Le Service d'information du gouvernement (SIG) a récemment lancé un appel d'offres pour étendre son dispositif de surveillance des activités en ligne des Français. Ce projet ambitieux vise à analyser les recherches sur Google, TikTok et Instagram et à détecter en amont les « signaux faibles » sur les réseaux sociaux.
Une surveillance renforcée des activités en ligne
Jusqu’à présent, le Service d'information du gouvernement se concentrait sur l'analyse des contenus publics publiés sur les réseaux sociaux et la presse en ligne. Mais avec ce nouvel appel d'offres, l'objectif est de surveiller davantage de plateformes en ligne, en intégrant désormais les recherches Google et les contenus postés sur des réseaux sociaux visuels comme TikTok et Instagram. L'objectif affiché est d'enrichir les stratégies de communication gouvernementales en suivant les requêtes spontanées des internautes et en identifiant les tendances qui émergent sur ces plateformes.
Avec un budget alloué de plus de 5 millions d'euros sur quatre ans, cette initiative s'inscrit dans un cadre plus large de collecte de données pour suivre l'opinion publique à l’approche d’importantes échéances électorales.
Selon des informations partagées par le site L'Informé, le SIG souhaite étudier des mots-clés et des contenus visuels afin de saisir les tendances et les préoccupations qui mobilisent les citoyens. Les outils de surveillance envisagés permettraient au gouvernement de suivre l’évolution des intérêts du public, de les comparer dans le temps et de les analyser de manière géographique. En vue des prochaines élections présidentielles de 2027, cette extension du champ de surveillance se positionne comme une ressource supplémentaire pour anticiper les changements dans l'opinion publique et mieux orienter les actions et messages politiques.
L'une des ambitions principales de ce projet réside dans la détection des « signaux faibles », une technique qui permettrait d’identifier les thèmes et sujets gagnant progressivement en popularité avant qu’ils n’atteignent un large public. En utilisant des outils d'intelligence artificielle, le gouvernement espère pouvoir détecter et analyser l’évolution des sentiments en ligne, prédire des événements critiques, et ainsi réagir rapidement en cas de crise ou de controverse.
Cette capacité de détection des signaux faibles pourrait aussi permettre de repérer précocement des mouvements de désinformation, des tentatives de manipulation de l’opinion via des faux comptes, ou même des appels à rassemblement comme ceux observés lors des manifestations des Gilets jaunes en 2018 ou les mobilisations contre la réforme des retraites en 2023. Pour le SIG, cette veille avancée est une manière d’adapter sa stratégie de communication et d’anticiper les réactions de l’opinion face à des décisions politiques sensibles.
Le budget consacré à ce projet, estimé à plus de 5 millions d'euros sur quatre ans, souligne l’importance accordée par le gouvernement à la gestion des dynamiques d’opinion en ligne. Ce montant couvre le développement et l’utilisation d’outils de suivi et de surveillance ainsi que l’accès à des technologies de détection de signaux faibles et d’analyse prédictive.
Néanmoins, cette somme considérable soulève des questions sur la priorité accordée à une telle surveillance dans un contexte où les budgets publics sont souvent sous pression. Alors que de nombreux secteurs publics, comme l'éducation ou la santé, sont régulièrement confrontés à des coupes budgétaires, certains observateurs pourraient questionner la pertinence de consacrer autant de ressources financières à la surveillance de l’opinion publique. L’idée de renforcer la communication institutionnelle est pertinente dans une démocratie, mais les critiques risquent de pointer du doigt l’impact de ces outils sur la vie privée des citoyens.
Une initiative qui divise l’opinion
Ce projet de surveillance numérique intensifiée suscite des inquiétudes quant à la protection de la vie privée et au respect des libertés individuelles. Pour de nombreux défenseurs des libertés numériques, cette initiative rappelle les dispositifs de surveillance massive qui font l'objet de controverses dans d'autres pays. Bien que le gouvernement présente cet outil comme une simple analyse de l’opinion publique, certains y voient un glissement vers une société de surveillance renforcée, où les comportements individuels et les opinions exprimées sur Internet pourraient faire l’objet d’un suivi systématique.
La détection des signaux faibles peut, en effet, permettre d’identifier des tendances et d’anticiper les réactions du public, mais elle peut aussi potentiellement encourager des décisions politiques basées sur une interprétation subjective des données recueillies. D’autant plus que cette surveillance touche à des plateformes privées comme les réseaux sociaux et les moteurs de recherche, où les utilisateurs partagent parfois des contenus sensibles. La question de savoir comment ces données seront protégées et gérées reste une préoccupation majeure pour les défenseurs de la vie privée, d’autant plus que les détails techniques de cette surveillance ne sont pas encore pleinement définis.
Ce projet du Service d'information du gouvernement ouvre un débat important sur les limites de la surveillance et la protection de la vie privée dans un contexte numérique en évolution rapide. Alors que le gouvernement cherche à mieux comprendre les dynamiques de l’opinion publique, il devra aussi répondre aux préoccupations des citoyens quant à la confidentialité de leurs activités en ligne. Cet équilibre entre sécurité et respect des libertés individuelles est un enjeu crucial, surtout à l'approche d'élections décisives où la transparence des actions gouvernementales sera scrutée de près.