En guerre contre OpenAI et son patron Sam Altman, Elon Musk a décidé d’étendre ses poursuites judiciaires contre la firme d’intelligence artificielle en incluant Microsoft dans les poursuites. En marge de ce choix, de nouveaux détails concernant la relation entre les deux hommes ont émergé.
Sommaire
- Elon Musk, la marionnette de Sam Altman ?
- 44 millions de dollars investis par le patron de Tesla
- L’heure de la trahison
- Elon Musk demande réparation
En mars 2024, Elon Musk s'est lancé dans une bataille judiciaire contre OpenAI, l’entreprise à l’origine de ChatGPT qu’il a contribué à fonder avec Sam Altman et Greg Brockman. En 2015, le trio s’était réuni pour créer une intelligence artificielle « pour le bénéfice de l’humanité » , et OpenAI devait, pour cela, rester une entité à but non lucratif. Mais ce n’est pas la direction prise par OpenAI, et ça, Elon Musk ne l’a pas digéré, même s'il a démissionné de son conseil d’administration en 2018.
On était en droit de se demander où en était cette affaire, maintenant qu’Elon Musk est devenu membre du gouvernement Trump et qu’il a sans doute d’autres chats à fouetter. Mais le fait est que non seulement les poursuites sont encore en cours, mais elles ont été étendues pour inclure Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn et membre du conseil d’administration de Microsoft, dans les poursuites.
Elon Musk, la marionnette de Sam Altman ?
Le document qui détaille l’affaire a été enrichi pour l’occasion : il fait désormais 107 pages et contient moult détails sur la manière dont Sam Altman aurait tiré les ficelles pour manipuler Elon Musk. Il est notamment raconté que Sam Altman aurait présenté le projet initial comme étant une organisation à but non lucratif à Elon Musk, pour le motiver à y investir des millions de dollars.
« Pour convaincre Musk de sa sincérité, Altman a promis d’investir personnellement et de contribuer financièrement de manière significative à l’organisation à but non lucratif. Cependant, il a été révélé par la suite qu’Altman avait largement surestimé ses contributions financières réelles, qui étaient bien inférieures à ce qu’il avait initialement promis », détaille le document.
Pour définitivement motiver Elon Musk à investir massivement, il aurait dégainé en juin 2015 la fameuse promesse de « créer la première IA générale et de l’utiliser pour l’autonomisation individuelle, c’est-à-dire une version distribuée du futur qui semble la plus sûre. Plus généralement, la sécurité devrait être une exigence de premier ordre », explique une fois encore le document. « La technologie appartiendrait à la fondation et serait utilisée “pour le bien du monde”. »
OpenAI est présenté publiquement le 11 décembre 2015. À l’époque, Elon Musk est le coprésident de son conseil d’administration aux côtés de Sam Altman, tandis que Greg Brockman en est le directeur technique. Le nom d’Elon Musk, étant le plus connu, est largement mis en avant pour donner du poids au projet.
44 millions de dollars investis par le patron de Tesla
Durant les premières années d’OpenAI, le document stipule que le milliardaire a contribué très largement à financer « les frais de loyer et de fonctionnement » de l’organisation, en plus d’apporter son expertise technique et d’œuvrer pour recruter des pontes du domaine de l’IA. En tout, ce serait un total de 44 millions de dollars qu’Elon Musk aurait investis pour qu’OpenAI puisse notamment concurrencer DeepMind, le projet de Google.
Cependant, selon Elon Musk, Sam Altman avait depuis le début une idée derrière la tête. Le milliardaire affirme que les dirigeants d’OpenAI l’auraient écarté délibérément pour transformer l’organisation à but non lucratif en une entreprise lucrative afin d’attirer des milliards de dollars d’investissements, notamment de Microsoft. Elon Musk dénonce une trahison de l’esprit initial du projet, le tout réalisé en secret, sans consultation des donateurs dont il était le fer de lance.
Parmi les échanges qui ont été dévoilés dans la documentation de l’affaire, on peut notamment voir qu’Elon Musk a très tôt rejeté l’idée d’un partenariat entre OpenAI et Microsoft, notamment parce que la firme de Redmond voulait qu’OpenAI fasse la promotion de ses produits. En outre, en 2016, Microsoft sortait d’un bad buzz avec Tay, une intelligence artificielle accessible sous la forme d’un chatbot, qui était « devenue nazie » en l’espace de 24 heures. Le milliardaire ne voulait surtout pas qu’OpenAI soit associé à une telle image.
« La voie sage consiste à aborder l’avènement de l’IA avec prudence et à veiller à ce que son pouvoir soit largement distribué et non contrôlé par une seule entreprise ou personne. C’est pourquoi nous avons créé OpenAI », écrivait alors Elon Musk à Sam Altman fin 2016.
L’heure de la trahison
La plainte d’Elon Musk raconte ensuite que Sam Altman et Greg Brockman auraient commencé à travailler à la transformation d’OpenAI en entreprise générant des profits à partir de 2017, tout en continuant à faire croire au milliardaire qu’ils comptaient continuer avec le statut de structure à but non lucratif. Conscient qu'il fallait booster les financements d'OpenAI afin de permettre à cette initiative d'avancer, Elon Musk aurait alors cherché à la faire fusionner avec Tesla afin de pouvoir mieux la financer. Mais Altman et Brockman auraient rejeté cette idée, ce qui aurait entraîné le départ de Musk du conseil d'administration d'OpenAI.
Ce serait finalement en mars 2018, à peine un mois après le départ du milliardaire, qu’Altman et Brockman auraient concrètement mis en chantier leur projet. Début 2019, Sam Altman est devenu PDG d’OpenAI.
Les accusations d’Elon Musk vont encore plus loin, puisque le milliardaire accuse Microsoft d’avoir formé une alliance avec OpenAI afin de monopoliser le marché de l’intelligence artificielle. Microsoft aurait accordé à OpenAI un accès exclusif à ses infrastructures de calcul, créant, par la même occasion, un déséquilibre concurrentiel au détriment d’autres acteurs du secteur. Une stratégie qui, toujours selon le patron de Tesla, va à l’encontre de la concurrence équitable.
« À la suite de leurs actions illégales, les défendeurs se sont injustement enrichis à hauteur de centaines de milliards de dollars, tandis qu’Elon Musk s’est fait arnaquer, au même titre que le public », résume le document de justice.
Elon Musk demande réparation
Ces détails ne résument que quelques-unes des 26 accusations qui sont listées dans le document du procès. Aujourd’hui, le milliardaire réclame des compensations financières pour les pertes qu’il estime avoir subies. Il demande également que Sam Altman et ses partenaires soient tenus responsables de leurs décisions qu’il qualifie de frauduleuses et contraires aux engagements initiaux d’OpenAI.
Difficile de savoir jusqu’où cette affaire pourrait aller, mais ce qui est certain, c’est qu’elle met en avant un système opaque et complexe qui implique l’une des innovations les plus prometteuses et lucratives du moment. Et des questions fondamentales en émergent également : qui doit contrôler l’avenir de l’intelligence artificielle ? Peut-on encore croire en des projets technologiques entièrement dédiés au bien commun ? Les réponses pourraient bien ne pas plaire à tout le monde.