Early access, accès anticipé, alphafunding, des termes encore peu utilisés il y a quelques années mais qui envahissent aujourd'hui la plupart des plates-formes de distribution ou de financement de jeux sur PC. Desura, Humble Bundle Store, Kickstarter, Steam, tous mettent en avant la possibilité d'acheter en avance un titre pour y jouer au plus tôt et participer à son développement. Depuis l’ouverture des accès anticipés sur Steam en mars 2013, les développeurs sont de plus en plus nombreux à emprunter cette nouvelle voie de financement. Le succès retentissant de DayZ (1 million de copies vendues sur Steam), de Rust (500.000 copies) ou de Minecraft est révélateur de ce phénomène grandissant. Alors que de nombreux joueurs sont plutôt ravis de pouvoir jouer en avance tout en apportant leurs retours aux développeurs, d'autres regardent cette tendance d'un œil méfiant. Tentons d'analyser la situation.
Early access, une bénédiction pour les développeurs ?
Pour les développeurs, l’early access représente une opportunité en or de commencer à générer des revenus pendant le développement d’un jeu. Une situation impensable il y a encore quelques années. Historiquement, c'est chez les indépendants qu'est née cette tendance. On rappelle que, bien souvent chez les indés, ce sont les fonds personnels des développeurs qui sont utilisés pour la création d'un jeu. Or commencer à récolter l'argent des joueurs au plus tôt représente un bon moyen d'éviter d’aller dans le mur durant la phase coûteuse du développement. La mise à disposition en avance leur permet aussi de trouver un bassin de testeurs bien difficile à recruter via les méthodes traditionnelles dans ce secteur. Même si les indépendants représentent encore une bonne part des early access disponibles, de gros studios commencent à s'intéresser au modèle comme Ubisoft avec The Mighty Quest for Epic Loot.
Payer pour s’impliquer ou payer pour jouer plus tôt ?
Le problème reste de savoir à quel moment proposer une version jouable à la communauté. Trop tôt, les nombreux bugs risqueraient de décourager le public ; trop tard, le manque à gagner serait évident et le joueur pourrait perdre cette sensation de pionnier si importante au modèle. La balance semble néanmoins pencher du côté de la sortie de versions alpha encore très buggées bardées de disclaimer et de messages informant des éventuels problèmes. Ironie dans l’histoire, ce n’est pas parce qu’un jeu annonce la couleur de son état peu avancé de développement que les joueurs le boudent pour autant. C’est le cas en ce moment pour DayZ qui précise en toutes lettres sur la page d’achat Steam de son early access :
Attention : ce jeu est une version alpha en accès anticipé. Nous vous conseillons fortement de ne pas acheter et jouer au jeu à ce stade à moins d’avoir parfaitement compris ce qu’early access signifie et que vous souhaitiez participer activement à son développement.
Bien loin de faire fuir l’acheteur, ce message a avant tout intrigué et poussé de nombreuses personnes à tenter l’aventure. Mais derrière les jolis messages de partage de la communauté et d’implication dans le développement, combien de joueurs s’y impliquent au point de faire régulièrement des retours aux développeurs ? Combien l’ont acheté juste pour pouvoir y jouer en avance après avoir baroudé sur la première version ? Au final, si le nombre de joueurs impliqués doit être suffisant pour assurer le feedback, une grande partie de la communauté a sauté le pas de l’early access dans le but de jouer, tout simplement.
Les risques du système
Contrairement aux alpha-testeurs classiques triés sur le volet, ici les portes sont ouvertes à condition de payer le ticket d’entrée. Et à 30 ou 40 € le sésame, il faut accorder une grande confiance aux créateurs pour se lancer dans un jeu encore en stade de développement. Or, les deux derniers early access à succès, Rust et DayZ, bénéficient tous deux d’un passif plutôt glorieux. Le succès de Rust repose sur celui du Garry’s Mod, un logiciel bien connu des PCistes servant à manipuler le moteur Source. Celui de DayZ se base sur celui d’Arma II déjà très populaire auprès des joueurs adeptes de survie. Le problème soulevé ici est l’image que cette pratique peut renvoyer au grand public. La multiplication des accès anticipés (plus de 110 actuellement sur Steam) ne tendrait-elle pas à normaliser le modèle économique du jeu non terminé ?
Lorsque l’on se penche un peu sur les critiques habituelles des joueurs, l’argument récurent est le suivant : “Je ne payerai pas pour un produit pas fini”. Une position plutôt compréhensible puisqu’il n’existe aucune garantie derrière le modèle. Le jeu sortira-t-il un jour ? Dans quel état ? Et si son gameplay change au point de ne plus me convenir, puis-je récupérer mon argent ? Payer pour un early access ne doit pas être considéré comme un achat classique, mais comme un investissement sur le futur avec tout ce que cela implique comme part de risques. Un autre écueil réside dans la confusion que cette pratique peut engendrer sur les plates-formes de distribution à l’heure où les titres en accès anticipé se mêlent aux autres jeux terminés. A l'utilisateur de rester vigilant pour éviter d'acheter un jeu qu'il imagine bouclé. Enfin pour terminer, j'aimerais soulever une nouvelle interrogation pour le futur. Ne risque-t-on pas de voir disparaître le modèle classique des alpha / bêta gratuites pour les jeux à venir ? Pourquoi les studios persisteraient-ils à inviter gratuitement des flots d'utilisateurs pour faire le même "travail" que les early-founders puisqu'il est aujourd'hui presque normal de payer pour servir de testeurs ? Réponse dans les mois ou années à venir.
Et vous, quel est votre avis sur ce système ? Avez-vous déjà acheté un jeu en early access ? Les commentaires seront l'occasion de débattre ensemble de cette tendance grandissante du jeu vidéo sur PC.