Après avoir oeuvré conjointement avec l'équipe de Camelot Software Planing sur Shining Force et Shining in the Darkness, le studio Climax Entertainment livre en 1992 le jeu qui fera à la fois sa renommée et le bonheur des possesseurs de Megadrive : Landstalker.
Sorti chez nous en octobre 1993, ce soft d'action-aventure en vue isométrique sera souvent considéré comme le Zelda de la console de Sega, alors que ces jeux sont bien différents. Certes, l'apparence elfique du héros de Landstalker rappelle sans aucun doute celle de Link mais les points communs entre les deux jeux sont finalement moins nombreux que les éléments qui les distinguent.
Ses défenseurs n'hésiteront pas à souligner à raison l'excellence de son scénario, malheureusement terni par une traduction française plutôt moyenne et des traces de censure, mais aussi sa profondeur et sa durée de vie dépassant facilement la quinzaine d'heures en ligne droite, voire beaucoup plus pour une première partie.
Notez que la version occidentale du jeu a "bénéficié" d'une illustration inédite pour la jaquette, le chara design du héros étant complètement différent de celui de la version japonaise originale. Encore une belle tragédie... Pour l'anecdote, on rapproche souvent (peut-être à tort ?) le héros de Landstalker au Lyle de Shining Force, un centaure archer imaginé par le même character designer.
Le trésor du Roi Nole
Le jeu démarre alors que Ryle (qui peut se lire Lyle en VO et qui a été rebaptisé Nigel aux US), un elfe chasseur de trésors, brave les dangers d'une forteresse en ruine pour s'emparer de la statue de Jypta. Une fois la récompense en poche, il décide de porter secours à une petite fée nommée Friday (à l'apparence de succube) pourchassée par des bandits qui veulent la faire parler pour connaître l'emplacement du trésor du Roi Nole. Poussé sans doute davantage par la convoitise que par des élans de bonté, Ryle aide la fée à se tirer de ce mauvais pas et c'est sur les ailes d'un aigle démesuré qu'ils survolent l'océan en direction du lieu où est censé se trouver ce mystérieux trésor. Evidemment, la petite excursion ne se termine pas comme prévu et c'est le début d'un périple mouvementé sur l'île de Mercator.
Notez que la fée deviendra vite la mascotte attitrée de la société Climax qui l'adoptera même comme logo. Quant aux mélodies, elles sont composées par Motoaki Takenouchi qui signera un peu plus tard l'OST de Shining Force II, entre autres.
Le pari de la 3D isométrique
Bien que simple en apparence, le gameplay plutôt nerveux et intuitif de Landstalker est contrebalancé par une difficulté induite par la présence grouillante d'ennemis extrêmement teigneux mais surtout par les contraintes liées à la réalisation.
Car la perspective en 3D isométrique se marie difficilement avec la souplesse d'un action-RPG, et même si cette représentation fait encore toute la singularité de Landstalker, elle constitue aussi l'une de ses rares faiblesses.
Se déroulant dans un vaste monde comportant autant de donjons que de zones extérieures à explorer, l'aventure base en effet une grande partie de ses pièges et de ses énigmes sur l'exécution de phases de plates-formes millimétrées.
Cela implique des sauts d'autant plus délicats à appréhender que la vue isométrique rend difficile l'évaluation des distances et camoufle la plupart des pièges, d'autant que tous les déplacements se font évidemment en diagonale. Des mouvements qu'il vaut mieux rapidement maîtriser pour faire face aux nombreux boss du jeu.
Dans les donjons, il faut aussi deviner à quel endroit on doit se laisser tomber pour passer d'un étage à un autre en atteignant les coffres convoités. Plus vicieux encore, nombreux sont les escaliers complètement masqués par d'autres éléments du décor, ce qui les rend totalement invisibles. Quant aux énigmes impliquant des interactions diverses avec des caisses ou des boulets géants, elles exigent toujours un timing et une précision d'orfèvre.
Mais bien sûr, tout cela est voulu par les concepteurs de Landstalker qui font preuve d'un sadisme certain tout au long du jeu... Et c'est aussi ce qui a permis au titre de marquer autant les esprits. La victoire se mérite et les secrets sont toujours extrêmement difficiles à dénicher puisqu'il faut parfois sauter sur certains éléments du décor dans un ordre précis pour faire apparaître des trésors cachés. Difficile mais pourtant passionnant, Landstalker fait partie de ces jeux qui nous scotchent jusqu'au bout malgré des passages terriblement agaçants.
Au fil du jeu, le héros voit heureusement ses capacités évoluer considérablement, notamment via un inventaire pouvant accueillir de nombreux accessoires et pièces d'équipement. On y trouve par exemple toutes sortes de bottes et de plastrons aux effets bénéfiques, mais aussi des épées élémentaires capables de déclencher des pouvoirs magiques dévastateurs. Cette montée en puissance aide à surmonter les difficultés de l'aventure même s'il faut tout de même faire preuve de persévérance pour en connaître le dénouement.
Gaming Live de Landstalker
L'histoire de Landstalker ne s'arrête pas là puisque, suite à son succès auprès des joueurs, une "suite" baptisée Lady Stalker sort en 1995 sur Super Famicom. Allez savoir pourquoi, celle-ci est développée non pas sur Megadrive mais sur la console concurrente et reste largement dans l'ombre de Landstalker. D'une part parce qu'elle n'est sortie qu'au Japon, et surtout parce qu'elle opère de nombreux changements (pas de sauts, combats aléatoires) qui la rendent nettement moins intéressante à jouer. Comme vous pouvez le constater sur cette vidéo, les deux titres n'ont vraiment rien à voir !
Heureusement, Climax rattrape le coup en 1996 avec Dark Savior sur Saturn. Sans que le jeu soit clairement rattaché à l'univers de Landstalker, il s'en rapproche tout de même beaucoup, notamment à travers sa représentation en 3D isométrique, et constitue l'un des meilleurs A-RPG sur ce support.
Enfin, lorsque le studio revient en 1999 avec Time Stalkers (Climax Landers en VO) sur Dreamcast, c'est un peu la consternation puisque, en dépit de nombreuses références à Landstalker et Shining in the Darkness, le titre s'égare dans les contrées incertaines du dungeon-RPG et ne renoue pas du tout avec ses origines.
Quant au remake de Landstalker annoncé un temps sur PSP, il aura finalement été simplement annulé. Si vous souhaitez redécouvrir Landstalker aujourd'hui, sachez qu'il est ressorti sur console virtuelle Wii mais aussi sur PC via Steam.