Ma première rencontre avec Bayou Billy fut à l'image du jeu, sombre et difficile. Errant dans un magasin de jouets dont je tairais le nom (de toute façon je ne suis pas sûr de m'en souvenir), j'entendis un cri rauque s'élevant du fond du bâtiment. Si j'avais connu à l'époque la trilogie ô combien merveilleuse de Tolkien, j'aurais juré entendre un râle typique de Gollum (ou Sméagol plutôt). Poussé par une curiosité et par un groupe de personnes, j'atterrissais devant une borne où des êtres que l'on appelle des adolescents se déchaînaient, un zapper à la main, sur des crocodiles et autres bêtes pleines de dents. Fasciné par ce spectacle rappelant étrangement un certain Michael J. "Crocodile" Dundee aux prises avec de solides animaux sauvages, je me décidais à faire mon possible (être gentil avec ses parents, niark) pour obtenir ce jeu. Une fois dans mes mains fébriles, il rentrait avec peine (le défaut de la NES) dans ma console favorite. Une musique d'ambiance, inspirée des rythmes ancestraux de la jungle découlait alors des enceintes de la télévision pour emplir la pièce de sonorités grésillantes. J'arrête de vous raconter ma vie (procédé inintéressant au possible), et je passe au jeu proprement dit.
Tout d'abord, et même à la glorieuse époque des 8 bits se livrant une guerre farouche, le titre ne disposait pas d'une qualité graphique incomparable. Sincèrement dépouillé et utilisant des teintes entre un marron jaunâtre et un un vert défraîchi, ce n'est pas son emballage qui portera votre oeil à se poser sur lui. De plus, que ce soit au niveau de l'animation ou encore du level-design, il est fort possible que nombre d'entre vous se soient assis de dépit, devant leur écran affichant des décompositions de mouvements extrêmement hachées, et des niveaux longilignes et pour la plupart relativement mornes. Je ne compare bien évidemment pas ce titre avec ce qui se fait de nos jours, mais tout simplement avec la production de l'époque qui proposait des softs bien plus aboutis techniquement et ludiquement. Non que Bayou Billy fut mauvais, mais il lui manquait une assise pour se faire sa place dans le marché déjà fécond des jeux vidéos. Néanmoins, bien que truffé de bugs de toutes sortes, comme vous en avez l'illustration sur les photos d'écran ci-dessous, il ne reste pas moins que ce soft proposait une atmosphère d'aventure incomparable et un système de jeu très original pour l'époque, mixant des phases à la Streets Of Rage, et des affrontements au pistolet, semblables à Rambo sur Master System.
Votre but principal dans cette aventure est de retrouver votre tendre fiancée qui s'est bien sûr faite enlever par un gros méchant affublé de lunettes noires à la Chips (une série très niaise avec des policiers très mauvais acteurs, où l'inverse) fumant un cigare. Ivre de rage, vous partez sur le champ dans le bayou, afin de dénicher la cachette de votre opposant le plus dangereux. Commence alors une quête vraiment sympathique, au coeur des marais australiens, où se retrouvent hommes de mains musclés et alligators peu portés sur la discussion. Vous tentez alors d'avancer péniblement dans cet environnement inhospitalier, avec pour seule assurance de survie, vos poings, et les objets que vous trouverez à terre lors des combats. En effet, certains de vos adversaires laisseront parfois tomber leurs armes au sol à la suite d'un coup de poing, ou d'un coup de pied sauté, ce qui aura pour vous l'apparence d'une aubaine. A vous de retourner leurs atout contre eux. L'influence beat'em all se fait à ce moment vraiment sentir, mais on est loin d'un double dragon dynamique et entraînant. Toutefois, on dirige un vieux "trappeur", à la carrure imposante, ce qui l'empêche de vraiment effectuer des grands bonds et des figures acrobatiques. Et c'est ça qui est immersif. Le fait que l'on ressente l'impression de prospecter dans une jungle luxuriante, seul, à la manière d'un film d'aventure classique permet de se plonger véritablement dans l'ambiance.
Puis, après une première mission à la difficulté ahurissante (comme le sera la suite d'ailleurs), vous avez droit à un petit peu de repos, lors d'une épreuve mettant à profit le pistolet vendu avec la NES. Vos réflexes sont mis à rude épreuve, et il n'est pas rare de ne pas pouvoir faire feu plus de trois fois avant de mourir. Un challenge corsé, qui s'avère néanmoins jouissif, car changeant radicalement des phases de "recherche". Un petit côté Time Crisis qui n'est pas pour déplaire et qui fascine totalement la première fois que l'on s'y essaye. L'implication est alors à son apogée, et l'on se dit que plus tard, on vivra dans le bayou. Avec le recul, l'ensemble du gameplay frisait l'injouabilité, mais importait peu tant les sensations ressenties étaient différentes des sorties de l'époque. Konami commençait déjà à s'essayer à de nouvelles pistes, ce qui devint un tant soit peu sa marque de fabrique plus tard. Au final donc, ces aventures dans les vastes marais conservent toujours leur intense immersion et l'on prend encore plaisir à diriger notre beau héros à chapeau. Et même si la coque est catastrophique, et le fond insignifiant, il reste le caractère du soft, le souvenir incrusté, qui nous pousse à y repenser de temps en temps.
Killy