L'appel de Tim Schafer (The Secret of Monkey Island, Day of the Tentacle) et du studio Double Fine, lancé sur le site kickstarter.com pour le financement public d'un point'n click à l'ancienne, vient déjà d'atteindre l'incroyable montant de 1,67 million de dollars (soit 1,26 million d'euros environ) à l'heure où nous écrivons ces lignes. Le budget nécessaire au lancement du projet, qui se montait à 400.000 dollars, a donc été triplé grâce à la participation des internautes. Rappelons que les donateurs recevront divers cadeaux, à commencer par le jeu lui-même.
C'est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer le studio, et ce pour deux raisons. D'une part, parce qu'il prouve qu'il y a toujours un public pour le genre du jeu d'aventure en point'n click, contrairement à ce que laissaient entendre certains éditeurs frileux. Mais cet incroyable engouement prouve surtout que le financement de projets risqués, ces jeux "de niche" qui sont réclamés à cor et à cri par les fans mais qui donnent des boutons aux financiers, peut emprunter d'autres voies, et notamment celle de la contribution publique.
Ainsi, certains studios n'ont pas manqué de réagir au succès de l'appel de Double Fine. Chris Avellone (Fallout 2, Planescape : Torment, Fallout New Vegas) s'en félicite et considère ce type de financement comme une aubaine pour toutes ces suites ardemment attendues par les fans mais boudées par les éditeurs :
Le succès de l'appel de Double Fine est instructif. (...) Ce concept d'un financement par les joueurs apporte la preuve que certains genres ne sont pas morts et que certaines suites ont plus de légitimité qu'on ne veut bien leur en accorder. L'idée même de ne pas avoir à convaincre un éditeur est séduisante.
Et quand il demande aux fans le jeu dont ils voudraient le plus que son studio Obsidian mette une suite en chantier, c'est Planescape : Torment qui revient. Une suite à ce jeu de rôle légendaire financée par l'intermédiaire d'une contribution publique ? Visiblement, Chris Avellone n'en écarte pas l'idée !
David Jaffe, le papa de God of War, qui a récemment quitté Eat Sleep Play pour fonder un nouveau studio, a également réagi à l'événement. "Le succès de l'appel de Tim via Kickstarter me donne évidemment des idées", concède-t-il, même s'il reconnaît que son ampleur a tout du phénomène communautaire motivé par l'envie de battre un record.
Je pense que c'est vraiment une bonne chose, à considérer sérieusement. Je serais vraiment nerveux si cela m'arrivait, parce que ce ne serait plus simplement l'argent d'un éditeur. Tout à coup, vous vous sentez responsable de tout cet argent versé par les joueurs, et vous n'avez pas envie de les laisser tomber.
Bref, les studios indépendants ne font pas que réagir positivement à la belle histoire qui arrive à Double Fine : certains considèrent ce type de financement comme un véritable modèle économique alternatif. Dépendre directement des joueurs serait-il forcément plus risqué que de dépendre des éditeurs ? Notch, le créateur de Minecraft, a évidemment un avis très tranché sur la chose, et considère que cela permettrait à la fois de rendre le pouvoir aux studios de développement et de donner l'occasion aux joueurs de supporter ce à quoi ils veulent vraiment jouer.
Verra-t-on, dans le futur, des titres majeurs financés par ce biais ? Quoi qu'il en soit, nous tenons à rappeler que le système mis à disposition par le site kickstarter.com n'est pas une initiative isolée, et qu'en France notamment, il existe des concepts similaires, comme par exemple lookatmygame.com.