On a tous horreur des maux de tête, Volkswagen y compris, qui voit dans la voiture électrique une migraine particulière. Une douleur sourde qui persiste depuis un certain temps et qui, malgré quelques analgésiques ponctuels, continue de rôder sans jamais vraiment disparaître. Un mal de tête qui a forcé la marque à prendre des mesures plus drastiques.
Une situation compliquée
Fatigué des problèmes récurrents posés par la conversion de la gamme en véhicules purement électriques, Thomas Schäfer, PDG du Groupe Volkswagen après le départ d'Herbert Diess, a décidé que des mesures drastiques devraient être prises dans les mois à venir pour redresser la barre de l'entreprise. L'Allemagne était leader en Chine. Ses ventes ont chuté de moitié et la voiture électrique est en train de tuer BMW, Mercedes ou Volkswagen.
Schäfer, selon Wards Auto, a annoncé à d'autres dirigeants en juillet 2023 que "le toit était en feu" et qu'il était nécessaire d'éteindre l'incendie avec une restructuration générale de l'entreprise pour réduire les coûts. Le problème est que le Groupe Volkswagen est si grand que tout changement de cap implique un coût énorme. Schäfer veut que le Titanic évite l'iceberg mais, pour le moment, le paquebot est incapable de virer comme le ferait un hors-bord.
Le problème est que le conglomérat automobile à des structures et processus trop complexes, lents et inflexibles. Le plan consiste à créer des programmes d'incitations permettant d'économiser jusqu'à 10 milliards d'euros dans les trois prochaines années.
Les problèmes rencontrés par Volkswagen actuellement ne résultent pas de ses derniers mouvements. Le groupe traîne une série de mauvaises décisions qui ont fini par créer un chaos total en ce qui concerne les plateformes. Ses marques et Cariad (chargée du développement logiciel) ont dû cohabiter avec l'échec de la plateforme MEB, les retards de la plateforme intermédiaire PEE et le lancement également reporté de la SSP.
Tout cela a fini par créer un chaos qui a convaincu Porsche qu'elle doit voler de ses propres ailes et qu'Audi cherche une plateforme chinoise pour soutenir une marque qui voit ses lancements retardés tout en perdant de la pertinence en Chine. Et bien qu'il semble que nous verrons la plateforme SSP sur la route en 2026 (si rien ne tourne mal), le grand projet de Volkswagen, avec la conduite autonome en tête, a été reporté à 2030.
Le marché a changé
Quand on a entre les mains un géant comme Volkswagen, il est facile de tomber dans l'optimisme et de surdimensionner les chiffres attendus pour les prochaines années. C'est précisément ce qui s'est passé avec la voiture électrique. Ils s'attendaient à ce que la Volkswagen ID.3 devienne leur nouvelle Volkswagen Golf, mais le marché a complètement changé.
Bien que la logique veuille que les premières voitures électriques de masse aient plus de sens en ville, leur coût les a poussées vers le haut de gamme. Pour justifier leurs prix, la plupart des marques n'ont pas hésité à introduire cette technologie dans des véhicules grands, chers et lourds. Volkswagen sait que son avenir passe par la vente de voitures électriques bon marché. Le problème est que l'entreprise ne sait pas comment y parvenir. Le client s'est tourné vers le marché des SUV, et l'ID.4 n'a pas tardé à éclipser l'ID.3. Mais surtout, la Volkswagen avait une autonomie limitée et des qualités qui ont été critiquées par la presse. Parmi elles, les fameux contrôles tactiles du volant.
Avec une perception de qualité inférieure à celle attendue chez Volkswagen, des entreprises comme Tesla qui proposent des voitures moins chères avec une meilleure autonomie (même si la qualité des finitions n'est pas non plus la meilleure) ont fini par prendre une part de leur marché. Volkswagen n'a probablement pas envisagé la croissance énorme de Tesla ou le fait qu'en Chine, une guerre commerciale les laisserait sur la touche. Entre la marque d'Elon Musk et l'arrivée de fabricants asiatiques, Volkswagen a perdu une part de marché qu'elle devait occuper en Europe par tradition.
Il ne faut pas perdre de vue que Volkswagen a eu dans l'ID.3 et l'ID.4 deux des quatre voitures les plus vendues en Europe. Mais avec le temps, la première s'est effondrée. L'année dernière, la Volkswagen ID.4 a placé plus de 83 000 unités sur le marché et a été la troisième voiture électrique la plus vendue.
Cependant, elle est restée 18 300 unités derrière la Tesla Model 3 et, surtout, très loin des 255 000 unités mises sur le marché par la Tesla Model Y, la voiture la plus vendue en Europe l'année dernière. L'ID.3, qui n'avait pas mal commencé l'année, s'est effondrée à la neuvième position avec 63 480 unités, selon les données recueillies par Statista.
La Chine a toujours copié la technologie occidentale. Maintenant, c'est l'inverse : Volkswagen recherche des ingénieurs chinois. Comment seraient les comptes de Volkswagen qui, depuis plus d'un an, sont inondés de nouvelles parlant de réductions de production.
L'année dernière, la croissance des ventes de voitures électriques a porté cette technologie à une part de marché en Europe supérieure à 20 %. Bien que 2024 soit une année de refroidissement, les données restent relativement bonnes. Selon les derniers calculs de l'ACEA, la part de marché reste de 13,1 % (contre 14 % l'année dernière à cette époque).
Il est plus spécifique de dire qu'il existe une faible demande pour les Volkswagen électriques ou, du moins, une demande pas aussi élevée que ce que l'entreprise espérait. Cela a conduit à des demandes inférieures de 30% aux attentes. Déjà en 2023, nous avons vu des arrêts de production de la Volkswagen ID.3 et de la Cupra Born.
Bloomberg a rapporté que l'entreprise a décidé de redistribuer la production de voitures électriques entre ses usines déjà opérationnelles et de rejeter un investissement déjà prévu de 2 milliards d'euros pour construire une autre usine en Allemagne. Le modèle qui devait sortir de ses portes était le projet Trinity, le plus avancé qui, comme nous l'avons dit, a été reporté à la fin de la décennie.
À la mercie du marché
Pour le moment, plutôt que de dominer le marché, il semble que le marché domine Volkswagen. Bien que les acheteurs demandent des voitures électriques moins chères, les ajustements entrepris par Volkswagen ne semblent pas les pousser à pouvoir vendre une voiture électrique à un prix inférieur et à moindre marge de bénéfice. En fait, ils avaient déjà averti il y a quelques mois "nous ne sommes pas une ONG".
Tout indique que l'Europe prendra des mesures contre les voitures électriques chinoises et les entreprises bénéficiant de leur gouvernement. Tesla, le grand rival à battre, est également dans le collimateur de l'Union européenne pour la même raison. Renault se trouve dans la même position (comme BMW) mais les décisions prises en France pourraient mettre hors jeu le Cupra Tavascan, dont la fabrication est prévue en Chine et pour lequel le conglomérat place beaucoup d'espoir.
De plus, la Chine a démontré qu'elle croît dans la vente de voitures électriques sans tenir compte de l'Allemagne. Ses marques se diluent. Le gouvernement chinois a menacé d'augmenter davantage les taxes sur les voitures à combustion de grande cylindrée, où les entreprises allemandes ont toujours excellé. Et parmi les électriques, elles ne cessent de perdre du terrain face à une industrie locale qui séduit les clients avec d'énormes écrans et un logiciel beaucoup plus avancé.