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Depuis la création en 2009 du site de crowdfunding Kickstarter et la mise en place en 2013 du système d'early access sur Steam, le financement participatif du jeu vidéo vit ses belles heures. Des centaines de projets voient le jour sur les deux plates-formes tous les mois, ce qui montre la grande popularité du système. Cependant, acheter un jeu en se basant uniquement sur ce que veut bien nous dire un développeur idéaliste, n'est-ce pas trop risqué ?
Kickstarter et l'accès anticipé sont les deux outils principaux du financement participatif d'un jeu vidéo. Payer en se basant seulement sur les dires des développeurs, bonne ou mauvaise idée ?
Le principe
Le financement participatif est, dans son principe, complètement révolutionnaire, et correspond tout à fait au côté unique d'Internet en tant que moyen de communication. Plutôt que de se tourner systématiquement vers les gros éditeurs, en limitant ainsi leur marge de manoeuvre, les développeurs peuvent grâce à ce système s'adresser directement aux joueurs, en leur demandant de "parier" sur leur projet en le finançant, en échange d'avantages divers et variés (une copie du jeu à sa sortie, le nom du joueur inclus dans le jeu, une visite du studio...). Les deux principaux avantages sont donc bien de permettre aux petits développeurs manquant de visibilité et de moyens de financer un projet ambitieux, et de donner une plus grande liberté aux studios disposant déjà d'une bonne réputation, qui peuvent alors se passer de recourir à un éditeur.
Certains résultats impressionnants...
La théorie, c'est très bien, mais qu'en est-il de la pratique ? Le premier mot qui devrait venir en tête de tout joueur s'intéressant au modèle devrait être "Minecraft". On peut en fait considérer Minecraft comme l'une des grosses réussites de learly access, et ce quoi que l'on pense de la qualité du jeu par ailleurs. Le projet, débuté en 2009 et proposant d'acheter le produit dans sa version Alpha en pariant sur son avenir, a beaucoup contribué à donner ses lettres de noblesse au financement participatif quand des millions de joueurs ont assisté à sa sortie officielle en 2011, prouvant ainsi qu'un early access réussi permet véritablement de produire un jeu complet et répondant aux attentes des joueurs. Il ne s'agit bien évidemment pas de l'unique exemple de financement participatif, il en représente certainement le succès le plus ancré dans les mémoires.
... et d'autres plus mitigés
Si l'on sait donc que le crowdfunding peut permettre à certains projets de s'accomplir, il reste alors à savoir s'il ne s'agit pas d'une simple exception. Sans aller jusqu'à cette extrémité, force est de constater que le financement participatif n'est pas un remède miracle, qui permet à tous les projets de se réaliser. Ici, l'exemple le plus frappant est probablement DayZ. Ce jeu, en partant d'un simple mod de Arma II, a vite convaincu les joueurs par ses idées originales et son projet ambitieux, tant et si bien qu'il a pu obtenir son indépendance et devenir un véritable stand-alone. Cependant, depuis sa sortie il y a un an de cela, certains joueurs ont l'impression que l'équipe a tout simplement déserté le jeu une fois celui-ci vendu à des millions d'exemplaires. Rempli de bugs et amputé d'une énorme partie du contenu promis, le projet a suscité beaucoup de déception.
Le crowdfunding, un danger pour les joueurs ?
On peut alors se demander si avec le financement participatif n'est pas née une toute nouvelle forme d'arnaque, reposant sur les espoirs des joueurs à qui l'on promet des fonctionnalités trop ambitieuses pour être réellement mises en place, afin de leur soutirer de l'argent. Sans aller jusqu'à ce constat alarmiste, on se rend vite compte des faiblesses du système. Selon Patrick Walker, dirigeant d'un organisme de statistiques sur les jeux vidéo, seulement 25% des projets financés par l'accès anticipé de Steam ont véritablement vu le jour. Si l'on peut excuser cette faible proportion par la relative jeunesse du système, cette statistique donne tout de même à réfléchir. De plus, le modèle du financement participatif permet aux développeurs de se donner une énorme marge de manoeuvre vis-à-vis des joueurs, en usant et abusant de l'argument du "notre jeu est toujours en développement, donnez-nous un peu plus de temps". Sur les différents forums de jeux vidéo, on rencontre d'ailleurs souvent des joueurs nous assurant que "le jeu n'est qu'en bêta, il deviendra génial dans quelques mois".
Un constat à relativiser
Cependant, malgré certains constats inquiétants, nous ne devons pas céder à la tentation de mettre tous les oeufs dans le même panier. Le financement participatif, en effet, reste un formidable outil pour les développeurs indépendants ayant toutes les compétences et les idées pour réaliser un bon jeu mais manquant simplement de budget. De l'avis de l'auteur, la meilleure attitude à adopter face au crowdfunding est la "méfiance bienveillante" : ne pas céder aux sirènes du système et obtenir le maximum de renseignements sur un projet qui nous intéresse avant d'y investir de l'argent. En s'en tenant à ce comportement et en ne finançant que les projets qui paraissent à la fois sûrs et intéressants, les risques devraient être considérablement réduits.
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