La Gigafactory de Tesla située à Berlin affiche un taux d’absentéisme énorme, qui est trois fois plus élevé que celui de la moyenne nationale. Pour tenter de remédier à cette situation, le constructeur américain applique des méthodes discutables.
En ouvrant une Gigafactory en Allemagne, à proximité de Berlin, le constructeur automobile Tesla ne se doutait sans doute pas qu’il allait être confronté à un problème d’absentéisme en apparence incontrôlable. Et pourtant, cette usine est clairement la plus touchée par le phénomène en Allemagne : la moyenne nationale du taux d’absentéisme dans l’industrie automobile y est de 6,1 %. Dans la Gigafactory de Berlin, il est monté jusqu’à 17 % en juillet dernier. Et même s’il est descendu à 11 % en août, cela reste alarmant.
De courts arrêts maladie en cause
Au sein de cette usine qui ne dort jamais, 12 000 ouvriers travaillent en trois-huit. La production actuelle est de 5000 Tesla par semaine, mais il est prévu qu’elle double dans les prochains mois. Autant dire que la cadence peut s’avérer infernale dans ce lieu où l’automatisation est pourtant en constante augmentation.
Les arrêts maladie se multiplient ces derniers mois. Ces derniers ont tendance à être relativement courts : un jour ou deux dans la plupart des cas. Mais lorsque ce sont des centaines de personnes qui sont absentes en même temps, cela rajoute une pression importante sur le dos des ouvriers en poste. Et ça, le manager de l’usine, André Thierig, ne le supporte pas.
Dans un enregistrement réalisé en interne durant une réunion du personnel, et révélé par le quotidien allemand Handelsblatt, le même André Thierig est monté au créneau : « Nous ne tolérerons pas que certaines personnes doivent plier sous la charge pour d’autres qui ne souhaitent pas venir au travail », a-t-il déclaré. « Il n’y a pas de place dans cette usine pour des gens qui ne sortent pas du lit le matin. »
Pour lui, et pour d’autres dirigeants de l’usine, les employés en arrêt de travail cherchent uniquement à profiter du système social allemand. Alors ils ont décidé d’associer la théorie à la pratique.
Des visites surprises chez les employés absents
En premier lieu, les dirigeants de l’usine allemande ont employé la technique de la carotte : ils ont proposé 1 000 euros à tous les employés affichant un taux de présence d’au moins 95 %. Mais cela n’a clairement pas suffi, alors ils sont passés au bâton.
C’est ainsi qu’André Thierig et une poignée d’autres managers de l’usine ont donc entrepris de rendre eux-mêmes visite aux salariés de l’usine en arrêt de travail. Une trentaine de personnes ont eu la surprise de voir débouler leur patron à leur porte, sans prévenir.
L’objectif des dirigeants ? Sensibiliser les employés absents et leur rappeler « l’éthique de travail ». Mais aussi vérifier s’ils étaient véritablement malades ou pas. Sans grande surprise, ils ont été majoritairement mal reçus, et s’en plaignent d’ailleurs dans l’enregistrement diffusé par Handelsblatt.
Il faut souligner qu’en Allemagne, cette démarche n’est pas illégale : un patron peut visiter ses employés en arrêt. Cependant, éthiquement, cela reste une démarche discutable, d’autant plus que la Gigafactory Tesla de Berlin n’est pas réputée pour être l’endroit idéal pour travailler dans un cadre bienveillant.
Le syndicat des travailleurs monte au créneau
Cela fait plusieurs mois que le management de l’usine allemande de Tesla est fortement pointé du doigt par le syndicat IG Metall, qui défend les employés de la Gigafactory. Des conditions de travail très difficiles, des horaires à rallonge, des accidents de travail qui se multiplient et une tendance à cultiver la peur auprès des salariés sont autant de raisons qui semblent pousser ces derniers à se faire porter pâle.
« Je travaille là depuis le lancement de la production en 2022 et je suis déjà épuisé moralement et physiquement », expliquait un salarié à l’Humanité en août 2024. « Beaucoup de gens sont, comme moi, au bout du rouleau. Nous subissons une pression de tous les instants pour accroître les cadences. » Si l’on ajoute à cela le fait que les salariés de Tesla Giga Berlin sont moins bien payés que ceux qui travaillent chez d’autres constructeurs automobiles — jusqu’à 25 % de moins que chez Volkswagen, par exemple — on comprend aisément pourquoi la motivation n’est pas au rendez-vous.
De quoi mettre du plomb dans l’aile de la mécanique bien huilée de Tesla. En attendant que des robots puissent faire le travail à la place des ouvriers de chair et de sang, les dirigeants de l’entreprise vont clairement devoir comprendre que l’homme n’est pas une machine…