S'il est un jeu qui mérite d'être comparé à un véritable virus, c'est bien Lemmings... enfin bon on va dire qu'il se dispute le titre avec Tetris mais enfin bref. Pour la petite histoire, il faut savoir que lemmings a été créé par une société à la destinée flamboyante : DMA, les futurs créateurs de la séries de Grand Theft Auto. Lorsque le jeu a fait son apparition sur Amiga, c'est une véritable fièvre qui s'est emparée du monde, Le virus Lemmings s'est propagé à une vitesse fulgurante et a muté afin de s'adapter à de nouveaux environnements, PC, Mac, Atari ST, et même les consoles 16 ou plus tard 32 bits ont eu droit à leur version. Lemmings fut d'ailleurs l'un des premiers jeux à connaître un réel succès auprès d'un public originellement non joueur (Tetris étant à part puisqu'il était fourni en bundle avec Windows à côté du Solitaire et passait plus pour un anti-stress qu'autre chose, Lemmings lui, était un produit commercial). Si on pouvait déjà voir des parents jouer avec leurs enfants à des jeux familiaux, on les voit cette fois pratiquer seuls, le mulot à la patte, le sauvetage de ces souris capillairement déviantes. Et la raison de ce succès est simple : Lemmings combinait 3 éléments clefs qui l'ont rendu populaire, la réflexion, la rapidité imposée et l'humour. Le triptyque parfait souvent copié par la suite.
Comment en effet résister à ce jeu qui réussissait l'exploit de réunir de vrais casse-tête, un challenge parfois corsé et cet aspect si profondément débile des Lemmings ? Petit rappel des faits pour les retardataires. Un lemming, c'est une petite bestiole, un rongeur dont la légende veut qu'il ne se déplace qu'en bande très nombreuse et complètement stupide, incapable de s'arrêter pour éviter un danger, se jetant du haut d'une falaise plutôt que de faire demi-tour. Bien sûr, même si elle a la peau dure, cette histoire est totalement fausse. Sauf dans notre cas. Lemmings est une succession de tableaux comportant une entrée et une sortie, entre les deux, des trous, des pièges mortels, des montagnes etc. Votre but vous l'aurez compris est de mener une bande de rongeurs bleus aux cheveux verts à la sortie avec un minimum de pertes, un quota acceptable vous étant indiqué à chaque tableau. Sachant que rien n'arrête un lemming en marche. Si la troupe rencontre un obstacle infranchissable (le lemming lambda ne peut ni sauter ni grimper) ils font demi tour, et reviennent ensuite indéfiniment. Afin de rendre les choses plus difficiles, les tableaux s'étalent bien entendu sur plusieurs écrans.
Mais on peut heureusement spécialiser des lemmings dans une tâche spécifique. On trouve une dizaine de spécialisation parmi lesquelles se trouvent les creuseurs horizontaux, verticaux ou de biais, les bloqueurs qui permettent de stopper l'avancée de la troupe, les constructeurs d'escaliers grâce auxquels on franchira les obstacles trop hauts ou les précipices, les grimpeurs, les parachutistes etc. etc. Bien sûr pour corser les choses, il faut ajouter deux contraintes supplémentaires. En premier lieu, on ne peut spécialiser qu'un nombre limité de lemming, et la quantité varie selon le tableau. De plus, l'action d'un lemming ne dure pas indéfiniment, il finit par stopper sa construction ou son trou et finit donc par tomber ou rebrousser chemin. Il faut donc constamment surveiller la progression. Particulièrement dans le cas d'un escalier car le constructeur des marches stoppe et si vous ne lui ordonnez pas de nouveau de construire, il va se remettre à marcher et fatalement, se vautrer. Trouver et créer une voie sûre pour les lemmings tout en veillant à ce qu'ils ne se fasse pas écharper, broyer ; brûler empaler ou autre, et avec le chrono qui tourne devient vite un challenge des plus stimulants qui pousse souvent à haït ces petits rongeurs punks.
Et pourtant qu'il est simple de s'attacher à eux. Cela même alors que le sacrifice d'un grand nombre d'individu est souvent nécessaire. Les bloqueurs par exemple, ne peuvent pas être débloqués et on doit pour libérer la troupe le faire exploser. Ce qui entraîne non seulement sa mort, mais aussi celle de ses congénères (à moins d'avoir habilement géré le compte à rebours de 5 sec avant explosion). Mais la plupart du temps, nos ratons-laveurs teints souffrent de maux bien pires qui font tout le charme du jeu. Les pièges mis en oeuvre par les développeurs trahissent une cruauté d'une rare fourberie. On rencontre toutes sortes de mécanismes barbares qui carbonisent, déchiquettent de mille et une manières, broient, pulvérisent et même, catapultent nos petits protégés. Mais le pire sort qui puisse leur être réservé demeure le suicide collectif. Si l'échec se fait sentir (trop de pertes, plus assez de spécialistes), une fonction permet de sacrifier tous les lemmings. Et là, on ne peut que fondre en contemplant le spectacle de ces malheureux bidasses adressant un dernier coucou de leurs petites pattes ondulantes avant d'exploser dans un nuage de pixels bleus et verts. J'en suis encore tout retourné.
Bien sûr, Lemmings eut une descendance prolixe, à commencer par l'excellent add-on "Oh no ! More Lemmings". Avec de nouvelles spécialisations, de nouvelles possibilités, évidemment, un nouveau rendu graphique et fatalement une tentative de passage à la 3D disons, dispensable. Finalement, on retrouve le syndrome de l'ami Tetris dont on parlait tout à l'heure. Lui aussi on a tout fait pour le moderniser, tout ça pour finalement se rendre compte que le seul qui soit vraiment bon, c'est le vieux qui sent la poussière, pas le neuf qui sent le plastique.
Dinowan