La Paris Games Week a accueilli, comme le veut la tradition maintenant, l’organisation e-sport de l’ESWC avec son lot de jeux et ses titres de champions du monde. Il faut dire que ces compétitions accueillent des joueurs de tous les horizons, y compris des pays que nous n’avons guère l’occasion de voir d’ordinaire. Cette année, c’est pourtant un tout autre élément qui a grandement fait parler à cette ESWC.
Alors qu’il n’y en avait que pour Call of Duty en 2013, la version 2014 fut sans aucun doute celle de Just Dance, même si Counter-Strike s’est avéré être le roi du salon. La présence du jeu de danse de l’éditeur Ubisoft a beaucoup fait parler, le plaçant comme la curiosité, la faille dans la matrice. Critiqué par beaucoup, intriguant les autres, Just Dance a fièrement tenu son rôle et est apparu finalement comme bien plus convaincant qu’on ne pouvait l’imaginer.
Il est temps de faire un petit retour sur la folle aventure Just Dance de la Paris Games Week. A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre du responsable de ce projet e-sport : Jean-Baptiste Pennes, Senior eSport Manager chez Ubisoft.
Just Dance e-sport, l’objectif
Ubisoft n’est pas à son premier coup d’essai dans le domaine du sport électronique. Passionné, Jean-Baptiste Pennes avait déjà tenté l’expérience avec Assassin’s Creed, Trial ou Splinter Cell, alors que le jeu de cartes Duel of Champions est toujours là.
Pour lui, l’objectif était avant tout dans le fait « d’habituer Ubisoft à l’e-sport ». Just Dance apparaît donc comme l’étape suivante, plus ambitieuse. « L’idée est d’intégrer Ubisoft dans l’univers de l’e-sport tout en respectant l’ADN de notre société et sans dénaturer le jeu. »
Rejet et perplexité
Il est inutile de cacher l’évidence : dans le milieu de l’e-sport, l’annonce d’une compétition Just Dance à l’ESWC 2014 faisait grincer des dents ou rire. On y voyait aussi l’opportunisme de vouloir surfer sur la tendance sport électronique. La forte présence du titre sur la grande scène n’a guère adouci les cœurs.
Les premiers pas de danse ont suscité une grande perplexité : jury comme à la télévision, public qui participe au show, compétiteurs essentiellement masculins, ambiance chaleureuse et détendue. Nous sommes loin de l’e-sport traditionnel, et c’est le but.
L’e-sport autrement
Après une semaine de compétition, il est évident que ce tournoi n’avait rien de semblable avec les autres présents à l’ESWC. Il a attiré un autre public et a montré un nouveau visage de l’e-sport. Cela atteste la volonté d’Ubisoft de ne pas vouloir attraper le train en route et ajouter Just Dance aux classiques du sport électronique.
Il ne s’adresse tout simplement pas aux puristes et c’est là toute sa force. « Il y a une forte offre pour les core gamers mais aucun des titres e-sport ne peut être compris par un néophyte. Just Dance est une compétition que ma grand-mère peut tout à fait comprendre. Elle est proche de la télé-réalité, avec un jury, des règles simples, une interaction avec le public. C’est un format d’une grande accessibilité. C’est aussi quelque chose de très rafraîchissant, décontracté, très friendly, décomplexant, avec un public qui se lève et danse. En un mot : c’est différent. Cette compétition ne vise donc pas à prendre la place des jeux bien connus, mais elle vise à apporter quelque chose de nouveau. Elle contribue à ouvrir l’e-sport au grand public. »
Cette large ouverture ne plaît pas forcément aux puristes, qui voient le nom de l’e-sport attaché à un genre nouveau, en rupture totale avec ce que nous connaissons. Ce n’est pas un souci pour Jean-Baptiste Pennes : « Ce n’est pas le public visé et je comprends que cela puisse gêner. Les exigences des amoureux du sport électronique nous poussent à bien faire. Nous sommes là pour participer à l’effort de masse, dont le but est de tirer l’e-sport vers le haut, qu’il ne soit plus une niche, mais un genre reconnu et soutenu par un grand nombre. Nous ne voulions pas créer de MOBA pour faire de l’e-sport, nous voulions garder ce que l’on sait faire. »
Que le meilleur gagne ?
Que Just Dance intègre l’e-sport différemment, cela ne fait aucun doute, mais pour être considéré comme tel, il faut que le jeu offre des garanties concernant ses mécanismes, s’avère rigoureux : le meilleur doit gagner, les règles doivent être inflexibles et le jeu capable d’une grande précision. C’était une des inquiétudes avant la Paris Games Week : l’idée de résultats aléatoires, de joueurs invités à la légère. Nous avons été rassurés.
Les participants se sont qualifiés par le biais du multi et sont les meilleurs d’une communauté internationale très fournie. Ubisoft les a fait venir du monde entier, du Brésil à l’Europe, en passant par l’Australie. Il ne s’agissait donc nullement d’un tournoi d’exhibition, mais bien d’un affrontement de la crème du jeu.
Pour l’aspect technique, il s’avère que l’utilisation de la Xbox One (avec son capteur prenant en compte l’intégralité du corps) a permis d’atteindre une grande précision dans le calcul des points entre les deux joueurs. Certains pointeront néanmoins du doigt le choix d’un jury et du vote du public, très subjectif.
Une promotion inattendue
Si cette compétition n’a pas convaincu tous les sceptiques, elle a réussi l’essentiel : plaire à un public nouveau et se faire accepter aux côtés des géants du sport électronique.
Il n’y a pas eu de fausses notes dans l’organisation et Just Dance a contribué au succès de l’ESWC 2014, pouvant ainsi séduire d’autres événements, comme la MLG ou la DreamHack. Sa présence apporte une plus grande diversité au programme, ce qui ne peut pas être négatif.
C’est donc un pari réussi pour Jean-Baptiste Pennes et son équipe.
Cerise sur le gâteau, et non des moindres : le jeu vidéo n’a jamais fait autant parler de lui lors d’une Paris Games Week. La curiosité de ce tournoi a attiré de nombreux médias, comme M6 ou la chaîne anglaise BBC. Il est donc difficile d’imaginer que l’initiative restera sans lendemain ou ne donnera pas d’idées à d’autres éditeurs.