C'est à la fin des années 80 que les développeurs du studio ICOM Simulations ont imaginé la série des Shadowgate. Adapté sur de nombreux supports, dont les PC, Mac, Amiga et NES, Shadowgate est l'exemple même du jeu d'aventure en vue subjective. La quête consistait à investir le château du terrible sorcier Lakmir avant qu'il ne mette à exécution ses sombres projets et ne fasse revenir à la vie le puissant Béhémoth. L'un des gros points forts du jeu résidait bel et bien dans sa narration typique des "livres dont vous êtes le héros". Chaque intrusion dans un écran donnait lieu à quelques lignes descriptives du genre : "La peur t'étreint dès que tu rentres dans la pièce. Un revenant te fait face et t'empêche de passer. En un rien de temps, tu heurtes le fond avec un bruit assourdissant. Tous tes os sont en miettes. Dommage que ton aventure s'achève ici". Le joueur se sentait ainsi directement projeté dans un véritable "livre dont vous êtes le héros" interactif, avec deux avantages : une interface évitant de passer des heures à chercher (et à marquer) les pages et une représentation systématique des lieux visités.
En rejouant aujourd'hui à Shadowgate, on se prend à imaginer les nuits blanches qu'on aurait passées si les livres les plus mythiques des séries Défis Fantastiques (Le Sorcier de la Montagne de Feu), Quête du Graal (L'Antre des Dragons), Sorcellerie (La Couronne des Rois), La Voie du Tigre ou encore Loup Solitaire avaient été adaptées dans le style de Shadowgate. L'évolution significative effectuée notamment avec Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers sur Nintendo 64 prouve également qu'il serait possible de moderniser le genre sans pour autant perdre ce qui faisait la saveur de ces aventures aujourd'hui disparues.
Pour ceux qui s'interrogent sur le système de jeu, sachez que la progression se faisait au moyen d'écrans fixes, avec une interface permettant d'effectuer différents types d'action pour interagir avec ce que l'on voyait à l'écran. Sans souris, il fallait donc bouger son curseur au pixel près pour déceler l'ouverture d'un passage secret ou saisir un objet sans réveiller un monstre. Les énigmes étaient généralement complètement tirées par les cheveux, et même si l'aventure était extrêmement courte, il n'était pas rare de rester bloqué des heures dans une même salle. Complètement dépassée aujourd'hui, l'interface proposait tout de même une mini-map très utile pour atteindre rapidement les issues. L'un des aspects les plus stressants du jeu, outre la forte probabilité d'une mort subite à chaque action effectuée, était la nécessité de trouver des torches et de les alimenter régulièrement pour éviter le Game Over si jamais elles s'éteignaient. Il était également possible de combiner des objets entre eux et d'acquérir des incantations. Si tout ça vous a rendu nostalgique je ne peux que vous conseiller de vous replonger dans les autres titres du genre ou dans les oeuvres de Steve Jackson, Ian Livingstone, J.H. Brennan, Joe Dever et autres auteurs mythiques qui ont su donner aux "livres dont vous êtes le héros" leurs lettres de noblesse.
Romendil