Avec la diffusion du troisième acte de sa seconde saison le 23 novembre dernier, Arcane est finalement arrivé à sa conclusion. Prouesse technique et narrative, la série se déroulant dans l’univers de League of Legends s’est rapidement hissée dans la liste des séries d’animation les plus populaires de l’histoire. Mais si ce Netflix Original et sa saison 2 sont d’une qualité indéniable, les derniers épisodes témoignent des inévitables limites de l’initiative de Riot.
La seconde saison d’Arcane fait directement suite à la fin de la première, juste après l’attaque de Jinx sur le conseil de Piltover. Alors que le conseil tente de déterminer une réponse appropriée à cette attaque malgré ses morts et les blessés, Jinx se transforme peu à peu en un symbole de lutte pour les habitants de Zaun. Et alors que le conflit entre Zaun et Piltover approche la région toujours plus près de la guerre civile, des forces bien plus mystiques s’apprêtent également à jouer leurs cartes.
Les premiers balbutiements d’Arcane
Après une première saison qui avait reçu des retours dithyrambiques du public comme de la presse, les attentes étaient très élevées pour ce qui serait la saison conclusive d’Arcane. De prime abord, force est de constater que Fortiche réussit à démontrer un style graphique encore mieux maîtrisé que par le passé, probablement preuve d’une pipeline à la mécanique mieux huilée et du savoir-faire des artistes du studio. Ceux-ci démontrent ici tout leur talent et délivrent de nombreuses séquences d’anthologies, sublimées par des plans magnifiques et tirant le maximum du mélange entre 3D et 2D qui a fait la renommée du studio français et de sa série. Il semblerait toutefois que cette nouvelle saison démontre également les limites d’une production particulièrement onéreuse.
En effet, les 9 épisodes de cette saison voient régulièrement des parties du récit être mises en scène sous forme d’un montage qui tend fortement à rappeler le clip musical : composées d’images plus ou moins en mouvements et comptant parfois des transitions élaborées, ces séquences sont aussi supportées par des musiques (majoritairement pop) créées spécifiquement pour les besoins la série. Si certaines de ces scènes fonctionnent tout à fait, à l’exemple d’une scène d’enterrement au début de la série, d’autres paraissent hors de propos voire ne pas entièrement coller aux enjeux narratifs de la séquence qui se déroule sous nos yeux.
L’un des affrontements du troisième épisode, pourtant une séquence poignante aux enjeux importants, se retrouve rythmé par de la pop énergique dont l’inclusion ne réussit pas entièrement à singulariser les enjeux émotionnels de la séquence. De plus, si la première saison de la série comptait également son lot de séquences musicales, leur ponctualité soulignait leurs importances individuelles et renforçait des passages spécifiques. À l'inverse, les séquences musicales qui fonctionnent dans la saison 2 d’Arcane se retrouvent prises au milieu d’un tas d’autres séquences similaires qui, elles, apparaissent parfois comme la résultante d’une volonté de réduire les coûts sur des séquences à l’animation moins intensive et quelquefois plus proches du "motion comics" qu’autre chose. Bien sûr, il pourrait malgré tout s’agir de véritables choix artistiques de la part du studio qui réussit, même pendant les scènes qui fonctionnent le moins, à proposer quelque chose d’intéressant, mais c’est une décision à questionner tout autant, tant elle jure avec ce que la série avait pu installer précédemment.
Se donner les moyens de justifier sa fin
Ces considérations de production parcourent quelque peu cette seconde saison, un problème qui rappelle l’annonce selon laquelle elle conclut la série avait surpris un grand nombre de spectateurs. Si les deux premiers actes de la saison restaient dans une progression narrative et un rythme logique, le dernier acte brusque le récit vers une conclusion, certes cohérente avec ce qui avait été construit, mais qui condense bien trop de développements en un temps insuffisamment large.
En effet, les 3 derniers épisodes voient plusieurs personnages majeurs traverser plusieurs évolutions, ce alors que la série introduit de nouveaux procédés narratifs dans le même temps et effectue de multiples retournements de situations, dont certains demandent au spectateur de reconsidérer l’histoire dans son entièreté. Le dernier acte, et même spécifiquement les deux derniers épisodes, tente d’arriver au terme du récit en développant et concluant tout ce qu’il reste (ou presque) sur une durée de métrage insuffisante pour donner l’impression d’autre chose qu’une compression dudit récit sur sa portion finale.
Il est aussi fortement dommageable de voir Arcane dériver progressivement vers des tropes de blockbusters de fantasy en mettant de côté son traitement de la lutte de classes et du conflit sororal qu’il met en son centre au profit d’un climax aux vagues airs de blockbuster américain, avec ce que cela suppose de scènes ambitieuses et d'affrontements aux proportions grandiloquentes. Arcane ne perd jamais totalement de vue ses personnages et reste particulièrement "character-driven" mais cette étude de personnage se retrouve soudainement coincé entre des développements anarchiques et le soudain changement d’échelle des évènements. Une fin dommageable pour une série qui brillait jusque-là par ses qualités narratives.
Il faut streamline la pipeline ASAP
Malgré cette fin précipitée, Arcane reste une réussite indiscutable qui aura prouvé à beaucoup les qualités de l’univers créé par Riot Games en 2009. Portée par les talents du studio Fortiche, la série animée réussit le rare exploit de coupler une narration particulièrement solide et profonde à un style visuel saisissant. En ce sens, il est dommage d’apercevoir le série se prendre les pieds dans le tapis dans sa dernière ligne droite et se précipiter vers sa conclusion à cause de ce que l’on imagine être des contraintes de production voire budgétaires.
Effectivement, le budget d’Arcane n’est plus un secret, et si son montant (estimé autour de 250 millions de dollars) peut être réfuté par certains membres de la production, eux-mêmes s’accordent sur le fait que la série a coûté particulièrement cher : tellement cher que Riot n’estime même pas pouvoir atteindre le seuil de rentabilité sur son exploitation de l’œuvre. Pourtant, l’entreprise n’est pas découragée et voit Arcane comme une réussite, satisfaite par la réception élogieuse de sa production. Il faut dire que la série, en dehors de ses qualités et de ses échecs, a permis à Riot de se positionner comme un studio foncièrement concerné par la qualité de ses productions plus que de leur succès commercial et ainsi de se créer une image de marque auprès des spectateurs.
Le budget ronflant d’Arcane étant partiellement imputable au fait que le studio américain effectuait ici sa première virée dans le monde de la production télévisuelle, il est légitime de penser que l’entreprise a depuis trouvé ses marques et érigé une pipeline qui pourrait assurer une production plus fluide pour ses futurs projets. Christian Linke a effectivement déjà mentionné que de nouvelles séries étaient déjà prévues et, malgré toutes les déclarations assurant que Riot est extrêmement satisfait d’avoir dépensé autant d’argent dans la série (c’est le prix de la qualité, vous comprenez), il est certain que les séries qui suivront se feront sur un budget mieux maîtrisé.
Si le studio américain n’a pour l’instant que vaguement annoncé vouloir visiter les régions de Noxus, Demacia et Ionia, les attentes sont d’ores et déjà grandes pour la série qui devra succéder à Arcane et son succès phénoménal. De son côté, Fortiche Productions devrait toujours être à la tâche sur leur premier film d’animation : Penelope of Sparta, un long métrage dont la date de sortie n’a pas encore été annoncée. Ça ne devrait pas être la fin des collaborations entre les deux entreprises cependant, et bien qu’il reste entièrement possible que Riot choisisse de varier les studios pour ses futurs projets, Fortiche devrait bel et bien retourner à l’univers de League of Legends dans le futur.