Deux générations majeures de processeurs développées sur deux ans, voilà un rythme qu’Intel reconnaît ne plus pouvoir réellement tenir. Dès lors, le 14 nm s’étalera sur trois lignes de produits distinctes, et le 10 nm n’arrivera sans doute pas de sitôt.
La loi de Moore est l’une des plus connues et des plus régulièrement citées dans le monde de l’informatique. Dictée par Gordon Moore, cofondateur d’Intel, en 1965, elle considère que le nombre de transistors embarqués par les processeurs double tous les deux ans. Or, menacée depuis quelques années déjà à mesure que les efforts demandés par l’amélioration des finesses de gravure posent de nouveaux problèmes techniques à Intel, cette loi tend effectivement à s’étioler comme le reconnaît lui-même le fondeur, qui dit néanmoins produire les efforts nécessaires pour “la garder en vie” le plus longtemps possible.
De l’allongement des cycles de développement...
En effet, à l’occasion de commentaires faits suite à la publication des derniers résultats financiers de l’entreprise, son actuel PDG, Brian Krzanich, a reconnu que le cycle de développement de nouvelles puces respectant cette loi s’est allongé, si bien que le principe même de Tick-Tock sur lequel Intel mettait au point ses processeurs depuis le début des années 2000 est à revoir. Brian Krzanich a ainsi déclaré qu’à mesure que ses ingénieurs approchent d'une finesse de gravure égale ou inférieure à 10 nm, les défis techniques à relever l'obligent à considérer le Tick-Tock comme un cycle dorénavant long de deux ans et demi, et non plus de deux ans.
Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi nous parlons, et en simplifiant, sachez que chaque “Tock” marque l’arrivée sur le marché d’une nouvelle génération de processeurs Intel qui bénéficient d’une toute nouvelle microarchitecture. Chaque “Tick” correspond quant à lui à une génération qui réutilise la même architecture, mais dont la finesse de gravure est revue à la baisse (une opération dite de "die shrink", en anglais). Par exemple, la famille de puces Haswell correspondait à un Tock, une nouvelle microarchitecture gravée en 22 nm, comme Ivy Bridge avant elle. En revanche, les processeurs Broadwell correspondent à un Tick, réutilisant en très grande partie l’architecture Haswell, mais profitant d’une gravure de 14 nm seulement. Les prochains processeurs Intel, de génération Skylake, bénéficieront en conséquence d’une toute nouvelle microarchitecture, et seront gravés en 14 nm.
Ce retard, Intel l’a surtout pris avec Broadwell, suite aux difficultés rencontrées sur le node 14 nm. Car plus la gravure s’affine, plus le matériau de base (le silicium) est soumis à de fortes contraintes, de même que les canaux deviennent trop petits pour conduire suffisamment d'électricité. Dès lors, les efforts nécessaires pour concevoir les processus de fabrication sontde plus en plus importants et coûteux (surtout que des procédés promettant une révolution du secteur comme la lithographie Extrem UltraViolet tardent à se faire disponibles). Les puces Broadwell en retard, Intel avait décidé d’occuper le terrain en lançant ses Haswell-Refresh à la mi-2014, mais en dehors de puces mobiles et de deux processeurs Dekstop difficilement trouvables sur le marché (les Core i5-5675C et i7-5775C), Broadwell est une génération qui n’a pas vraiment marqué les esprits. Surtout, son retard s’est logiquement répercuté sur le développement des puces de génération suivante, Skylake, qui sortiront sous peu et devront faire oublier l’épisode Broadwell.
Kaby Lake pour combler la roadmap
En reconnaissant l’allongement des cycles de développement de ses processeurs à mesure que l’on approche du 10 nm, Intel sous-entend quelque part qu’il ne faudra pas être pressé avant de voir arriver la génération Cannonlake, le Tick annoncé de Skylake en 10 nm. Dès lors, et conformément à ce que nous écrivions il y a quelques semaines, Intel introduira exceptionnellement une troisième génération de processeurs 14 nm dans son planning, une génération cachée derrière le nom de code Kaby Lake. Sauf que là où nous nous attendions à ce que Kaby Lake joue le rôle d’un simple “rafraîchissement” de la gamme, cette série pourrait être un peu plus ambitieuse d’un point de vue technique, Intel insistant sur “des améliorations clés du côté des performances”.
En conclusion, Brian Krzanich assume ces difficultés et les explique sans mal d’un point de vue purement technique. Il assure toutefois que cela ne marquerait en rien un fléchissement de l’avance technologique accumulée par Intel sur l’industrie ces dernières années. Un dernier point sur lequel nous serons moins catégoriques, sachant qu'un consortium au sein duquel on trouve notamment IBM est récemment parvenus à graver un processeur fonctionnel en 7 nm, et que le département responsable de ces développements a été vendu au fondeur GlobalFoundries (IBM conserve toutefois ses brevets). De même, le fondeur TSMC dit qu’il sera en mesure de commencer la gravure de puces en 10 nm en volume dès la fin de l’année 2016. Et l’on sait que Samsung avance également à bon rythme dans la réduction de la finesse de gravure de ses processeurs...