Faire des voitures pas chères c’est compliqué

L’industrie automobile européenne traverse une période de turbulences sans précédent. Entre les objectifs ambitieux de l'Union européenne en matière de réduction des émissions, l'arrivée massive de véhicules électriques chinois à prix compétitifs et une crise sectorielle persistante, les constructeurs traditionnels se retrouvent pris dans un étau. Seat, fleuron espagnol du groupe Volkswagen, n’échappe pas à la règle et voit aujourd'hui sa production menacée.

Le pari initial était simple : positionner Seat comme la marque la plus accessible du groupe. Une stratégie qui a longtemps porté ses fruits, permettant à la marque de conquérir un large public. Cependant, la transition forcée vers l'électrique rebat les cartes et met en péril cet équilibre fragile.

L’horizon 2035, initialement fixé pour l’interdiction totale des moteurs thermiques, a certes été quelque peu repoussé et amendé, autorisant l'utilisation de carburants synthétiques neutres en carbone. Toutefois, cette concession ne change rien au fond du problème. L'échéance de 2030, avec l'objectif de réduction de 55% des émissions (Fit55), impose d'ores et déjà des contraintes drastiques. Atteindre le seuil maximal de 42,75 g/km de CO2 obligera les constructeurs à miser massivement sur l'hybride rechargeable, voire le 100% électrique. Les véhicules thermiques classiques, même optimisés, auront de plus en plus de mal à trouver leur place.

Des amendes qui font réfléchir

Dès 2025, le système de quotas d'émissions et d'amendes associé entrera pleinement en vigueur. Pour chaque gramme de CO2 dépassant la limite autorisée par véhicule vendu, une pénalité de 95 euros sera appliquée. Des sanctions qui peuvent rapidement se chiffrer en milliards d'euros pour les constructeurs dont les gammes ne sont pas suffisamment électrifiées. Le groupe Volkswagen, avec une moyenne d'émissions autour de 120 g/km de CO2 en 2023, se retrouve ainsi particulièrement exposé.

Face à cette pression réglementaire et financière, Seat se retrouve dans une situation délicate. La marque espagnole, historiquement positionnée sur le segment des véhicules thermiques abordables, accuse un retard certain en matière d'électrification. Si Cupra, la marque premium du groupe, incarne l’avenir électrique avec des modèles comme le Tavascan, Seat peine à proposer une offre électrique compétitive en termes de prix.

Or, la stratégie du groupe Volkswagen semble privilégier Cupra au détriment de Seat. Wayne Griffiths, PDG de Seat, a lui-même tiré la sonnette d’alarme, évoquant un risque majeur pour la production du site de Martorell. Selon lui, deux scénarios sont envisageables : soit Cupra parvient à écouler suffisamment de véhicules électriques pour compenser les émissions des modèles Seat, soit la production de véhicules thermiques à Martorell devra être réduite, potentiellement jusqu’à 25%. Une perspective inquiétante pour l’emploi et l’économie locale.

L'arrivée de constructeurs chinois, proposant des véhicules électriques à des prix plus attractifs, complique encore la situation. Si l'Union européenne a instauré des droits de douane pour protéger son industrie, ces mesures pourraient se révéler contre-productives. En effet, elles risquent de freiner l’adoption des véhicules électriques par les consommateurs européens et de pénaliser les constructeurs qui, comme Volkswagen, ont noué des partenariats avec des entreprises chinoises. Le cas du Cupra Tavascan, produit en Chine et soumis à des droits de douane importants, est emblématique de cette complexité.

La crise que traverse Seat n’est pas un cas isolé. L’ensemble de l’industrie automobile est confronté à des défis majeurs. Le groupe Volkswagen a annoncé un vaste plan d'économies, avec la fermeture potentielle de trois usines. Stellantis envisage également de réduire sa production de véhicules thermiques en Europe. Dans ce contexte tendu, l'avenir de Seat reste incertain. La marque espagnole devra rapidement se réinventer pour survivre à la transition électrique et trouver sa place dans un marché en pleine mutation. La piste de la micromobilité, évoquée par certains, pourrait constituer une alternative, mais elle ne suffira probablement pas à compenser la perte potentielle de volumes sur le marché des véhicules particuliers. L'enjeu est crucial pour Seat, mais aussi pour l'ensemble de l'industrie automobile européenne, qui doit réussir sa mutation sans sacrifier ses emplois et sa compétitivité.