Une récente étude, réalisée à l’échelle mondiale, met en lumière le fait que l’intelligence artificielle va avoir un impact très fort sur la rémunération des artistes d’ici à cinq ans. Si vous êtes créateur dans le domaine de l’audiovisuel ou de la musique, vous devriez vous inquiéter.
On ne cesse de le répéter depuis quelques mois : l’intelligence artificielle est en train de prendre le pas sur plusieurs secteurs. Plusieurs études soulignent notamment la volonté d’un grand nombre de chefs d’entreprise et de cadres de limiter les effectifs de leur personnel, principalement pour des raisons économiques.
Et cela ne concerne pas seulement les employés de bureau. Les professions créatives, qui comptent d’ailleurs de nombreux artistes qui travaillent à leur compte, risquent de subir de plein fouet les effets de l’IA dans les cinq prochaines années.
22 milliards d’euros de perte sont à prévoir sur cette période
Pour répondre à cette question épineuse, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) a mandaté PMP Strategy afin qu’il réalise une étude à l’échelle mondiale. Le constat qui en ressort est particulièrement inquiétant pour plusieurs professions.
Dans le milieu de l’audiovisuel, les revenus pourraient chuter de 21% au cours des cinq prochaines années. Ce pourcentage pourrait même atteindre 24% dans le domaine de la musique, ce qui correspondrait à une perte de 22 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros pour le secteur musical et 12 milliards d’euros pour le secteur audiovisuel. Dans le domaine de l’audiovisuel, les traducteurs et les adaptateurs spécialisés en doublage et sous-titrage seraient les plus durement touchés, avec une baisse de revenu pouvant aller jusqu’à 56%. Il est également connu que certaines entreprises du secteur du divertissement audiovisuel utilisent déjà l’IA pour doubler certains programmes afin de réduire les coûts de production.
Dans le domaine de la musique, les IA génératives menacent non seulement les artistes, mais elles pourraient aussi représenter jusqu’à 20% des revenus des plateformes traditionnelles de streaming et environ 60% des revenus des bibliothèques musicales.
Pendant ce temps, l’IA connaît un succès retentissant
Alors que de nombreuses professions artistiques vont souffrir du développement des IA, il est attendu que les entreprises qui développent des intelligences artificielles capables de les remplacer vont quant à elle connaître « une croissance exponentielle ». La valeur du marché des contenus musicaux et audiovisuels générés par l’IA, qui se chiffre actuellement à 3 milliards d’euros, pourrait atteindre 64 milliards d’euros d’ici cinq ans.
L’étude estime que, compte tenu de la croissance exponentielle du marché des contenus musicaux et audiovisuels, les futurs revenus des fournisseurs d’IA générative atteindront 4 milliards d’euros par an dans le secteur musical (contre 0,1 milliard en 2023) et 5 milliards d’euros par an dans celui de l’audiovisuel (contre 0,2 milliard en 2023). Là où le bât blesse encore davantage, c’est que le constat souligne que « ces revenus sont directement dérivés de la reproduction non autorisée des œuvres des créateurs et représentent un transfert de valeur économique des créateurs vers les services d’IA ».
L’absence de réglementation pointée du doigt
En conséquence, la conclusion de cette étude est sans équivoque : les artistes devraient violemment subir l’impact des IA dans les prochaines années. Le cynisme de la situation réside dans le fait que, sans aucun cadre réglementaire, les intelligences artificielles vont s’approprier, de manière illégale, les œuvres et autres contenus créés par des humains pour en générer d’autres destinés à leur faire concurrence.
« Si elle n’est pas adéquatement réglementée, l’IA générative a le pouvoir de faire beaucoup de tort aux créateurs humains et de porter préjudice à leurs carrières et à leurs moyens de subsistance », estime Björn Ulvaeus, Président de la CISAC. Ce dernier demande aux politiques de revoir la législation actuellement appliquée dans de nombreux pays afin d’éviter que le pire des scénarios ne se produise. « Il est essentiel que nous obtenions des réglementations adéquates, que nous protégions les droits des créateurs et que nous contribuions à mettre en place un environnement qui préserve la créativité humaine et la culture. »