Comme prévu à l'issue de notre rencontre à Londres pour la version PS3 d'Oblivion, c'est le lendemain à Paris que nous avons recroisé Pete Hines. Cette fois-ci, il nous a parlé du nouvel add-on pour Oblivion destiné au PC et à la Xbox 360 : Shivering Isles.
jeuxvideo.com > Comment résumeriez-vous l'idée directrice de Shivering Isles ?
Pete Hines : C'est assez simple. Nous voulions créer du contenu qui serait en accord avec l'ambiance générale d'Oblivion mais qui permettrait aux joueurs de découvrir quelque chose d'original, une nouvelle vision un peu décalée. C'est pour cela que nous nous sommes inspirés de ce qu'il y avait de mieux dans Oblivion, des quêtes les plus intéressantes, mais que nous avons situé l'action dans un pays quelque peu étrange. Le but est bien entendu de renouveler l'intérêt des joueurs qui ont parcouru Cyrodiil de base en long, en large et en travers.
jeuxvideo.com > Quelle est la superficie de cette nouvelle région où se déroule Shivering Isles ?
Pete Hines : Elle fait à peu près un quart de Cyrodiil. C'est donc assez grand.
jeuxvideo.com > On peut parler de continuité dans le changement ?
Pete Hines : En ce qui concerne le système de jeu, indubitablement. Mais nous avons ajouté du contenu et une ambiance très différente. Si vous chargez une sauvegarde du jeu de base et que vous chargez ensuite une sauvegarde faite dans l'add-on, la différence vous sautera aux yeux.
jeuxvideo.com > Tout ce qui était disponible en téléchargement, payant ou pas, sera-t-il inclus dans cet add-on ?
Pete Hines : Non. Tout ce contenu reste à part. Par exemple, les armures pour les chevaux ne seront pas mises à disposition dans cet add-on.
jeuxvideo.com > Pour revenir sur l'ambiance, comment la décririez-vous ?
Pete Hines : Il est clair que nous avons voulu donner au joueur un sentiment d'étrangeté, de folie. Le côté "Dementia" est dangereux et déprimant, presque mauvais. A l'opposé, le côté "Mania" est censé être bien plus joli et coloré. Mais en fait, ces deux contrées reflètent la psyché de leur Sheogorath. C'est un personnage à la fois un peu joyeux, un peu dépressif et peut-être fou.
jeuxvideo.com > Et on peut imaginer que dans Mania tout est joli, les gens sont sympathiques mais qu'en fait "trop de bonheur tue le bonheur" ?
Pete Hines : Effectivement. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes mais les habitants ont comme une nécessité d'être heureux en permanence ce qui est une forme de folie. Les populations des deux régions représentent donc les deux aspects d'un même mal.
jeuxvideo.com > Ce sont les membres de la même équipe qui se sont chargés des éléments du décor en Dementia et en Mania ?
Pete Hines : Oui. Il y a peut-être des membres de l'équipe qui n'ont traité qu'une seule province mais nous n'avons qu'une seule et même équipe de graphistes.
jeuxvideo.com > D'après ce que nous avons pu voir, les quêtes ont l'air plus élaborées que précédemment. Il faut faire un certain nombre de choses avant d'atteindre son but principal. Vous êtes d'accord avec cette analyse ?
Pete Hines : Oui et c'était intentionnel de notre part. Nous voulions éviter les schémas en "point A à point B" comme aller porter un objet à un endroit ou aller tout simplement tuer un type et revenir pour toucher sa récompense. Nous pensons que les joueurs apprécient de devoir entreprendre des actions variées afin de pouvoir terminer une quête, comme ils apprécient qu'on leur offre plusieurs façons de terminer une quête.
jeuxvideo.com > Vous laissez entendre qu'on peut achever une quête de la manière qu'on veut. Pourtant, le jeu nous a semblé assez directif. Un exemple précis : dans un petit village de cultivateurs, un habitant nous demande de récupérer le carnet de notes de la responsable de la communauté car il est persuadé qu'il y trouvera la preuve qu'elle veut tuer tout le monde. On l'a récupéré et lu. Il s'avère que le carnet ne renferme que de la poésie, aucune preuve d'une quelconque intention meurtrière. Or, ensuite, on n'a pu que donner le carnet à notre commanditaire qui, en l'ouvrant, a dit quelque chose comme : "Ah, c'est là. La preuve qu'elle veut nous tuer.". Dans l'absolu, après s'être assuré de son innocence, nous aurions préféré pouvoir rendre le carnet à sa propriétaire et aller raisonner le cultivateur. Ce n'est donc pas aussi libre que vous le prétendez, n'est-ce pas ?
Pete Hines : Même dans un jeu de la taille d'Oblivion, vous ne pouvez pas avoir beaucoup de choix possibles pour absolument toutes les quêtes. Cela représenterait bien trop de données à gérer, d'embranchements différents. Pour autant, il y a vraiment beaucoup de quêtes qui s'accommodent de solutions différentes. Pas toutes, c'est vrai. Mais en général, nous tâchons vraiment d'offrir une grande liberté aux joueurs. Je suis d'accord que ce serait mieux si cette liberté était systématique, si on offrait toutes les possibilités de solution imaginables. Mais là, le jeu deviendrait bien trop gros.
jeuxvideo.com > Hier, nous nous entretenions de la version PS3 d'Oblivion. En développant pour les consoles, l'équipe a-t-elle appris quoi que ce soit qui aurait servi son travail sur PC ?
Pete Hines : La console nous pousse à faire des choix intelligents et à trouver des solutions futées car on se retrouve dans le cadre d'une machine de toutes manières limitée. Vous n'avez pas un espace infini sur le disque dur, vous ne disposez pas de la mémoire que vous souhaitez mais de ce dont la machine dispose, etc. En conséquence, vous faites des choix astucieux afin que le jeu fonctionne tout en restant aussi rapide que sur PC. Sur PC, on a tendance à être... je dirais "fainéant" car on sait que la machine est modulable et que sa puissance peut être adaptée aux nécessités techniques du jeu et qu'à l'inverse le jeu pourra profiter d'une machine puissante. Vous savez, on se concentre avant tout sur l'histoire qu'on veut raconter et le contenu du jeu ainsi que sur ses principes. Ensuite, on essaie de le faire fonctionner sur un maximum de plates-formes. On ne commence pas le développement en se disant : "Ce jeu ne va tourner que sur telle ou telle console ou uniquement sur PC.".
jeuxvideo.com > Cette façon de faire est-elle une nouvelle preuve que les consoles se rapprochent des PC aujourd'hui ?
Pete Hines : Ce n'est pas ce que je voulais dire. Nous utilisons les consoles avant tout parce que leurs caractéristiques techniques sont limitées et que c'est sans appel. Si ça ne marche pas, c'est que vous ne rentrez pas dans le cadre. L'autre avantage des consoles sur le PC, c'est justement qu'on sait de quelle puissance elles disposent, contrairement aux PC pour lesquels il y a presque autant de configurations que de machines. C'est donc leurs utilisateurs qui choisissent par exemple le rendu graphique en fonction de la puissance de leur carte dédiée.
jeuxvideo.com > Pour revenir au jeu, nous n'avons pas vu beaucoup de montures dans les pays que nous avons traversés...
Pete Hines : Sheogorath déteste les chevaux, ce qui explique leur absence dans le jeu.
jeuxvideo.com > Mais ne craignez-vous pas que les fans s'insurgent contre cette absence ?
Pete Hines : Vous arrivez dans le pays d'un côté de la carte et votre premier objectif se trouve de l'autre côté. Par conséquent, le temps que vous l'atteigniez, vous aurez découvert suffisamment d'endroits pour pouvoir vous téléporter de l'un à l'autre sans difficulté et ainsi vous passez sans problème d'un cheval. Le souci avec ces animaux, c'est qu'aussi étendue soit l'aire de jeu que vous avez définie, ils la réduisent énormément. Et comme les provinces de Shivering Isles ne font qu'un quart de Cyrodiil, vous pourriez traverser en quelques instants. C'est pour cela que nous avons voulu que le joueur ne puisse se déplacer qu'à pied, pour conserver un peu du mystère du côté épique des déplacements.
jeuxvideo.com > Vous ne seriez pas en train de nous dire que la présence de chevaux dans Oblivion est une erreur ?
Pete Hines : Il y a un débat sur ce point au sein de l'équipe. Todd Howard (NdR : à la fois créateur et producteur exécutif du jeu...) lui-même n'était pas très fan de cette idée. Il a fini par céder mais son avis sur la question n'a jamais vraiment changé. Donc, tout le monde n'est pas d'accord.
jeuxvideo.com > Et ce désaccord explique-t-il que, dans Oblivion, il ne soit pas possible de se battre à cheval ?
Pete Hines : Non. Sur ce point-là, tout le monde était d'accord : pas question de pouvoir mener un combat quand on est à cheval. Cela sous-entendrait trop de facteurs aléatoires et les combats deviendraient trop simples. La dynamique du jeu en serait gravement altérée. On pourrait se lancer au galop, donner un coup en passant puis repasser et ainsi de suite... On retombe dans des problèmes de gestion de données et de puissance nécessaire pour que le jeu fonctionne. Il faut savoir que chaque créature d'Oblivion est extrêmement détaillée. Donc, pour rendre un adversaire et son cheval à l'écran avec le niveau de détails que nous exigeons et la fluidité que nous recherchons, il faudrait des machines très, très puissantes.
jeuxvideo.com > A moins que les adversaires eux aussi puissent monter à cheval...
Pete Hines : Il y a trop de races dans notre jeu qui ne montent pas à cheval, à commencer par les gobelins, par exemple.
jeuxvideo.com > Pensez-vous qu'un jour ou l'autre il y aura du multijoueur dans la série des Elder Scrolls ? Un mode coopératif n'ajouterait-il pas de l'attrait au jeu ?
Pete Hines : A notre avis, vraiment pas. Tout dans le monde dans lequel se déroule l'action est conçu pour un joueur unique. Si nous devions ajouter un ou plusieurs autres joueurs, il nous faudrait d'abord décider, un peu comme la question précédente, si nous devons privilégier le rendu à l'écran ou la gestion des adversaires supplémentaires. Et, au fond, Elder Scrolls est pour nous un jeu solo, voilà tout. D'autres titres du même genre proposent des modes multijoueurs. C'est pour cela que nous n'avons pas envisagé d'inclure un mode multi dans les opus de cette série, ni par le passé, ni maintenant et sans doute pas dans le futur.
jeuxvideo.com > Merci, M. Hines.
- Site officiel de la série Oblivion