En quête d'un jeu Gameboy auquel rendre hommage dans cette rubrique hebdomadaire dédiée aux titres oldies, plusieurs noms m'ont traversé l'esprit avant que je ne me rende à l'évidence : il fallait décerner à l'épisode fondateur de la série "Mana" l'honneur de figurer en tête de liste.
Car bien que nous n'ayons ici jamais remis en question son statut de titre culte amplement mérité, il faut bien reconnaître que nous n'avons finalement eu que trop peu d'occasions de vous parler de lui.
Retour donc en 1991, l'année où Squaresoft sortit au Japon le tout premier Seiken Densetsu sur Gameboy, sans savoir que venait alors de naître une future saga mythique !
Baptisé Seiken Densetsu - Final Fantasy Gaiden en version originale, ce titre a été pensé comme un spin-off orienté action-RPG de la série Final Fantasy ("gaiden" étant le terme attribué généralement aux épisodes hors-série). Pas étonnant, donc, d'y retrouver une multitude de clins d'oeil à la saga Final Fantasy, comme le chocobo ou les nombreux sprites inspirés des différentes classes de FF3. Ce Seiken Densetsu, que l'on pourrait traduire par "La Légende de l'Epée Sacrée", fut d'ailleurs rebaptisé Final Fantasy Adventure lors de sa sortie en version américaine pour profiter du succès grandissant de la franchise à l'époque.
En France, c'est sous l'appellation Mystic Quest que l'on découvre ce titre en 1993, à peine un an avant la sortie du deuxième Seiken Densetsu, alias Secret of Mana, sur Super Nintendo. Trop souvent occulté par l'aura de ce dernier mais également par celle de Link's Awakening, disponible la même année en Europe sur le même support, Mystic Quest compte pourtant comme l'un des softs les plus incontournables de la Gameboy. En lui réside déjà la grande majorité des éléments clefs que l'on retrouvera par la suite dans les autres épisodes de la série Mana, et même si les capacités limitées de la console portable 8 bits de Nintendo ne lui permettent pas d'atteindre des sommets en termes techniques, il n'en reste pas moins extrêmement ambitieux et novateur sur bien des points.
Naissance d'un mythe
A la croisée des chemins entre un Zelda et un Final Fantasy, Seiken Densetsu est le fruit de l'imagination débordante de Kôichi Ishii (SaGa, Final Fantasy), épaulé par Yoshinori Kitase au scénario et Kenji Ito à la musique, alors que ces derniers n'étaient encore qu'au tout début de leur carrière. Baptisé initialement Gemma Knights, le projet devient rapidement Seiken Densetsu - Final Fantasy Gaiden et s'articule autour de la protection de l'arbre mana, symbole même de la série. Dans la peau d'un héros anonyme, gladiateur au service de l'empire Glaive, le joueur doit échapper à sa condition d'esclave pour tenter de retrouver la trace des "chevaliers Gemme" (d'où le titre Gemma Knights), seuls capables de défendre l'arbre mana pour éviter que son pouvoir ne tombe entre les mains de l'empire Glaive commandé par Julius et le Roi Noir. Après un terrible combat dans l'arène et des adieux tragiques à son meilleur ami agonisant, le jeune héros est précipité dans le vide...
Ainsi débute une aventure de longue haleine, truffée de rebondissements et de scènes dramatiques, même si les faiblesses de la traduction française ne rendent pas l'histoire aussi limpide qu'on le voudrait. Malgré tout, si on se replace dans le contexte de l'époque, il faut reconnaître que rares étaient les jeux à bénéficier d'une traduction dans notre langue, surtout sur Gameboy, et que cet épisode n'est de toute façon pas le plus fourni en matière de dialogues. Ce qui ne veut pas dire que sa narration a été négligée, loin de là.
Final Fantasy + Zelda = Seiken Densetsu
Pilier de ce qui deviendra plus tard l'une des plus grandes séries d'action-RPG sur consoles, Mystic Quest combine l'exploration d'un Zelda aux routines de progression d'un Final Fantasy ou d'un RPG en général. Le héros gagne en effet de l'XP à chaque ennemi vaincu, l'action se déroulant en temps réel en vue de dessus, ce qui est valable aussi bien en extérieur que dans les donjons. Chaque montée de niveau nous donne l'occasion de renforcer en priorité l'une de stats de notre personnage (force, sagesse, résistance ou volonté), ce qui s'avère déterminant pour son évolution, son équipement s'améliorant lui au fil du jeu.
Element clef du gameplay, l'arsenal nous amène déjà à manier une multitude d'armes différentes : des épées, mais aussi des haches, des lances, des chaînes, des masses ou des faucilles, chacune ayant des capacités propres. Non seulement ces armes sont le seul moyen de franchir certains environnements, par exemple en coupant des arbres, en cassant des murs ou en s'agrippant sur des piquets, mais elles se montrent également toutes plus ou moins efficaces contre tel ou tel type d'adversaire. Il faut donc constamment jongler entre ces différentes armes pour avancer dans le jeu afin de surmonter les quelques énigmes qui jalonnent la progression. Ce n'est que lorsque la jauge de volonté située en bas de l'écran atteint son maximum que l'on peut déclencher une attaque spéciale qui diffère selon l'arme que l'on a équipée, et qui décuple temporairement la portée de nos armes.
Des "guests" pas comme les autres
L'une des meilleures idées de Mystic Quest est de faire intervenir un nombre conséquent de personnages secondaires qui viennent nous prêter main-forte à plusieurs moments clefs de l'aventure. Ces NPC ne jouent donc pas seulement un rôle majeur dans le scénario, ils deviennent véritablement nos alliés durant la partie, combattant à nos côtés selon la volonté de l'IA qui, pour le coup, se révèle plutôt correcte. La présence de ces alliés est d'ailleurs d'autant plus utile que l'on peut faire appel à eux à tout moment via la commande "Aide" pour qu'ils nous fassent profiter de leurs talents cachés. Par exemple, l'héroïne soignera nos points de vie tandis que le nain nous vendra des objets et que le robot Marcie régénérera nos points de magie. Des compétences qu'il faut apprendre à découvrir par soi-même et qui s'avèrent plus ou moins utiles selon les NPC, sachant qu'on dénombre pas moins de 8 compagnons différents sur l'ensemble du jeu.
Parmi eux, le chocobo constitue un allié à part puisqu'il fait surtout office de monture permettant d'aller plus vite sans craindre les ennemis. A partir d'un certain stade du jeu, le chocobo est même capable d'entrer dans l'eau via les pontons, ce qui ouvre alors de nouveaux horizons sur la carte du monde. Et si la map affiche un minimum d'indications, c'est sans doute pour accentuer davantage le sentiment d'errance qui fait qu'on peut facilement se retrouver perdu dans les méandres des environnements extérieurs. Un peu moins labyrinthiques, les donjons n'en renferment pas moins leur lot de petites énigmes, même si celles-ci reposent presque toujours sur la bonne utilisation des armes et des magies, ainsi que sur la découverte de passages secrets cachés dans des faux murs.
Challenge old-school
Outre le fait de pouvoir mourir en seulement quelques coups, le challenge réside aussi dans la difficulté de compréhension de certains indices (le fameux 8 de l'oasis), et dans la gestion de l'inventaire assez limité. D'autant que la nature des objets contenus dans les coffres droppés par les ennemis diffère selon ces derniers (clés incluses), et que leur apparition est aléatoire. Le pire reste quand même la dangerosité des altérations d'état, poison en tête, qui peuvent mettre fin à votre partie en seulement quelques secondes. Quant aux boss, tous extrêmement résistants, ils seront presque tous repris dans les autres volets de la série, à l'instar du reste du bestiaire caractéristique des Seiken Densetsu.
Terriblement efficace mais redoutable en termes de difficulté, Mystic Quest avait la bonne idée d'embarquer une pile de sauvegarde pour nous permettre de reprendre la partie à n'importe quel endroit du jeu, deux fichiers de sauvegarde étant inclus dans la cartouche. Square Enix sortira en 2004 un remake de ce premier Seiken Densetsu sur Gameboy Advance, baptisé Sword of Mana et développé par le studio Brownie Brown, ce remake s'adressant sans doute davantage aux nouvelles générations de joueurs qu'aux puristes qui, pour la plupart, lui préféreront l'original. Mais nous aurons peut-être l'occasion de vous en reparler !