Path of Exile (PoE), hack'n slash au modèle économique F2P exemplaire, propose comme la tradition l'exige deux modes de jeu bien distincts. Attention, je ne parle pas ici des différentes leagues du jeu, mais simplement de ce qui fait l'une des spécificités du hack'n slash : le Softcore et le Hardcore. Sans avoir la prétention de dire qu'un mode est meilleur que l'autre, je vais tout simplement vous proposer MA vision du Hardcore et, qui sait, j'arriverais peut-être à vous faire entrer dans cet univers où plaisir et douleur ne font qu'un !
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, quand on parle de Hardcore dans un hack'n slach, on ne parle pas de difficulté. Le mode Hardcore n'est techniquement pas plus difficile. Les monstres que vous allez combattre n'ont pas « plus de vie » et ne vont pas vous faire plus de mal. L'unique changement résulte dans « la mort » : elle est douloureuse car définitive. Il n'y a aucun moyen de ressusciter. Votre progression s’achève et vous êtes bon pour recommencer depuis le début si vous souhaitez continuer en Hardcore (contrairement à son concurrent Diablo 3, PoE n'efface pas votre personnage, mais le déplace en ligue Softcore). Recommencer à zéro ? Pas forcément. Votre personnage et l'équipement dont il disposait ne vous sont plus accessibles en Hardcore, mais votre banque reste inchangée. Si vous avez eu le bon réflexe de stocker les pièces d'équipement qui méritent de l'être ainsi que vos gems (la monnaie d’échange du jeu), la progression de vos prochains personnages sera plus rapide.
3, 2, 1, IMPACT !
Une mort définitive a un impact considérable sur le gameplay. Le principal étant que vous ne vous battez plus contre une horde de monstres mais contre la mort elle-même. Une caisse piégée, un affix (capacité passive des montres) non identifié ou une simple inattention vous sera fatal. Impossible de revenir en arrière. C'est pourquoi la survie de votre personnage devient une priorité. Ce qui est le plus intéressant à mon sens. Durant votre montée en niveau, en Softcore, la tendance étant de privilégier les dommages que vous pouvez infliger, le but du hack'n slash reste de faire mal, rapidement, au plus de mobs possible. Le mode Hardcore offre à cela une nuance. Sans survie vous n’irez pas très loin, si bien que le choix entre « plus de dps » ou « plus de survie » se fait cornélien et on se retrouve très souvent à regretter d'avoir placé ce dernier point en dps alors qu'il aurait pu hypothétiquement vous sauver la vie.
Le Hardcore est également pour moi un palliatif à l'ennui. A quoi bon jouer sans plaisir immédiat, surtout si l'avenir en jeu est incertain ! On est aux antipodes des « quêtes journalières », imbuvables et répétitives, que l'on se force à faire pour, un jour, être plus opti. Le Hardcore offre cette garantie de plaisir immédiat : si je n'ai pas envie de jouer et surtout si je ne suis pas dans de bonnes conditions pour le faire, alors je ne joue pas, pour éviter de prendre le risque de tout perdre pour une petite seconde d'inattention.
La face cachée du Hardcore
Mais tout n'est pas rose dans ce monde sans retour. Si on accepte plus ou moins facilement la mort quand elle est causée par un manque de skill ou plus généralement quand on en porte la responsabilité, ce n'est malheureusement pas toujours le cas. C'est d’ailleurs la raison principale qui fait que le Hardcore n'est pas fait pour plaire à tout le monde. Ennemi n°1 du personnage Hardcore : la déconnexion. Sans une connexion irréprochable, le Hardcore devient une perte de temps et surtout de santé mentale. Ennemi n°2 : la désynchronisation. Gros point noir dans les hack'n slash, et PoE n'y déroge pas, la désynchronisation est une faille technique qui vous fait croire que vous êtes à un endroit alors que vous êtes ailleurs.
Concrètement, vous pensez être « safe » alors qu'une horde de sauvageons souille votre dépouille. Pour lutter contre ce problème, il est fortement conseillé d'utiliser régulièrement la commande /oos pour resynchroniser votre jeu. Evitez également au maximum les sorts de déplacement comme les sauts ou tp qui accentuent ce phénomène. Le alt+F4 est par ailleurs fortement conseillé en macro. Ennemi n°3 : l'IRL. Evitez le Hardcore si vous n'êtes pas maître de votre temps de jeu. Si votre conjointe, chat, bébé, petit frère ou que vos parents ont pour habitude de vous interrompre alors que vous affrontez une horde de mécréants peu enclins à vous laisser en vie, le Softcore est certainement plus approprié.
Barbare philosophe rang 2
Regardons le Hardcore sous un angle un peu différent. Pour cela, je vais revêtir mon habit de philosophe de bistrot. Imaginons le Hardcore comme une source de satisfaction, mais également de déception. Inéluctablement, le personnage que vous allez animer est voué à mourir et donc à disparaître. Au-delà du simple goût du risque, cette finalité mortifère ne reflète-t-elle pas un acte masochiste ? « Si la souffrance, si même la douleur a un sens, il faut bien qu’elle fasse plaisir à quelqu’un. Dans cette voie, il n’y a que trois hypothèses possibles. L’hypothèse normale, morale ou sublime ; nos douleurs font plaisir aux dieux qui nous contemplent et nous surveillent. Et deux hypothèses perverses : la douleur fait plaisir à celui qui l’inflige, ou à celui qui la subit. Il est évident que la réponse normale est la plus fantastique et la plus psychotique des trois » Nietzsche. Si nous nous référons aux hypothèses de Nietzsche en les transposant dans notre cas, nous pouvons difficilement accuser le jeu de prendre plaisir à nous tuer. Dès lors que revient la responsabilité de la souffrance au joueur, celui-ci devient à la fois victime et bourreau. « Je suis la plaie et le couteau ! Je suis le soufflet et la joue ! Je suis les membres et la roue, Et la victime et le bourreau ! » Baudelaire.
Malgré la perte d'un bon nombre de mes personnages due au lag (excuse récurrente me direz-vous), je ne conçois plus de me lancer dans un hack'n slash sans passer par la case Hardcore. Le mode est pour moi l'essence même du hack'n slash. Plus stratégique et plus complexe dans ses choix, il faut cependant garder à l'esprit qu'il peut restreindre certaines possibilités de builds. C'est pourquoi je ne me lance pas à l'aveuglette dans le Hardcore et passe, au préalable, un long moment hors jeu à définir un build viable sur papier, comme la création des personnages d'un jeu de rôle, type « Donjon et Dragon ». C'est également un bon moyen pour moi d'augmenter artificiellement la durée de vie du genre, car j'avoue sans honte me lasser « rapidement » du end-game que proposent aujourd'hui les hack'n slash.