Jeremy Chubb est le producteur de Black. Il se définit lui-même comme le "responsable qualité" de ce titre sur lequel, d'ailleurs, il travaille depuis maintenant plus d'un an. Autant dire qu'à force d'explorer tous les recoins du jeu pour s'assurer qu'il n'y a pas un pixel qui traîne et ce, de manière répétée, il le connaît comme le fond de sa poche. Il n'en fallait pas plus pour que nous le ligotions sur une chaise et le sommions de répondre à nos questions. Sous la menace d'une arme à feu, bien entendu...
jeuxvideo.com > Avec "Burnout" puis "Black", Criterion a exploré deux genres très différents. Mais justement, quelles sont selon vous les similitudes entre ces deux jeux ?
Jeremy Chubb : Si vous avez aimé "Burnout", il y a de fortes chances pour que vous aimiez les films avec des poursuites très rapides où il y a beaucoup de casse. Les développeurs ont vraiment mis l'accent sur la conduite rapide, l'anticipation des réactions des voitures, ce qui fait de "Burnout" une véritable expérience intense et digeste. Notre jeu poursuit exactement le même but. Nous voulions partir du concept consistant à tirer avec une arme et le retranscrire au mieux en mettant l'accent sur la puissance, qui devait remplacer le sentiment de vitesse qu'on ressent dans "Burnout". De la même manière, nous voulions que l'expérience se rapproche de ce qu'on voit au cinéma avec ces films proposant des fusillades dantesques. Mais avant tout, nous souhaitions offrir aux joueurs un titre passionnant et pourtant accessible ainsi que la meilleure vitrine technologique qu'on puisse s'offrir sur PS2 et Xbox.
jeuxvideo.com > Peut-on dire qu'il existe un "esprit Criterion" ?
Jeremy Chubb : Je pense, oui. Ce qui nous différencie des autres développeurs, c'est que nous n'arrêtons pas de passer nos jeux en revue pour chercher ce que nous pourrions améliorer. Nous n'avons pas peur de revoir le jeu une nouvelle fois quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit et même si on vient de passer un mois entier à justement fouiller dans tous les coins. Si quelque chose ne nous plaît pas ou tout simplement ne fonctionne pas, on le jette et on recommence. Si une arme n'est pas assez puissante ou pas assez spectaculaire on prend le risque de devoir s'en passer dans la version finale car nous voulons vraiment prendre le temps de travailler dessus pour en faire ce que nous désirons. Durant tout le développement de Black, nous avons couru après le temps. Dès le début, nous avons développé le moteur graphique du jeu en un temps record pour pouvoir le dévoiler à la presse spécialisée. Nous l'avons montré lors d'un E3 et trois semaines plus tard, le jeu était complètement différent. S'il fallait définir notre état d'esprit en quelques mots, ce serait "Passionné", "Enthousiaste", "Expertise" et "Talent". L'équipe qui constitue Criterion travaille sur PS2 depuis plus longtemps que toutes les autres équipes de développement et elle possède une expérience sans équivalent.
jeuxvideo.com > L'action se déroule en Europe de l'Est. Pourquoi avoir choisi cette région ?
Jeremy Chubb : Nous voulions un endroit crédible pour servir de cadre à un jeu d'action. Ce n'était pas évident car il fallait que des fusillades très intenses, avec un maximum de destruction, puissent s'y dérouler, sans que cela paraisse déplacé. Si on avait choisi Londres, personne n'y aurait cru. On en a vite conclu qu'il nous faudrait utiliser un endroit en Europe de l'Est, sans être particulièrement précis, d'autant plus qu'on y retrouve l'influence de l'ex-Union Soviétique et qu'on peut imaginer que cela a été le théâtre d'une guerre civile... Sur ce dernier point, ça nous permettait de concevoir des niveaux au beau milieu de bâtiments en ruine. En fait, l'Europe de l'Est est un endroit de la planète où tout peut arriver et où l'équilibre fragile des forces en présence exige le déroulement d'opérations secrètes que, justement, mène le personnage principal de Black.
jeuxvideo.com > Pourquoi avoir choisi un contexte réaliste et non pas un univers de science-fiction ?
Jeremy Chubb : Nous voulions vraiment faire quelque chose de crédible sans pour autant exiger trop d'efforts des joueurs. Il ne fallait pas qu'ils aient besoin d'imaginer qu'ils étaient dans l'espace à combattre des extraterrestres. Nous voulions que Black soit à la fois réaliste et cool. Nos sources d'inspiration sont des films très sérieux comme "JFK" ou des séries comme "24 Heures Chrono" ou "Alias". Nous voulions également proposer un armement moderne. Il n'était pas question qu'il s'agisse de rayons-laser tous chromés et énormes.
jeuxvideo.com > Après les jeux de courses et les FPS quel pourrait être le prochain genre auquel s'intéresserait Criterion ?
Jeremy Chubb : Je pense qu'il va s'agir d'un MMORPG de science-fiction avec des robots et exclusivement destiné au PC. Non, je plaisante. Pour être honnête, la conception de Black a été assez prenante car elle s'est déroulée sur un laps de temps très court. Durant ce développement, des tas de gens se sont chargés de nous rappeler que nous étions des spécialistes des jeux de courses et qu'on ne pourrait pas mener ce projet à bien. D'ailleurs, on se disait parfois qu'ils avaient raison mais que justement, notre oeil neuf sur la question nous permettrait peut-être d'accoucher d'un très bon jeu. Maintenant que Black est terminé et que nous avons constitué une équipe de vrais spécialistes du FPS, je ne pense pas que nous allons plonger dans un autre genre, du moins pas immédiatement.
jeuxvideo.com > Y'aura-t-il une différence de contenu entre les diverses versions ?
Jeremy Chubb : Non, absolument pas.
jeuxvideo.com > Qu'avez-vous fait pour que les gens qui n'aiment pas les FPS sur consoles jouent quand même à Black ?
Jeremy Chubb : Tout comme "Burnout" avait réussi à attirer un public qui n'était pas constitué de pros des jeux de courses, nous avons voulu que Black soit accessible au plus grand nombre. Nous avons vraiment peaufiné les contrôles pour qu'ils soient le plus simple possible.
jeuxvideo.com > Pourquoi n'y aura-t-il pas de multjoueur ?
Jeremy Chubb : Encore une fois, cela vient du fait que nous n'avions jamais fait de FPS avant Black et que nous nous considérions sans doute comme les pires personnes pour tenter d'en faire un. Mais d'un autre côté, nous étions peut-être les meilleurs. Toujours est-il que nous voulions vraiment nous concentrer sur les réactions physiques et les sensations que procurent les armes qu'on utilise dans le jeu. Nous avons préféré réussir cela, plutôt que de minorer l'expérience en proposant un mode multi qui n'aurait pas été à la hauteur.
jeuxvideo.com > Vu la simplicité revendiquée de Black, on pourrait presque se demander pourquoi vous vous êtes embarrassé d'une histoire...
Jereny Chubb : Tout d'abord, il faut que vous sachiez que nous n'avons jamais voulu que le jeu soit divisé par des heures et des heures de cinématiques magnifiques qui n'en finissent pas. Et même s'il y a une histoire servie par des personnages attachants, ce n'est pas un jeu où on vous demande de suivre l'intrigue et de bien comprendre la psychologie des protagonistes. Tout dans Black est construit autour de l'action et, dans un premier temps, le scénario était pour ainsi dire inexistant. Mais au fur et à mesure du développement, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait quand même offrir au joueur un semblant de contexte pour qu'il comprenne ce que son personnage faisait là et quels étaient ses buts ; bref, qu'il soit motivé.
jeuxvideo.com > merci, Mr Chubb.
- Site officiel de Black