TikTok, le réseau social préféré des adolescents, est une nouvelle fois au cœur de la polémique. Accusé depuis longtemps de promouvoir des contenus toxiques et des comportements dangereux, la plateforme vient d'annoncer une mesure inédite : l'interdiction des filtres de beauté.
L’IA : amplificateur de beauté et de pression sociale
Si l'utilisation de filtres pour modifier son apparence n'est pas nouvelle, l'avènement de l'intelligence artificielle a considérablement renforcé leur impact. Les filtres proposés par TikTok, notamment ceux basés sur la réalité augmentée, offrent un réalisme saisissant, générant des images retouchées à la perfection. Ces outils, pourtant conçus pour le divertissement, ont rapidement été accusés de véhiculer des standards de beauté irréels et inaccessibles, exerçant une pression psychologique considérable sur les jeunes utilisateurs, en particulier les adolescentes.
L'affaire des Snapchat Surgeons, ces chirurgiens esthétiques sollicités pour reproduire les traits du visage filtrés, a mis en lumière les conséquences néfastes de ces pratiques. Les filtres de beauté, en créant un écart entre l'image de soi et la réalité, ont favorisé l'apparition de troubles du comportement alimentaire, de l'estime de soi et même de l'automutilation chez une certaine tranche d’âge de la population. Ainsi, et même si la décision d'interdire ces filtres est à saluer, elle intervient après de longs mois de tergiversations, sous l'impulsion conjuguée des instances européennes et de nombreuses actions en justice.
Une décision prise sous la contrainte
La décision de TikTok d'interdire les filtres de beauté aux adolescents apparaît comme une réponse aux nombreuses critiques et aux pressions réglementaires. Cependant, plusieurs éléments nuancent cette mesure :
- L'efficacité réelle de l'interdiction : comment TikTok va-t-il vérifier l'âge réel de ses utilisateurs ? L'expérience montre que de nombreux adolescents s'inscrivent avec une fausse date de naissance. De plus, même si les adolescents ne peuvent plus utiliser eux-mêmes les filtres, ils pourront toujours les voir dans les vidéos des autres utilisateurs.
- La question de la liberté individuelle : en interdisant certains outils, ne risque-t-on pas de limiter la créativité et l'expression de soi des utilisateurs ? La beauté est subjective et les filtres peuvent être un moyen de s'amuser et d'expérimenter différents styles.
- La responsabilité des parents : la surveillance parentale reste essentielle pour protéger les jeunes des contenus inappropriés.
L'interdiction des filtres de beauté sur TikTok est un événement qui fera (peut-être) date et qui pose la question de la responsabilité des plateformes sociales dans la construction de l'identité des jeunes. Si cette décision est un pas dans la bonne direction, elle ne suffit néanmoins pas à résoudre le problème de fond. Les 175 millions d'utilisateurs européens de TikTok placent donc l'entreprise face à une responsabilité importante : celle de protéger les mineurs. À défaut, elle pourrait faire face à des réglementations strictes, voire à une interdiction partielle, comme celle observée en Australie pour les moins de 16 ans.