Aaah, Les Chevaliers de Baphomet... Cette saga mythique du genre aventure / point and click a accueilli son cinquième volet il y a quelques semaines. Intitulé La Malédiction du Serpent - Episode 1, il met en scène George et Nico, bien connus des fans de la série.
A travers cette interview exclusive, Charles Cecil, à l'origine de la licence, revient sur son choix de découper l'aventure en deux et nous révèle quelques détails sur le prochain opus.
jeuxvideo.com > Les nouvelles aventures de George et Nico s’étaleront sur deux épisodes. Les joueurs devront donc patienter jusqu'à janvier prochain pour profiter de la seconde partie. Pouvez-vous nous dire ce qui a motivé un tel choix ?
Charles Cecil : Lorsque j'ai commencé à réfléchir à un nouveau volet des Chevaliers de Baphomet début 2012, j'avais prévu de créer deux jeux de moindre envergure – de toute façon, nous n'avions pas les moyens de produire un gros jeu. Grâce au succès de la campagne Kickstarter, j'ai décidé de fusionner les deux projets pour proposer un jeu plus riche et ambitieux.
Bien évidemment, nos contributeurs ont tenu à connaître la date de sortie et je me suis engagé à le terminer pour les fêtes de Noël. Néanmoins, il y a deux mois, nous nous sommes rendu compte que cette échéance nuirait à la qualité du jeu ; nous avons donc choisi de le découper en deux épisodes. Le premier se boucle en 7-8 heures, j’ai donc pu réaliser quelque chose qui me tenait à cœur depuis longtemps : développer des jeux qui peuvent se terminer en un week-end. D'une manière générale, cela a été bien accueilli par les joueurs et j'en suis ravi, bien que certaines personnes soient frustrées de ne pas profiter de l'intégralité du jeu tout de suite !
jeuxvideo.com > Après un passage à la 3D avec les 3ème et 4ème opus des Chevaliers de Baphomet, la saga revient à ses premières amours. Les personnages sont toujours en 3D mais les environnements jouissent de graphismes 2D du plus bel effet. Pourquoi un tel choix ?
Charles Cecil : L'aspect point and click 2D sur PC des deux premiers épisodes était un choix complètement assumé. Nous avons également développé une version PlayStation permettant de jouer à la souris (ou d'utiliser la manette pour émuler le point'n click). Mais avec le succès de la PlayStation à la fin des années 1990, les revendeurs se sont mis à capitaliser sur les jeux consoles, au détriment des jeux PC ; les éditeurs se sont donc concentrés sur ce marché, persuadés que les joueurs voulaient jouer à des jeux instinctifs et en 3D. Pendant des années, éditeurs et revendeurs ont considéré que le marché PC était mort !
Pour obtenir le financement des éditeurs, nous n'avions d'autre choix que de concevoir des contrôles à la manette pour les différentes consoles. J'ai estimé qu'un système de contrôle direct était indissociable d’un environnement entièrement en 3D – d'où notre passage à la 3D.
A l’origine, La Malédiction du Serpent a été conçu comme un point and click / slide and tap ; d’une certaine manière, il s’agit d’un retour aux sources. Nous avons donc décidé de pousser le concept jusqu'au bout en engageant des artistes talentueux chargés de dessiner les environnements à la main et de donner aux personnages un aspect 2D (dans la mesure du possible). Je pense que bon nombre de joueurs préfèrent la 2D car les graphismes paraissent plus épurés. Dans toute aventure, les environnements jouent un rôle primordial (dans les dessins animés, ils renforcent clairement l'animation) car ils recèlent de nombreux indices. Des graphismes 2D sont donc parfaitement adaptés à ce type de gameplay.
jeuxvideo.com > Les raisons du succès de la licence Les Chevaliers de Baphomet sont multiples ; l'une d'entre elles étant le fait d'évoluer dans des décors exotiques. A part en France, en Grande-Bretagne et en Espagne, le joueur voyage peu dans La Malédiction du Serpent - Episode 1. Peut-on s'attendre à des environnements plus atypiques dans le prochain opus ?
Charles Cecil : On en vient à l'un des inconvénients d’avoir découpé le jeu en deux épisodes : les lieux les plus importants, qui se situent en dehors de l'Europe, ne seront explorés que dans la seconde partie. Pour vous donner un indice, j'ai visité le site de Gobekli Tepe à la fin de l'année dernière, lorsque j'ai décidé de donner plus de poids à la narration.
jeuxvideo.com > L'épisode 1 s’apparente à une enquête policière classique et joue moins sur les mystères occultes qui pimentent généralement la série. L'épisode 2 développera-t-il un peu plus l'intrigue gnostique ?
Charles Cecil : C'est l'autre inconvénient d’un jeu en deux parties : on s’est d’abord concentré sur la mise en place de l'intrigue. Les révélations concernant la secte gnostique viendront plus tard. J'espère que cela intéressera les joueurs autant que moi !
jeuxvideo.com > Le jeu fourmille de clins d'œil aux précédents épisodes. En fait, l'humour semble omniprésent dans ce premier opus. La suite conservera-t-elle ce ton ou l'histoire prendra-t-elle un tour plus sérieux ?
Charles Cecil : En effet, l'humour fait partie intégrante des Chevaliers de Baphomet mais l'épisode 2, même s'il conservera une part humoristique, adoptera un ton plus sérieux.
jeuxvideo.com > Bon nombre de joueurs ont trouvé les énigmes un peu trop faciles dans ce premier épisode. Est-ce lié au fait que l'histoire s'avère plus terre à terre ? Peut-on s'attendre à un défi plus relevé dans le prochain épisode ?
Charles Cecil : Nous avons reçu un nombre relativement important de retours concernant la facilité des énigmes. Je me demande si une partie de ces joueurs n'a pas utilisé les astuces ! La difficulté augmente à mesure que l'histoire progresse. Promis, dans l'épisode 2, les énigmes solliciteront grandement votre matière grise.
jeuxvideo.com > Certains ont également évoqué la vitesse de George, ou plutôt le manque de vitesse de ses déplacements. Une solution sera-t-elle apportée dans l'épisode 2 ? L’équipe a-t-elle corrigé d'autres aspects du jeu en vue du prochain épisode ? Par exemple, des points spécifiques relevés par les joueurs...
Charles Cecil : J'ai effectivement lu plusieurs commentaires sur la vitesse de George. J'ai l'intention de passer en revue l'intégralité du premier épisode pendant les fêtes de Noël, en tenant compte du retour des joueurs, et de mettre à jour certains éléments, dans la mesure du possible. Évidemment, nous devons nous concentrer sur les éléments considérés comme importants par le plus grand nombre.
Nous avons lancé une version bêta une semaine avant la sortie et les commentaires des participants se sont révélés extrêmement pertinents – nous avons d'ailleurs corrigé divers problèmes grâce à eux. Nous accordons énormément de valeur au retour de nos joueurs.
jeuxvideo.com > La fin de La Malédiction du Serpent permettra-t-elle d’envisager une suite ?
Charles Cecil : Non – chaque jeu est construit autour d'une histoire complète. Comme je l'ai dit précédemment, j'avais prévu de développer deux jeux – le premier comportant évidemment une fin ouverte. Je compare parfois la structure du jeu à un album de Tintin : chaque volume est autonome et fait intervenir des personnages récurrents qui ne vieillissent jamais !
jeuxvideo.com > Si le succès est au rendez-vous, songez-vous à développer une nouvelle aventure mettant en scène George et Nico ? Avez-vous déjà en tête des mythes ou des légendes que vous souhaitez explorer avec ces personnages ?
Charles Cecil : Chaque fois que nous développons un nouveau volet des Chevaliers de Baphomet, nous espérons qu'il obtiendra les faveurs de notre public. Si tel est le cas, nous en développons un autre. Mais je ne pars jamais du principe que tous nos jeux plaisent à nos fans.
Il est clair qu'il reste de nombreux mythes et légendes merveilleux à explorer mais je me dois de rester prudent. Les Chevaliers de Baphomet et Indiana Jones exploitent des thèmes similaires. Dans le tout premier opus, nous avons révélé tous les secrets des Templiers au grand public (ce qui a également été le cas dans Indiana Jones et La Dernière Croisade). La mythologie sud-américaine était l'élément central du deuxième volet (ce sujet a été traité dans le très controversé Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal). L'Arche d'alliance était au cœur des Chevaliers de Baphomet 4, ce qui était également le cas dans l'excellent Les Aventuriers de l'Arche perdue. On peut donc craindre que peu de légendes s'adaptent parfaitement à un jeu ou à un film d'aventures.
La structure même du studio Revolution présente un avantage majeur : l'équipe est principalement composée de freelances. La charge de travail diminue donc de manière significative en fin de projet, ce qui nous laisse le temps de préparer la suite. Auparavant, j'aurais été obligé de faire une présentation du prochain projet aux éditeurs, dans l'espoir qu'il puisse être traité au moment où l'équipe serait disponible. A présent, je peux presque entièrement me consacrer au projet actuel !
jeuxvideo.com > En tant que créateur de jeux, qu'est-ce qui vous enthousiasme le plus ? Développer un tout nouveau jeu, avec des personnages entièrement inédits ou construire une histoire autour de protagonistes déjà connus et chers à votre cœur ?
Charles Cecil : Chaque nouveau jeu apporte son lot de nouveaux personnages, chacun disposant de sa propre histoire et de ses propres motivations. L’intégration de héros récurrents me permet bien évidemment de me concentrer sur les personnages secondaires.
Cela étant dit, je sens qu'il est grand temps pour moi de créer un tout nouveau jeu, j'ai de nombreuses idées à creuser.
jeuxvideo.com > La Malédiction du Serpent a été financé par Kickstarter. Quelles ont été les conséquences (le cas échéant) sur le développement du jeu ?
Charles Cecil : Grâce à Kickstarter, nous avons bénéficié des retours des fans tout au long du développement du jeu. Et ce, dès le début de la campagne. Lorsque nous avons diffusé la première vidéo Kickstarter, plusieurs personnes nous ont fait part d’un problème concernant la mâchoire de George et nous ont indiqué que les personnages étaient mal intégrés aux environnements. Ces retours nous ont été extrêmement utiles. Nous avons remodélisé le visage de George et développé une nouvelle technologie pour générer des ombres et un cercle lumineux autour des personnages. Nous avons tenu compte des commentaires des joueurs à chaque étape du développement du jeu, notamment pendant la bêta, comme je l'ai indiqué précédemment.
jeuxvideo.com > Pensez-vous que Kickstarter soit un outil d'avenir pour les développeurs de jeux vidéo ?
Charles Cecil : La méthode de financement participatif est tout simplement révolutionnaire. Il n'y a pas si longtemps, nous devions investir d'importantes sommes d'argent pour mener des études de marché et sonder nos fans. A présent, nous pouvons communiquer directement avec notre public, ce qui est un véritable privilège. Tout cela est très positif pour nous car cette méthode permet de démocratiser le financement. Il en est de même pour les fans qui ont ainsi la possibilité de choisir les titres dans lesquels ils souhaitent investir.
Néanmoins, l'époque du “Payez pour ce projet et nous le réaliserons” est révolue. Les joueurs se montrent plus prudents quant aux jeux qu'ils soutiennent. Le financement participatif est en pleine évolution : même les investisseurs en capital-risque se servent de cette méthode pour évaluer l'intérêt suscité par un projet donné, avant de fournir le complément requis.
La campagne Kickstarter a couvert 40 % du budget de développement, ce qui nous a permis de lever des fonds au moment critique, où seul un éditeur aurait éventuellement accepté de financer notre projet.
Pour résumer, Kickstarter est une excellente méthode de financement pour les développeurs et permet d'établir une relation privilégiée avec le public cible.