Le 12 mars 2015, nous apprenions avec une immense tristesse le décès de Sir Terry Pratchett. L'auteur, extrêmement populaire outre-Manche, était sans doute moins connu dans l'Hexagone mais ceux qui ont eu la chance un jour de se pencher sur ses ouvrages révèrent pour la plupart les multiples qualités du romancier et l'univers qu'il a créé.
Notre Gaming Live Hommage à Terry Pratchett
Si vous ne connaissez pas l'ami Pratchett, sachez que l'homme était un auteur de fantasy burlesque qui a donné naissance au monde fou du disque-monde. Si Pratchett s'est parfois éloigné de cet univers pour donner naissance à des romans externes ou des livres pour enfants, nous nous attarderons essentiellement sur son ouvrage majeur qui recense plus de 30 romans articulés autour de cet étrange univers qu'est le fameux Discworld.
Une histoire de tortue cosmique
Le disque-monde, de quoi s'agit-il ? Tout simplement d'une planète plate, juchée sur le dos de 4 éléphants, eux-mêmes juchés sur le dos de la grande A'Tuin, la tortue stellaire qui erre sans but apparent dans l'espace. La capitale du disque, Ankh-Morpork est le repaire d'habitants tous plus déjantés les uns que les autres, dans lequel se croisent des destins improbables où cohabitent humains, banshees, trolls, nains, vampires, mages, loups-garous et zombies. En dehors des frontières de la ville se dressent d'immenses régions non moins atypiques, qui donneront lieu à des histoires rocambolesques. Voilà le postulat de départ de Pratchett qui est parvenu à écrire une colossale saga sous-titrée « Annales du Disque-monde », entamée en 1983 avec « La Huitième Couleur ».
Une imagination fertile, un humour acéré typiquement anglais et une manière de dépeindre notre monde à travers un prisme fantastique sont autant de qualités qui caractérisent l’œuvre de Pratchett, qui se dispute avec JK Rowling le titre d'auteur le plus populaire en Grande-Bretagne. Pour bien comprendre le monde de Pratchett, il faut savoir que les romans des Annales du Disque-monde, s'ils se passent dans le même univers, ne se croisent pas toujours, à l'instar des personnages mis en scène par l'auteur déjà regretté. Samuel Vimaire, officier désabusé et amer à la tête de la sécurité de la capitale du disque, Mémé Ciredutemps, sorcière aussi maligne que teigneuse, Rincevent, le mage poissard et maladroit, sont autant de personnages auxquels sont consacrés des romans entiers. Il faut garder à l'esprit qu'entamer une œuvre du disque-monde ne suppose pas que la prochaine traite du même univers de personnages. Qu'importe, à l'image d'une série que l'on aime à retrouver, on se plaît à se demander quel personnage le prochain écrit de Pratchett mettra en scène dans des aventures toujours raccordées avec l'univers qu'il a créé.
4 jeux vidéo respectant l'esprit Pratchett
Un monde aussi riche ne pouvait qu'intéresser un jour le monde du jeu vidéo. Il aura fallu simplement attendre 3 ans après la publication de La Huitième couleur, pour qu'en 1986 Delta 4 et Piranha Games s'associent pour publier un jeu d'aventure textuel baptisé du nom original du roman : The Color of Magic, reprenant les aventures du malchanceux Rincevent, « Maje » de son état.
10 ans plus tard, Pratchett remet un pied dans le monde du pixel avec la sortie du bien nommé Discworld, sorti en 1996. Edité par le défunt Psygnosis, le titre prend alors la forme d'un point'n click mettant toujours en avant Rincevent qui devra faire face à une secte satanique invoquant un dragon, suivant partiellement l'intrigue développée dans le livre “Au Guet !”, premier roman traitant de la police d'Ankh-Morpok. L'aventure sera prétexte à croiser toute une galerie de personnages secondaires issus des romans, tous plus truculents les uns que les autres.
C'est en 1997 qu'a vu le jour l'épisode 2 des aventures de Rincevent, dans un épisode baptisé Mortellement Vôtre, dans lequel La Mort, personnage (masculin) récurrent des oeuvres de Pratchett et très apprécié des fans, décide de quitter son emploi. Les morts ne peuvent donc plus reposer en paix et le mage poissard sera chargé de remettre le bonhomme au boulot. Toujours dans un registre point'n click, Discworld II : Mortellement Vôtre ! est un jeu bourré d'humour qui multiplie les références au cinéma international. Les énigmes quant à elles sont burlesques et assez complexes, mais l'expérience colorée de Rincevent, qui couvre de nombreux clins d'oeil à l'oeuvre de Pratchett, est particulièrement réussie.
Changement de décor 3 ans plus tard avec Discworld Noir. Le jeu nous fait quitter Rincevent mais nous place toujours dans l'immense Ankh-Morpork dans la peau de Lewton, le premier détective privé de la ville, chargé de retrouver l'amant d'une femme voluptueuse, ce qui donnera lieu à une intrigue nettement plus complexe. Pour la première fois, le jeu propose un scénario qui n'est pas inspiré d'un livre, mais Discworld Noir permet tout de même de se frotter à des personnages chers au coeur des fans : Vimaire, Gaspode le chien doué de parole ou encore La Mort croiseront votre chemin.
Un univers foisonnant comme héritage
Discworld Noir sera le dernier jeu issu de l'oeuvre monumentale de Terry Pratchett. De son côté, l'auteur continuera à alimenter ses annales du disque-monde, donnant toujours plus de vie à ce vaste univers déjanté et intelligent. Que vous soyez ou non fan de fantasy, il se pourrait grandement que les livres de l'auteur vous parlent. L'homme avait effectivement une écriture très imagée, facile d'accès, et il faut garder à l'esprit que derrière les frasques burlesques des personnages du disque se cache une critique intelligente, cynique et hilarante du monde contemporain. Et si l'écriture et les histoires s'assombrissent énormément avec le temps, l'humour n'en est que plus acéré.
En outre, ses livres ont été traduits par Patrick Couton, qui s'illustre par l'excellence et la pertinence de sa traduction française. Il a d'ailleurs été récompensé pour l'ensemble de son travail sur les Annales du Disque-Monde. Amis anglophobes, vous n'avez plus aucune excuse pour ne pas vous ruer dessus.
Malheureusement, en 2007, une forme rare de la maladie d'Alzheimer lui a été diagnostiquée. Cela ne sonnera pas le glas de son activité littéraire mais marquera le début de son engagement pour l'euthanasie, toujours interdite en Grande-Bretagne. Il a notamment figuré dans le documentaire Terry Pratchett : Choosing to Die en 2011, qui traite du “suicide assisté” et qui a naturellement suscité une grande controverse.
Un dernier tome des Annales du Disque-monde est paru en 2014 avant que Pratchett ne décide de cesser ses activités, avant de s'éteindre à son domicile le 12 mars 2015 des suites de sa maladie. Il avait 66 ans et nous le regretterons beaucoup. Merci, Sir Terry, pour ces grands moments de lecture.