Les fêtes de fin d'année battent leur plein, le moment est idéal pour profiter enfin du dernier opus de votre série de jeux de sport favorite, fraîchement débarqué au pied du sapin. C'est en compagnie de votre cousin / copine / meilleur ami que vous allez savourer une longue partie de votre mode de jeu fétiche, une tradition à laquelle vous ne dérogeriez pour rien au monde... à moins qu'un éditeur ne décide subitement de l'enlever de son dernier épisode. Une pratique moins rare que par le passé et qui fait râler les joueurs depuis quelques années.
Les prémices de cette tendance remontent à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Je vous parle évidemment de la sortie de FIFA 98 : En Route pour la Coupe du Monde. Enorme sensation de l'époque, l'épisode proposait un nombre ahurissant d'équipes nationales (vous en connaissez beaucoup des jeux de foot qui permettent de contrôler les îles Tonga ?), accompagnées des équipes des plus grands championnats. Vos matchs pouvaient même se dérouler sous la neige ou dans une salle lors de parties complètement déjantées à 5 contre 5. Un an plus tard, c'est la douche froide pour les amateurs de la série qui découvrent un opus 99 ne comprenant plus qu'une quarantaine d'équipes nationales et abandonnant ses fabuleux matchs en salle. Malgré les qualités évidentes de cet opus, la déception est forte chez les joueurs qui vont attendre FIFA 2000 et son nouveau mode Carrière à trois saisons pour se consoler.
Une pratique qui se généralise
Les matchs en salle ont fait leur retour via une série spin-off nommée FIFA Street, quant à la présence de nombreuses équipes nationales, elle ne concerne que les épisodes consacrés exclusivement à une compétition internationale (Euro ou Coupe du Monde). Ce contenu n'a donc pas disparu de la circulation mais son retrait brutal de la série principale des FIFA n'est pas passé inaperçu, FIFA 98 figurant encore aujourd'hui au panthéon des jeux de football malgré ses 17 bougies. Si la question de l'amputation du contenu est revenue sur le tapis, c'est principalement à cause des nouveaux cas de disparition de modes qui se sont offerts aux joueurs lors du passage aux consoles de nouvelle génération : FIFA 14 et NHL 15 du côté de chez Electronic Arts, mais également NBA 2K14 et WWE 2K15 pour l'éditeur 2K. Déjà surpris par la nouvelle amnésie de la licence de football phare d'Electronic Arts lors de son passage sur nouvelle génération (le même cas s'était produit lors de la sortie de FIFA 07), nous avons contacté l'éditeur afin de connaître les raisons de ce choix. Voici sa réponse :
Chaque fois qu’un FIFA est développé, le studio passe beaucoup de temps à repasser en revue la popularité de tout ce que contient le jeu. Il compare ensuite tout ça aux grosses tendances du jeu vidéo, et aux réalités des ressources de développement. C'est donc pour se consacrer aux modes et aux parties du jeu les plus populaires que, pour la nouvelle génération de consoles sur X1 et PS4, le studio de développement a décidé de ne pas inclure ces modes-là, car il n’a compté qu’un très faible pourcentage de matchs joués dans FIFA 13. Ces ressources et ce budget ont servi à développer d’autres aspects clés du jeu, comme entre autres les stades et leur ambiance, le mode Carrière, et les saisons en ligne. Depuis quelques années maintenant, nous sommes à l’écoute des joueurs et c’est avant tout ces feed-backs qui déterminent le contenu des futures versions du jeu.
Limite de temps et casse-tête créatif
Si l'on ne peut remettre en cause la véracité de ces propos sans preuve, la déclaration reste fort maladroite quand on sait que la plupart des modes concernés n'évoluaient pas depuis des années et n'exigeaient donc a priori qu'un temps de développement très limité. Par exemple, la possibilité de jouer une compétition était passée à la trappe, alors qu'il s'agissait d'un mode simple pouvant se contenter de reprendre les visuels et l'organisation de la mouture développée pour l'épisode précédent. Les raisons de l'abandon de ces modes de jeu pourraient donc se trouver ailleurs. Et si, tout simplement, les développeurs craignaient de sortir un épisode parfait ? L'idée peut sembler farfelue, n'importe quel développeur souhaitant par-dessus tout que son dernier titre soit apprécié et reconnu. Mais dans le cas d'une série à sortie annuelle, ajouter un grand nombre de nouveautés peut s'avérer fructueux à court terme avant de compliquer sérieusement la tâche de l'équipe pour l'épisode suivant. La meilleure solution pour s'éviter un casse-tête créatif serait donc d'encadrer le contenu de chaque épisode pour s'éviter le syndrome de l'opus parfait.
Mais il serait réducteur de réduire le problème à cette question d'évolution d'une série annuelle. Nous l'évoquions précédemment, dans le cas de FIFA, les matchs en salles et les licences des équipes en période de Championnat d'Europe et de Coupe du Monde ont été exploités via deux autres séries prenant la forme de spin-off. Rien ne nous dit qu'en continuant de proposer ces deux éléments dans les opus suivants, Electronic Arts ne se serait pas privé d'étoffer ces contenus. Développer un jeu complet et le livrer chaque année implique un certain coût de développement qui nécessite de faire des concessions. Dans ces conditions, le mode de foot en salle de FIFA 98 n'aurait peut-être jamais changé en l'espace de 16 ans. A l'inverse, en étant confié à une autre équipe qui l'a transformé en titre à part entière, celui-ci a bénéficié d'un soin important et est devenu une série de bonne qualité. Mais pour les joueurs souhaitant à la fois errer sur les pelouses des stades et dans les salles de football, il faut alors mettre la main au portefeuille afin d'acheter deux titres au lieu d'un. Les plus cyniques y verront donc une envie purement mercantile de la part d'Electronic Arts, les autres pourront considérer que la démarche tient plus de la volonté de promouvoir un mode de jeu efficace au rang de jeu à part entière.
Un problème plus profond ?
Tous les modes de jeu n'ont pas vocation à devenir des jeux à part entière. Ce qui n'empêche pas leur disparition pure et simple d'une année à l'autre, comme sur les versions PlayStation 4 et Xbox One de NBA 2K14, pour lesquelles le constat est toutefois différent. En effet, ces disparitions concernent certaines fonctionnalités du mode Carrière comme la possibilité de simuler un match, ainsi que des modes My Crew ou encore Lebron : Un pied dans l'histoire. Soit plusieurs modes qui impliquent un certain temps de développement, et qui ne figurent pas parmi les plus joués de la série et ont de surcroît été remplacés par de nombreuses améliorations de ceux qui restent. Pour d'autres séries, le constat est plus mitigé. On pensera notamment à WWE 2K15 qui a perdu une grande partie de son contenu de création, une fonction qui faisait pourtant la force de la série et qui empiète donc fortement sur la qualité de cet épisode. Mais avec un moteur de jeu flambant neuf pour sa sortie sur nouvelle génération, difficile de blâmer complètement l'éditeur (sur ce point en tout cas) qui devait repartir de zéro pour la création de modèles et d'éléments extérieurs.
Le temps, c'est également ce qui a fait défaut à NHL 15. Combien de fanatiques de hockey sur glace virtuel ont pesté en découvrant que la Draft avait purement et simplement disparu ? Celle-ci a fini par faire son retour moins de deux mois après via une mise à jour, mais la raison de son retour reste encore floue. Qu'il s'agisse d'une réponse aux retours négatifs sur son absence ou d'un ajout tardif lié à un manque de temps pour l'intégrer au jeu de base, le joueur est lésé puisqu'il ne profite pas d'un jeu complet dès son lancement. Problème d'allocation de ressources, bridage volontaire ou autres raisons, ces disparitions de contenus nous renvoient donc directement à une autre problématique des jeux de sport à sortie annuelle : leur manque de renouvellement. Un vaste sujet qui dépasse le cadre de cette réflexion et sur lequel nous ne manquerons pas de revenir dans un prochain édito.
Pour les nostalgiques : L'introduction de FIFA 98 sur le thème de Blur