Le PDG de cette entreprise a licencié 90% de ses employés via Slack pour absence à une réunion. Son message, virulent et insultant, a provoqué un tollé général, révélant des pratiques managériales contestables et l’exploitation de nombreux stagiaires non rémunérés.
Une décision brutale et inattendue
Baldvin Oddsson, PDG de The Musicians Club, une plateforme en ligne de vente d'instruments de musique basée au Wyoming, a fait les gros titres pour une décision aussi brutale qu'inhabituelle : le licenciement de 99 de ses 110 employés, soit environ 90%, pour absence à une réunion. L’annonce, diffusée via Slack à 8h24 le 15 novembre, était sans équivoque : « Pour ceux qui n’étaient pas présents à la réunion ce matin, considérez ceci comme votre licenciement officiel », avait-il écrit, ajoutant une injonction finale, lapidaire et ordurière : « Foutez-moi le camp de mon entreprise tout de suite. »
I joined an internship and an hour later the entire team got fired.
by u/5567sx in mildlyinfuriating
L’incident, qui a rapidement fait le tour des réseaux sociaux après la publication d’un message d’un ancien stagiaire sur Reddit (depuis supprimé par les modérateurs), soulève des questions cruciales sur les pratiques managériales, la relation employeur-employé, et surtout, l’utilisation des nouvelles technologies dans la gestion des ressources humaines. Si le licenciement massif via une plateforme de communication instantanée n’est plus une pratique aussi exceptionnelle qu’avant (on se souvient notamment du PDG de Better.com qui avait licencié 900 employés via Zoom en 2021), la virulence et le manque de considération manifestés par Oddsson sont particulièrement remarquables.
Des stagiaires non rémunérés
Ce qui rend cette situation encore plus troublante, c’est que bon nombre de personnes licenciées étaient des travailleurs à distance, souvent non rémunérés. The Musicians Club semble en effet s'appuyer sur un système d'internship et de freelances, principalement des étudiants en musique classique, souvent attirés par la promesse d'une expérience professionnelle et d'un éventuel poste à temps plein rémunéré à l’avenir. L’offre d'un stage non-rémunéré pour un poste de responsable des opérations, annonçant une « compréhension approfondie des opérations e-commerce » et une « expérience pratique dans la gestion et l'optimisation des plateformes de vente en ligne », illustre bien cette pratique.
L’absence de préavis concernant la réunion, selon plusieurs sources anonymes, accentue la brutalité du geste. Un message de menace aurait été envoyé seulement quelques minutes avant l’heure prévue, semant la panique parmi les employés, et laissant peu de place à une quelconque réaction. Cet aspect met en lumière la gestion potentiellement chaotique de l’entreprise et le manque de communication interne. Un ancien stagiaire a même témoigné avoir rejoint l'entreprise une heure avant les licenciements, pour se retrouver licencié aussi rapidement.
La défense du PDG et les conséquences
Face au tollé général, Oddsson, loin de se repentir, se défend sur LinkedIn en affirmant que le licenciement était une décision justifiée et que son entreprise est « plus forte que jamais ». Il se félicite même de l’impact positif sur l’activité de l’entreprise suite à la controverse, mentionnant une augmentation du trafic sur le site et un nombre record de candidatures suite aux licenciements massifs. Cette réaction, qui pourrait être perçue comme un manque de remords, voire une forme de cynisme, n’a fait qu’attiser les critiques.
Cette affaire met en lumière plusieurs problématiques importantes. Premièrement, elle interroge le recours massif aux stages non rémunérés, une pratique qui, si elle peut être légitime dans certains contextes, peut également être exploitée au détriment des stagiaires. Deuxièmement, elle souligne l'importance d'une communication claire et transparente au sein d'une entreprise, quelle que soit sa taille. Enfin, elle soulève la question de la responsabilité des dirigeants face à leurs employés, et la limite entre la fermeté et l'abus de pouvoir.
L’incident du licenciement massif chez The Musicians Club ne se résume pas à un simple cas de gestion calamiteuse. Il symbolise une certaine forme de dérive managériale, où la rapidité et la technologie sont privilégiées au détriment de l’humain et du respect des individus. Il laisse aussi entrevoir une possible culture d'entreprise toxique, fondée sur la précarité et l’exploitation des travailleurs. L'avenir de The Musicians Club reste incertain, mais il est clair que cette affaire aura des conséquences durables sur sa réputation et sa capacité à attirer et à retenir les talents. Plus largement, cet épisode sert de mise en garde sur les dangers d'un management autoritaire et expéditif à l'ère du numérique.