Parler de Dungeon Master revient pour moi à repenser au tout premier jeu qui m'a fait comprendre à quel point on pouvait être accro à un amas de pixels. Je me revois encore il y a de cela de nombreuses années, lorsque je me rendais chez mon poto Tony chaque dimanche et que je l'embêtais pour qu'il allume l'Atari 1040 STF de son frère afin que je puisse jouer ne serait-ce que 10 minutes à ce titre étrange qui se résumait a priori à arpenter des donjons remplis de monstres et de pièges divers. Que de souvenirs émouvants, que d'émotions véhiculées par ce simple jeu sorti en 1988 sur Atari, et Amiga puis sur une dizaine d'autres supports dont le PC ou encore la Super Nintendo. Pourtant, rien ne prédestinait Dungeon Master à devenir un monument du jeu de rôles puisque sa trame principale était assez commune, mais jugez plutôt.
Depuis des années, un mage du nom de Grey Lord cherche à s'emparer de la gemme du pouvoir, source de toute vie. Après d'intenses recherches, le magicien parvient à mettre au point une formule magique capable d'invoquer la gemme. Hélas, il se trompe dans l'énonciation de la formule, ce qui a pour effet de scinder sa personnalité en deux parties. La première moitié (la bonne) se nomme Librasulus, alors que l'autre (la part de noirceur) se fait appeler Lord Chaos. C'est ce dernier qui va alors s'emparer de la baguette magique capable d'invoquer la gemme avec l'aide de la formule. Librasulus, prisonnier du néant, vous charge de retrouver le Firestaff afin de rétablir la paix et l'ordre. En tant qu'apprenti de Grey Lord, vous ne pouvez vous soustraire à votre tâche et allez devoir descendre dans les bas-fonds de votre cité, là où se terrent Lord Chaos et ses cohortes de démons. Après avoir pris connaissance de ces événements, le jeu peut commencer. Une lourde porte s'ouvre et c'est votre destinée qui va vous guider dans un premier temps vers le Hall des champions où vous allez devoir trouver vos compagnons d'infortune.
Ici, pas de monstres à l'horizon, seule une vingtaine de portraits vous attendant bien sagement sur des murs. Chacun de ces tableaux correspond à un guerrier qui pourra intégrer votre équipe. Bien entendu, vous devrez faire un choix puisque si on trouve 24 personnages, vous ne pourrez en obtenir que 4. La première chose à faire va donc consister à regarder un à un les portraits pour faire en sorte de prendre des héros équilibrés. Ainsi, bien que le jeu ne propose que 4 classes (Ninja, Mage, Prêtre et Guerrier), certains personnages sont polyvalents et pourront de ce fait bénéficier de plusieurs compétences issues de différentes classes. Ce genre de héros est à privilégier, même si une équipe composée d'un guerrier, d'un prêtre et de deux individus multi-classes reste un très bon choix. Un autre point à prendre en compte lors de la composition de votre équipe a trait à l'équipement et aux attributs (de force, de santé, de mana, de dextérité, de sagesse, etc.) de chaque personne. Après avoir opté pour un groupe solide... et solidaire, vous pouvez débuter votre quête en entrant dans le donjon à proprement parlé.
Bien que le premier niveau vous serve essentiellement à vous équiper, vous pourrez faire connaissance avec le gameplay qui reste encore aujourd'hui un modèle du genre. Tout se gère à la souris, de l'accès aux fiches des personnages à la préparation de sorts en passant par le déplacement du groupe, bien que vous puissiez également bouger vos héros via les touches du clavier. Mais attention, car si vous allez devoir vous préparer en vue des combats à venir, il ne faut surtout pas oublier que vous devrez aussi nourrir vos personnages. L'idée est exquise et très stressante, vu qu'un guerrier qui n'a pas mangé ou bu pendant plusieurs heures commencera à perdre des points de vie, sera incapable d'apprendre des sorts, etc. Vous devrez ainsi ramasser des gourdes, les remplir aux fontaines qui traînent un peu partout ou dénicher de la nourriture (des pommes, de la viande, du pain ou des parties de monstres que vous aurez au préalable tués) pour faire en sorte que votre équipe soit toujours en pleine forme. Pensez également à faire des réserves en mettant dans l'inventaire de chacun quelques victuailles de côté, mais n'oubliez pas que chaque chose a son propre poids et que votre personnage ne pourra plus se dépasser s'il porte trop d'objets. Ceci influant également sur sa consommation de nourriture, vous conviendrez qu'il faudra faire attention à ce que vous trimballez, en laissant de côté les objets inutiles. Et dieu seul sait que parmi les 150 items du titre, il y en a qui sont bien moins intéressants que d'autres. Si le premier étage du donjon est une partie de plaisir, les choses sérieuses commencent dès que vous aurez franchi le deuxième.
Bien que la difficulté soit progressive, les développeurs ont parfaitement su élaborer leur titre. Ainsi, vous comprendrez très vite qu'il existe des moyens pour se défaire de certains monstres (comme les momies que vous pouvez détruire plus facilement en attendant qu'elles arrivent sous une grille que vous vous ferez un plaisir de fermer afin qu'elles viennent fracasser la tête de l'ennemi) et que chaque niveau recèle de pièges divers et variés. Si nous n'évitons pas les clés à trouver pour ouvrir des portes cadenassées, la grande force de Dungeon Master est de proposer de multiples puzzles basés sur des mécanismes à activer dans un certain ordre. Qui a pu oublier ces salles truffées de téléporteurs ou de dalles à activer dans un ordre précis pour arriver en un seul morceau à la sortie ? Maintenant on pourra peut-être reprocher certains passages très crispants où à la moindre erreur, nous pouvions être transportés dans des salles remplies de monstres qui n'attendaient qu'une chose : Nous ! Je me rappelle aussi qu'il était très fréquent de fuir des monstres dans ces petits couloirs étriqués (afin de se refaire une santé) puis de rencontrer un ennemi encore plus puissant ou de tomber dans un piège soigneusement placé. Idéal pour être pris de panique, surtout si votre dernière sauvegarde remontait à deux ou trois heures de jeu. En bref, il fallait soigneusement examiner la plus petite parcelle de décor pour vérifier la moindre pierre un peu suspecte et prier pour qu'elle ne déclenche pas un piège. Ceci pouvait être très difficile pour les nerfs mais si plus de 15 ans après y avoir joué je m'en rappelle encore, vous imaginerez facilement quel pouvait être le degré d'immersion !
Quand j'y songe, tout était concentré autour de cette fameuse implication du joueur. Prenez par exemple les graphismes. Bien sûr, à l'heure actuelle, les plus jeunes d'entre-vous s'esclafferont en voyant les screens ci-dessous mais je vous rappelle tout de même que Dungeon Master était un des premiers jeux à présenter une aventure en temps réel, par opposition à la kyrielle de RPG sortis avant lui qui proposaient seulement des aventures textuelles ou des combats au tour par tour. Ensuite, si la quasi-totalité des décors se résumait à une succession de couloirs et de salles (le jeu est tout de même un des ancêtres du Dungeon-RPG), c'est au niveau du bestiaire que les développeurs se sont véritablement lâchés. Entre des momies, des champignons carnivores, des rats géants, des larves mutantes, des scorpions, des golems, des chevaliers, on ne dénombrait pas moins de 25 types d'ennemis dont un dragon désespérant puissant ou bien entendu le charismatique Lord Chaos. De plus, l'animation des ennemis était de bonne facture et tranchait vraiment avec ce qu'on avait eu l'habitude de voir sur le même support. Certes, quelques temps plus tard, le phénoménal Black Crypt explosera les standards de qualité mais ceci est une autre histoire.
Si j'ai brièvement parlé du gameplay un peu plus haut, je souhaiterai revenir sur le système de sorts. Une fois encore, c'est du grand art. En fait, c'est à la base très simple et très novateur puisque les incantations pouvaient être projetées en utilisant des symboles cantonnés dans la droite de l'écran. Il suffisait alors de mixer certains symboles pour utiliser le sort désiré. Par contre, avant d'en arriver là, vous deviez dénicher des parchemins de sorts où étaient inscrites les fameuses combinaisons. Au final, vous aviez de quoi faire tout au long des 14 niveaux qui vous attendaient et si le système demandait beaucoup de concentration et de doigté (pour cliquer sur les bons symboles lorsque vous étiez entouré de plusieurs monstres), autant dire que c'était un régal de chaque instant.
Suite au succès du premier épisode, FTL sortira une suite de grande qualité du nom de Chaos Strikes Back, qui comportera davantage de monstres, d'énigmes, une nouvelle histoire et qui permettra surtout de reprendre ses personnages de Dungeon Master. Signalons aussi que le PC aura droit à un certain Dungeon Master II en 1996 mais malheureusement, les graphismes n'ont absolument pas évolué en 8 ans, tout comme l'interface et au final ce jeu a plus été une déception qu'autre chose. Mais qu'à cela ne tienne, Dungeon Master a marqué un tournant dans l'univers du jeu de rôle en vue subjective et sans lui, on peut raisonnablement penser que les Eye Of The Beholder ou les premiers Might & Magic n'auraient jamais vu le jour. Une oeuvre forte, novatrice qui aura marqué ma vie de rôliste ainsi que celles de milliers d'autres passionnés.
Logan
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