adverses (ce sont les outils de notre avatar invisible). L’avatar n’est plus représenté par du texte ou un personnage, mais par les actions du joueur, ce qui redéfinit quelque peu sa définition originelle. Cette « disparition » de l’avatar, liée aux avancées technologiques (écrans tactiles, captures de mouvement), fait écho au phénomène d’intériorisation du fonctionnement de la machine par le joueur (figure de l’usager-cyborg).

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Cela peut paraitre anecdotique pour ceux dont la pratique des jeux vidéo n’entre pas dans le cadre du casual gaming et qui, par conséquent, n’utilisent pas ou peu ce genre de technologies. Pourtant, l’essor du jeu vidéo sur mobile, associé à la disparition des frontières entre identité numérique et identité réelle sur les réseaux sociaux, où l’on joue en tant que nous-même (Mafia Wars, Candy Crush, etc), favorisent les pratiques compulsives. Dès lors, la notion de « jeu » est mise à rude épreuve car on peut se demander si le joueur possède suffisamment de « distance » avec sa pratique pour pouvoir interpréter ce qu’il expérimente : lorsque le tactile réduit la frontière entre l’homme et la machine, lorsque la ligne entre l’identité réelle et virtuelle disparait, lorsque les entreprises favorisent la pratique des consommateurs et récoltent les données de manière détournée, peut-on encore qualifier ce genre d’expérience de « jeu » ? La question reste ouverte et, même si ce n’est pas le sujet de cet article, il me semblait important de la poser.

Le lien entre avatar et joueur dans le récit vidéoludique

Il y aurait énormément à dire à propos du rôle de l’avatar dans les jeux vidéo, de nombreux auteurs se sont d’ailleurs penchés sur la question et ont tenté de déstructurer ce relais virtuel afin de l’analyser sous toutes les coutures. Bien entendu, il n’est pas possible de restituer ici l’ensemble de ces recherches, c’est pourquoi nous avons décidé de nous attarder sur ce qui unit avatar et joueur dans le récit, à travers trois aspects essentiels de cette médiation virtuelle : le processus énonciatif de l’avatar, le processus kinésique de l’avatar et le processus diégétique de l’avatar. Sous ces noms barbares, choisis subjectivement pour leur nature courte et signifiante, se cachent en réalité trois visions très simples de l’avatar développées par F. Barnabé : l’énonciation, le mouvement et le récit.

L’avatar comme processus énonciatif

Le jeu vidéo possède la particularité d’intégrer le joueur dans son processus énonciatif, c’est-à-dire qu’il est soumis aux interprétations du joueur de manière directe dans un processus de « co-énonciation ». Simultanément, le joueur et la machine vont prendre le rôle d’énonciateur : la machine va produire le jeu et le joueur va s’investir dans cette production en s’arrogeant une part de liberté et d’interprétation. Ainsi, selon les mots de F. Barnabé, l’avatar est constitué comme une « coquille vide » afin d’accueillir idéalement l’investissement du joueur : « chaque actualisation de l’avatar est unique puisque le « je » qui l’investit n’est jamais tout à fait identique. Le jeu débute lorsque le joueur décide d’embrayer ce corps virtuel, de l’assumer comme propre et, dès ce moment, il devient un point de repère, un centre par rapport auquel tout l’espace va s’organiser ». Ce qui fait que le scrolling horizontal s’active dans Super Mario Bros., ce sont les actions conjuguées du joueur et de la machine ; pour ainsi dire, le jeu est comme produit sous nos yeux.

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatarLa virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Cependant, s’il est juste de dire que l’avatar joue le rôle de réceptacle de l’interprétation du joueur, ce serait un abus de langage de le considérer comme véritablement « vide ». En réalité, le fait que l’avatar soit préprogrammé par la machine (qu’il s’agisse d’un avatar-masque ou d’un avatar-marionnette) entrave la possibilité pour le joueur de réellement considéré l’avatar comme un prolongement de lui-même. Peu importe notre manière de jouer ou notre investissement dans le jeu, Mario sera toujours un homme avec une moustache et un costume de plombier ; même dans le cas d’un avatar personnalisable, toutes les intentions du joueur sont objectivées par la machine, ce qui va limiter et rationaliser notre intervention. Ainsi, Carl Therrien en vient à qualifier la configuration énonciative du jeu vidéo comme un « système mixte je-il », où l’avatar joue le rôle de vecteur d’une forme d’énonciation unique basée à la fois sur la projection (identification, interprétation) et sur une certaine distance créée par la machine et le jeu lui-même.

L’avatar comme processus kinésique

Il existe un lien entre l’avatar et le joueur basé sur le mouvement, un « embrayage kinésique », selon les mots de F. Barnabé, qui pousse le joueur à s’identifier « physiquement » à son relais virtuel : « les mouvements de l’avatar sont assumés comme propres par le joueur qui, lui-même, est en train de bouger dans le réel (ses doigts sur le clavier, ou même tout le corps dans le cas des consoles telles que la Wii ou de périphériques tels que le capteur Kinect) ». Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’avatar oscille constamment entre deux états durant le jeu : un état où il n’est qu’une coquille vide soumise à la volonté du joueur (il s’agit des phases de jeu) et un état où l’avatar semble posséder ses propres aspirations (il s’agit de phases de dialogues et de cinématiques). Cette alternance de point de vue n’est pas sans effet sur le joueur qui peut, lors des phases non-interactives, observer les conséquences des actions effectuées durant les phases de jeu. Le jeu vidéo introduit par ce biais des questions d’ordre moral comme pourrait le faire une scène de film, un livre ou une peinture, en utilisant son propre langage, celui de l’interactivité. Pour citer, F. Barnabé : « la relation joueur-avatar est, en somme, une donnée fondamentale pour comprendre la nature particulière de l’engagement dans le récit qui est rendu possible par le jeu vidéo ».

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatarLa virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Si l’on prend l’exemple de Kratos dans God of War, on remarque bien la position inconfortable du joueur qui doit, à la fois subir les décisions de Kratos dans les cinématiques (torture, assassinats, etc), mais également en être le déclencheur s’il veut survivre et terminer le jeu. Face à cette violence – parfois – gratuite, les développeurs s’attardent sur les thèmes de la vengeance, de la souffrance et de la folie. Néanmoins, il existe des cas où la volonté morale semble moins visible et où les actions du joueur et leurs conséquences dans les cinématiques n’ont pas pour but de mettre le joueur dans une position inconfortable, bien au contraire. Loin de moi l’idée de vouloir tirer sur l’ambulance, mais si on s’attarde sur la licence Call of Duty, il est bien difficile de ne pas être révolté par la manière dont les développeurs légitiment – grâce au langage vidéoludique – les actes du joueur et ceux de l’avatar dans les cinématiques. Là où Hidéo Kojima nous montre avec Metal Gear Solid, les résultats désastreux de nos actions (et de la guerre plus généralement) sur notre personnage, la licence d’Activision semble moins encline à critiquer les opérations militaires effectuées dans ses productions. Etant donné que le jeu vidéo engage une partie de notre identité – celle que l’on projette sur l’avatar – il est vital de reconsidérer notre manière de jouer et d’y insérer des problématiques d’ordre éthique.

L’avatar comme processus diégétique

L’avatar est soumis à de nombreuses évolutions au cours du jeu qu’il s’agisse de son apparence ou de ses capacités, faisant de son corps le support du récit vidéoludique du joueur. En effet, l’avatar « en gardant en mémoire la façon dont le joueur mène son récit vidéoludique » va porter les stigmates de la manière de jouer du joueur, mais aussi participer au déroulement du récit enchâssé (propre au jeu). Par exemple dans Skyrim, notre façon de jouer et les choix que nous ferons (attaque furtive, à distance, magique) impliqueront une certaine interprétation du jeu et vont façonner notre avatar en fonction (compétences, armures, magie, etc). La notion de « récit vidéoludique » prend tout son sens avec cet exemple car l’avatar est symboliquement affecté par notre play (manière de jouer, interprétations, etc) et l’identification est d’autant plus forte que l’on a l’impression de suivre le récit de nos aventures chaque fois que l’on observe notre avatar à l’écran. « Cette lame d’assassin, je l’ai eu en résolvant telle quête, tandis que ces gantelets améliorés, je les ai eu dans un coffre Dwemer ! ».

La virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatarLa virtualité du jeu vidéo : La relation joueur/avatar

Enfin, il existe un autre contexte où l’avatar symbolise tout un monde, tout un récit enchâssé et active, dans un renvoi intertextuel ; une diégèse particulière : « Par leur seule présence, certains personnages très narrativisés ou caractérisés peuvent activer tout un univers connu préalablement par le joueur », c’est ce que de nombreux d’entre nous ont déjà appelé « fan service ». Parfois cela est fait de manière qualitative et intéressante comme dans Kingdom Hearts où l’intégration des personnages de Disney et de leur monde offre une nouvelle dimension au jeu ; parfois, il s’agit plus de bricolage que de réelle association efficace comme on peut le voir dans les SoulCalibur où on se demande ce que Dark Vador et Link viennent faire dans un monde qui visiblement ne leur correspond pas. Au-delà de cet avis purement subjectif, il faut retenir l’idée selon laquelle un personnage comme Link va, par sa seule présence, réactiver toute une myriade de références et convoquer la diégèse qui lui est propre (objets issus the The Legend of Zelda, aptitudes et techniques de Link, etc). Le Fan Service peut avoir du bon parfois !

Conclusion

En guise de conclusion, je rappellerai que les aspects de l’avatar cités dans cet article n’en sont qu’une petite partie et qu’il en existe bien d’autres, d’une part car nous n’avons fait qu’effleurer les travaux de recherche vulgarisés dans cet article et, d’autre part, nous avons délibérément choisi d’étudier les avatars liés au jeu vidéo ayant un rôle dans le récit du jeu. Ainsi, nous avons pu voir qu’un avatar, sous ses airs simples, est en réalité le produit d’une multitude de facteurs qui lui donne son authenticité et son unicité. Il n’existe qu’un seul Mario et un seul Link et, pourtant, on compte autant de versions de ces avatars que de joueurs les ayant incarnés. Chaque version a été le fruit d’une rencontre particulière avec l’histoire du jeu, chaque joueur a pu donner forme à ses interprétations à travers son avatar et créer la structure de son propre récit vidéoludique.

A présent que nous avons gratté la nature du lien qui unit joueur et avatar, pouvons-nous encore faire comme si nous n’avions aucune responsabilité, aucun impact, sur ce qui se déroule sous nos yeux ? Faut-il systématiquement penser le rapport joueur/avatar selon les deux extrêmes que sont l’addiction d’un côté et la naïveté du loisir de l’autre ?

Bibliographie

  • BARNABÉ, F., Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels, Bebooks - Editions numériques, 2014
  • GENVO, S., « Comprendre et développer le potentiel expressif », Hermès La Revue, n°62, 2012, p.127-133
  • GEORGES, F., « Avatars et identité », Hermès La Revue, n°62, 2012, p.33-40
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Commentaires
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Gokaraz Gokaraz
MP
Niveau 3
le 30 août 2015 à 21:05

Très bon article :-)

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