Another World est une prouesse, pas simplement un jeu mythique présent dans le coeur de tous les nostalgiques mais bel et bien un titre marginal qui transpire la part de rêve issue de l'imagination de son créateur. Développé avec passion et ténacité par un seul homme, Eric Chahi, français qui plus est, et dont le nom est à jamais gravé dans l'histoire vidéoludique, Another World (Out of this World aux US et Outerworld au Japon) a vu le jour en 1990 sur Amiga et Atari ST, puis fut adapté en 1991 sur Super Nintendo et Megadrive, et en 1994 sur Mega CD. C'est Delphine Software qui éditait le jeu à l'époque et on s'en souvient comme si c'était hier.
Il fait nuit lorsque Lester Knight Chaykin se rend dans son laboratoire pour accomplir la dernière phase de son expérience sur l'accélération des particules. Avait-il déjà un mauvais pressentiment lorsqu'il décapsula sa canette de bière et déglutit bruyamment en attendant la fin du compte à rebours ? Nul ne le sait, mais le fait est qu'il n'eut pas le temps de se demander ce qui lui arrivait lorsqu'un faisceau traversa la pièce et le fit disparaître, ne laissant derrière lui qu'un trou béant. Mais il n'était pas mort. S'extirpant péniblement d'un bassin perdu au beau milieu de nulle part, échappant de peu aux tentacules qui tentaient de le happer, il comprit qu'il avait été projeté dans un monde parallèle dont il ne savait rien. Un monde hostile où chacun de ses pas le rapprocherait inéluctablement d'une mort certaine. Et pourtant il lui fallait survivre.
Another World, c'est donc avant tout une histoire, une fiction qui stimule l'imagination du lecteur en le projetant dans un univers dont on ne nous dit rien, et que l'on découvre par soi-même à travers un personnage vulnérable et livré à lui-même. Est-ce la mort qui nous guette à chaque pas ou la peur d'avancer qui nous fait progresser de façon hésitante ? Le fait est que l'on apprend vite à se méfier du pixel le plus anodin, comme ces vermines minuscules qui rampent sur le sol et dont une simple piqûre suffit à jeter un homme à terre. On traverse à peine trois écrans que déjà une nouvelle menace plane sur notre tête, un molosse d'une noirceur pire que la nuit se jette sur nous, signal d'une course folle pour la survie qui débouche sur la rencontre avec les mystérieux autochtones de ce monde. Enfermé dans une cage avec un compagnon de fortune de la race de ceux qui l'ont capturé, le joueur tente alors une évasion de la dernière chance qui le mènera sur un chemin incroyable à la découverte de ce monde.
Mais Another World, c'est aussi un choc graphique. Mélange de polygones et de 2D permettant des animations impressionnantes pour l'époque, la réalisation semble à elle-seule extraterrestre, et la cinématique d'intro suffit à immerger le joueur dans l'univers du jeu en s'impliquant totalement dans la peau de l'infortuné Lester Knight Chaykin. Eric Chahi a su, avec un minimum de moyens, trouver l'esthétique parfaite pour coller au monde qu'il avait en tête, et le résultat est une réussite. Calculé au pixel près, comme bon nombre de jeux à l'époque, le gameplay ne laissait pas droit à l'erreur et la mort survenait fréquemment avant que l'on comprenne comment surmonter toutes les embûches d'un niveau pour arriver au bout en un seul morceau. Le héros ne disposait que de moyens limités, tout juste un pistolet laser capable de créer des boucliers pour parer les tirs adverses, un coup de pied pour écraser la vermine et un saut à combiner avec la course pour évoluer dans les environnements du jeu. Des idées que l'on allait retrouver plus tard dans Flashback et qui restent encore diablement efficaces aujourd'hui. Indémodable, Another World mérite amplement les nombreux prix qui lui ont été décernés.
Romendil