Jaguar fait peau neuve pour son virage électrique, mais sa nouvelle identité artistique et abstraite déroute. L'absence de voitures dans sa campagne publicitaire et un logo épuré suscitent moqueries et critiques sur les réseaux sociaux. La marque joue gros avec ce pari risqué.
Une campagne publicitaire déroutante
Jaguar, symbole historique de l'élégance et de la puissance automobile britannique, a dévoilé sa nouvelle identité de marque, censée accompagner sa transition vers un avenir entièrement électrique. L'accueil, cependant, est loin d'être celui escompté. Sur les réseaux sociaux, la réaction est virulente, oscillant entre l'incrédulité et la moquerie. Le constructeur, jadis adulé, est aujourd'hui la cible d'une vague de critiques qui remet en question la pertinence de sa nouvelle stratégie.
Copy nothing. #Jaguar pic.twitter.com/BfVhc3l09B
— Jaguar (@Jaguar) November 19, 2024
La nouvelle campagne publicitaire, dépourvue de toute présence automobile, a particulièrement cristallisé le mécontentement. Des personnages aux tenues extravagantes, évoluant dans un univers coloré et abstrait, peignent, dansent et brandissent des marteaux, le tout rythmé par une musique entraînante. Des slogans énigmatiques tels que « create exuberant », « live vivid » ou encore « delete ordinary » défilent à l'écran, sans véritablement éclairer le spectateur sur la direction prise par la marque. L'absence flagrante de voitures, symbole même de l'identité de Jaguar, a suscité l'incompréhension et l'ironie. Même Elon Musk, PDG de Tesla, se pose la question de facon ironique "Vendez-vous des voitures ?" mettant en lumière l'incohérence d'une campagne automobile sans voitures. L'invitation de Jaguar à prendre le thé, perçue comme une réponse évasive, n'a fait qu'alimenter les moqueries.
Un nouveau logo trop basique
Cette campagne s'inscrit dans une refonte complète de l'identité visuelle de la marque, symbolisée notamment par un nouveau logo épuré, se débarrassant du félin emblématique. Ce choix radical, justifié par la volonté de moderniser l'image de Jaguar et de l'associer à l'art et à l'exubérance, a été perçu par beaucoup comme une trahison de son héritage. Le slogan « Copy nothing », destiné à affirmer l'originalité de la marque, a paradoxalement provoqué les sarcasmes, notamment de la part du fabricant de smartphones Nothing, qui s'est empressé de « copier » le nouveau logo de Jaguar sur ses réseaux sociaux, accentuant le malaise ambiant. Sauf que “Nothing” c’est aussi une marque Tech qui aime bien jouer avec Internet. Alors forcément ils ont changé leur logo et ajouté comme slogan “Copy Jaguar”.
im just a chill admin pic.twitter.com/c9MqF3RlkD
— Nothing (@nothing) November 21, 2024
La défense de Jaguar
La direction de Jaguar, incarnée par Gerry McGovern, directeur de la création, défend cette nouvelle orientation. Il explique que la marque s’inspire de la philosophie de son fondateur, Sir William Lyons : « une Jaguar ne doit être la copie de rien ». L'objectif est de créer une Jaguar pour l'avenir, axée sur l'« Exubérantisme Moderne », un concept mêlant audace artistique et innovation. La couleur, notamment les primaires, joue un rôle central dans cette nouvelle identité, symbolisant la vitalité et la créativité.
Cependant, le public semble majoritairement insensible à ces arguments. Nombreux sont ceux qui perçoivent cette nouvelle orientation comme un virage « woke » maladroit, un terme souvent utilisé pour critiquer les marques qui adoptent des positions jugées trop progressistes. Les commentaires sur les réseaux sociaux sont sans appel : « Ils ont perdu la tête ! », « Adieu Jaguar, c'était bien de te connaître », « Ils n’ont pas compris que le woke est mort ». Certains accusent la marque de s'éloigner de ses valeurs fondamentales, au profit d'une esthétique artificielle et déconnectée de la réalité du marché automobile. D'autres pointent du doigt l'absence de cohérence entre la campagne publicitaire et le produit, soulignant l'ironie d'une marque automobile qui ne montre aucune voiture.
Un pari risqué dans un contexte difficile
L’ironie est d’autant plus palpable que ce changement d’identité intervient dans un contexte de transition difficile pour l’industrie automobile. Le passage à l’électrique représente un défi majeur pour les constructeurs traditionnels, qui doivent adapter leur production, leurs technologies et leur image à cette nouvelle réalité. Dans ce contexte, le choix de Jaguar de se concentrer sur une communication abstraite et artistique, au détriment d’une présentation concrète de ses futurs modèles électriques, apparaît pour le moins risqué. La marque semble avoir privilégié l’esthétique au détriment de la substance, une stratégie qui pourrait s’avérer contre-productive.
La présentation d'un nouveau concept car lors de la Miami Art Week, début décembre, sera un moment crucial pour Jaguar. La marque devra convaincre le public que cette nouvelle identité n’est pas qu’un simple artifice marketing, mais qu’elle s’incarne dans des véhicules innovants et performants. L’enjeu est de taille : regagner la confiance des clients et prouver que Jaguar, malgré les critiques, est capable de se réinventer sans renier son héritage. Le pari est audacieux, mais le risque de l’échec est bien réel. L’avenir dira si Jaguar a fait le bon choix ou si cette nouvelle identité marquera le début du déclin pour la marque historique.