Il y a quelques semaines, Jane Jensen annonçait la création de son nouveau studio, Pinkerton Road. Grâce au site Kickstarter.com, l'auteure bien connue des joueurs de jeux d'aventure (Gabriel Knight, Gray Matter, Police Quest 3 et bien d'autres) souhaite poursuivre sa passion en impliquant les joueurs dans le financement de ses nouvelles productions. Plutôt que de demander aux fans de financer un seul jeu, Jane Jensen souhaite mettre sur pied un nouveau modèle économique selon lequel les joueurs s'acquitteraient d'une souscription annuelle leur permettant de recevoir un ou plusieurs titres issus du studio. Avant de pouvoir faire le bilan sur cette nouvelle initiative, Jane Jensen a eu l'amabilité de répondre à quelques-unes de nos questions concernant le fonctionnement de Pinkerton Road, mais aussi le développement de Moebius, le premier jeu mis en production, ainsi que l'avenir de son héros fétiche, Gabriel Knight.

jeuxvideo.com > Vous venez de fonder le studio Pinkerton Road avec votre mari Robert Holmes et votre appel à contribution via le site Kickstarter.com a été présenté par votre fille, Raleigh. Le fait de travailler en famille change-t-il vos rapports avec l'industrie du jeu vidéo ?

Jane Jensen : J'ai l'impression d'avoir toujours travaillé avec Robert d'une manière ou d'une autre sur mes jeux, donc cela ne semble pas très différent aujourd'hui. En même temps, maintenant que nous avons notre propre studio pour travailler ensemble, sans oublier la présence de Raleigh aussi, tout est nouveau et unique. Chaque jour, je suis reconnaissante d'avoir une famille si créative et talentueuse. Nous verrons bien combien de proximité familiale nous parviendrons à supporter, tiens !

jeuxvideo.com > Créer votre propre studio, puis financer vos prochaines productions via le site Kickstarter.com, était-ce une façon pour vous de vous affranchir des contraintes des éditeurs et de pouvoir écrire et créer ce dont vous aviez envie ?

Jane Jensen : C'est clairement la liberté de faire des jeux d'aventure puisqu'il est difficile, voire impossible, de trouver le financement pour eux à travers les gros éditeurs. Concernant l'écriture et la possibilité de créer ce que je veux, il faut voir aussi l'autre aspect de la chose, qui est de travailler avec les fans. Ces derniers ont, eux aussi, des idées bien précises de ce qu'ils veulent. Ceci dit, je pense qu'aujourd'hui, ce que les fans veulent et ce que je veux correspond à peu près à la même chose !

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Dans votre appel à contribution sur le site kickstarter.com, Robert Holmes compare votre démarche au CSA (Community-Supported Agriculture). Pensez-vous que le modèle économique contributif soit une solution d'avenir pour la pérennité des petits studios indépendants ?

Jane Jensen : Je trouve qu'il s'agit d'une nouvelle option fantastique qui ouvre bien des portes qui avaient été fermées. Mais ce n'est pas facile, et cette méthode ne correspond probablement pas à tout le monde. Le financement par les joueurs aide grandement si vous avez déjà un nom ou une marque connue.

jeuxvideo.com > Quel avis avez-vous sur le jeu d'aventure en point'n click actuel, que l'on dit mourant depuis fort longtemps, mais qui n'a finalement jamais cessé de passionner une catégorie de joueurs qui lui reste très attachés ?

Jane Jensen : On dit que le jeu d'aventure est mourant depuis à peu près 1998 mais je pense que nous pouvons au moins affirmer qu'il a, depuis, ressuscité. C'est très simple, il s'agit d'un genre ou d'une catégorie de jeux, au même titre que les shooters ou les puzzle-games ou les jeux de rôle. Les jeux d'aventure ne sont peut-être pas la tasse de thé de tout le monde mais ce constat est valable pour n'importe quelle catégorie de jeux vidéo. Je suis ravie de voir que ces jeux d'aventure sont faits parce que nous avions profondément besoin de diversité dans ce que produit l'industrie, qui a tendance à développer les mêmes genres de jeux encore et encore.

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Pouvez-vous nous parler du premier jeu de Pinkerton Road, Moebius, choisi par les contributeurs parmi vos différents projets ?

Jane Jensen : Il s'agira d'un jeu d'aventure à la troisième personne. C'est un thriller métaphysique, proche de mon livre Dante's Equation, ou des jeux Gray Matter ou Gabriel Knight. Dans Moebius, le héros est un antiquaire qui voyage à travers le monde à la recherche d'artefacts incroyables. Il prépare ensuite des dossiers historiques sur chacun d'eux et les revend dans son unique boutique à Manhattan. Il est embauché par un milliardaire pour documenter et enquêter sur une série de cas – le premier est le meurtre d'une jolie jeune femme à Venise. Ces cas sont tous connectés d'une façon ou d'une autre et ont tous quelque chose à voir avec une certaine façon de voir le monde et l'histoire. En tant que héros, vous devez comprendre ce qui se passe exactement.

jeuxvideo.com > Le travail sur Moebius a-t-il déjà commencé ? Quand pourrons-nous voir les premiers éléments du jeu ?

Jane Jensen : Nous commençons à peine en ce moment. Nous devrions avoir une démo d'ici la fin de l'automne. Mais ceux qui rejoignent notre CSG auront accès à des vidéos chaque mois pour voir les progrès et suivre le développement d'un bout à l'autre. Rendez-vous sur notre page Kickstarter pour plus de détails à ce sujet !

jeuxvideo.com > Pinkerton Road Studios semble être une équipe assez petite. Recevrez-vous l'aide d'autres studios pour développer vos jeux ?

Jane Jensen : Oui, dans un premier temps, nous créerons nos jeux en collaborant avec des équipes de développement externes. C'est ainsi que nous avons créé tous les jeux chez Oberon, la précédente compagnie dans laquelle je me trouvais. Par chance, il y a quelques équipes en Europe de l'Est avec lesquelles j'ai déjà travaillé dans le passé pour produire ou éditer des jeux. Je sais qu'elles feront un excellent travail. Je travaille avec elles quotidiennement par Skype, e-mail et conférence vidéo.

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Une bonne communication entre un studio et les joueurs a toujours été souhaitée et appréciée d'un côté comme de l'autre. En fait, c'est exactement ce que le financement par les joueurs semble viser : un échange constant entre les faiseurs de jeux et les joueurs. Ceci étant dit, la récente affaire de la fin de Mass Effect 3 pose la question de savoir qui a le dernier mot sur un jeu. Puisque vos titres seront financés par les joueurs eux-mêmes, sentez-vous une pression supplémentaire pour les satisfaire et créer l'exact jeu auquel ils souhaitent jouer ? Seriez-vous prête à revenir sur un jeu déjà terminé pour modifier un élément suivant les retours des joueurs ?

Jane Jensen : Effectivement, je pense qu'il y aura une pression mais aussi un apport supplémentaire de la part de nos membres CSG. Mais c'est quelque chose que nous avons délibérément poursuivi dans nos campagnes Kickstarter et CSG. Je veux que les fans soient très impliqués dans le studio et sentent qu'ils en font partie. En tant que designer, j'ai appris au fil des années à accorder beaucoup d'importance à la manière dont les gens jouent à mes jeux et à recevoir tous les retours. Parce qu'il est impossible, pour une personne, de tout anticiper. D'un autre côté, je suis certaine qu'il y aura des fois où j'aurai une forte opinion à propos de quelque chose et nous ne changerons, alors, pas de direction. Vous savez, c'est une chose de recevoir une critique venant d'une centaine de personnes, mais c'en est une autre de la recevoir venant d'une personne bornée. Ce sera intéressant de voir comment ce modèle bougera dans l'année à venir.

jeuxvideo.com > Une seule et même question hante les nombreux fans de Gabriel Knight, dont nous faisons partie : Pouvons-nous espérer un nouvel opus des aventures du Shattenjager et avez-vous déjà une histoire en tête ?

Jane Jensen : Oui, je pense qu'il y a une bonne chance de le voir venir un jour grâce à Pinkerton Road. Et j'ai bien une histoire en tête pour Gabriel Knight 4, mais je ne peux pas la dévoiler !

jeuxvideo.com > Les remakes semblent être la nouvelle mode. Est-ce quelque chose qui vous intéresse ? Aimeriez-vous voir vos jeux refaits pour les plates-formes actuelles ? Si oui, quel jeu choisiriez-vous en priorité ?

Jane Jensen : Oui ! Je suis intéressée par les remakes et les adaptations ! Par exemple, j'aimerais voir Gray Matter sur iPad. Mais le premier titre que je choisirais pour un remake serait Gabriel Knight 1. Ce serait tellement fun de travailler là-dessus.

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Est-ce justement une option pour Pinkerton Road ? En fait, pourquoi ne pas avoir annoncé en premier lieu un remake de Gabriel Knight 1 pour promouvoir la campagne Kickstarter, à l'instar de ce qu'Al Lowe fait avec Leisure Suit Larry ? Ne pensez-vous pas que cela aurait eu un plus grand impact chez vos fans et aurait probablement boosté les contributions ?

Jane Jensen : Je n'ai pas les droits de Gabriel Knight, ils appartiennent à Activision. Nous leur avons parlé (en fait, j'ai plusieurs fois approché les ayants droit de Gabriel Knight au fil des ans), mais j'ai aussi plusieurs autres idées de nouveaux jeux qui me font envie et je trouve qu'il est maintenant temps de les développer. Mettre Pinkerton Road sur pied, et livrer un super jeu aidera à montrer à Activision la qualité du travail que nous pourrions proposer pour Gabriel Knight. Nous nous concentrons donc sur le développement de notre premier jeu, Moebius. Je suis confiante pour l'avenir et j'espère que mes fans le seront aussi.

jeuxvideo.com > Merci, Jane Jensen.

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