Le géant sud-coréen de l’électronique en a décidé ainsi. Du moins, c’est ce qu’ont conclu les réparateurs, dont iFixit un des leaders en la matière au vu de la posture adoptée par Samsung.
Les écouteurs sans fil sont devenus des compagnons indispensables de notre quotidien. Samsung, l'un des leaders du marché, a su séduire de nombreux utilisateurs avec ses Galaxy Buds, dont la dernière version, les Buds 3 Pro, a suscité un engouement certain. Pourtant, derrière ce succès commercial se cache une réalité bien moins reluisante : la difficulté, voire l'impossibilité, de réparer ces petits bijoux de technologie.
Samsung fait la sourde oreille sur l’aspect réparabilité ?
Samsung semble avoir tourné casaque pour s’orienter vers des produits de moins en moins réparables. Ce n’est pas forcément évident, mais c’est ce que certains réparateurs officiels, comme iFixit affirment.
En effet, ces derniers prônent le Do It Yourself (fais-le toi-même). En bref, si votre matériel tombe en panne, avec des sites comme iFixit ou encore Phone Repair Guru, vous allez pouvoir le réparer vous-même.
Si vous réussissez, en plus de pouvoir continuer à utiliser votre appareil, vous allez en plus faire des économies. Mais il semblerait que cela ne soit pas du goût de Samsung. En effet, bien que ce dernier mette en avant l’aspect réparabilité de ses appareils, dont les écouteurs sans fils comme le Galaxy Buds3 et le Buds3 Pro, cette bonne volonté ne dépasse par les bancs d’essai des ateliers qui leur trouvent beaucoup d’obstacles pour être simplement réparables par des gens peu expérimentés.
Les Galaxy Buds 3 Pro ont été conçus avec un design minimaliste et élégant, mais cette esthétique soignée a un coût : la réparabilité. Plusieurs éléments relevé par différents réparateurs expliquent cette difficulté :
- Boîtier monobloc : Le boîtier des écouteurs est souvent constitué d'une seule pièce, rendant son ouverture extrêmement délicate, voire impossible sans l'endommager.
- Composants soudés : La plupart des composants internes, tels que la batterie, les microphones ou les haut-parleurs, sont soudés à la carte mère. Cette technique, bien que plus économique à la production, rend le remplacement de ces éléments quasi impossible.
- Utilisation de colles résistantes : Les différents éléments du boîtier sont souvent collés avec des adhésifs très résistants, rendant leur séparation extrêmement difficile sans endommager les composants.
- Absence de vis standard : Les vis utilisées pour assembler les différents éléments du boîtier sont souvent spécifiques et non standardisées, ce qui rend leur remplacement
compliqué en cas de perte ou de détérioration.
Tout cela vient compliquer le processus de réparation et surtout, le rend moins accessible au premier quidam venu qui souhaite réparer ses écouteurs. Et cela a de lourdes conséquences pour les utilisateurs et pour les acteurs :
- Coût élevé des réparations : En cas de panne, les réparations sont souvent très coûteuses, voire impossibles à réaliser en dehors d'un centre de service agréé.
- Obsolescence prématurée : La difficulté de réparer les Galaxy Buds 3 Pro encourage les utilisateurs à remplacer leurs écouteurs plutôt que de les faire réparer, ce qui contribue à l'obsolescence programmée.
- Impact environnemental : La production de nouveaux appareils électroniques consomme de grandes quantités de ressources naturelles et génère des déchets électroniques.
En fait, cela va directement à l’encontre de l’esprit qui a été mis en avant ces dernières années par des entreprises comme iFixit. D’où la brouille qui s’en est suivi entre le géant sud-coréen de l’électronique et l’acteur américain de la réparation.
iFixit : un partenaire de choix qui rompt avec le géant sud-coréen
De base, l’entreprise américaine iFixit devait se mettre à la colle avec Samsung en 2017 autour du projet Galaxy Upcycling. Ce concept mettait en avant la volonté de Samsung d’ouvrir son système de smartphone (bootloader) afin de pouvoir réutiliser les smartphones Samsung Galaxy dans un nouvel usage.
Cette première expérience tomba à l’eau. Mais une seconde se présenta 5 ans plus tard avec le géant Sud-Coréen qui contacte directement iFixit afin de développer un partenariat. Le cœur de ce dernier ? Développer des outils et de la documentation pour aider à réparer les smartphones Samsung.
Vu la place que prend le Sud-Coréen sur le marché, c’était un volume important d’appareils qui étaient concernés. Mais, comme dit l’expression : “l’enfer est pavé de bonnes intentions”. Et iFixit, après avoir pu appréhender la manière dont Samsung envisageait le côté “réparable” de ses appareils, a décidé d’en finir avec cette relation.
Nous avons donc décidé de prendre les grands moyens et de mettre fin à notre partenariat avec Samsung. Malgré tous les efforts déployés, l’approche de Samsung en matière de réparabilité ne s’aligne pas avec notre mission. Scott Head - Director of Parts Development and Operations
La pomme de discorde ? Les moyens mis en œuvre et le tarif des matériaux qui rend complètement inintéressant le fait de réparer les appareils de chez Samsung. Que ce soit les smartphones dont les pièces qui cassent le plus souvent, sont également les plus chères et les plus difficilement accessibles, ou encore les écouteurs comme le Buds3 Pro dont la structure empêche toute réparation simple.
Nous n’avons pas pu fournir les pièces aux centres de réparation locaux à des prix et dans des quantités équitables d’un point de vue commercial. Le prix des pièces était si élevé que de nombreuses personnes préféraient remplacer leur téléphone plutôt que de le réparer. Scott Head - Director of Parts Development and Operations
Cette citation vient du site officiel de iFixit et met clairement en évidence le désamour qui est né de la collaboration entre les deux acteurs. Cependant, cela n’empêche pas iFixit de continuer à proposer de la documentation et de l’aide pour réparer les smartphones Samsung.
Nous sommes déçus, mais nous ne regrettons pas notre optimisme initial. De même, il est hors de question de laisser une pomme pourrie pourrir le lot : nous la jetons avant. Scott Head - Director of Parts Development and Operations
Source : https://fr.ifixit.com/News/96294/nous-mettons-fin-a-notre-collaboration-avec-samsung
Développer une économie axée sur la réparabilité : un enjeu qui dépasse le simple marketing
La rupture entre Samsung et iFixit met en lumière un problème plus large : celui de la réparabilité des produits électroniques. Les consommateurs sont de plus en plus conscients de l'impact environnemental de la surconsommation et souhaitent prolonger la durée de vie de leurs appareils. La réparabilité est donc devenue un critère d'achat essentiel.
Pourtant, de nombreuses entreprises continuent à privilégier l'obsolescence programmée, en concevant des produits difficiles à réparer et en limitant l'accès aux pièces détachées. Ce modèle économique est non seulement néfaste pour l'environnement, mais il pénalise également les consommateurs qui sont contraints de remplacer régulièrement leurs appareils.
Développer la réparabilité d'un produit, c'est s'engager sur l'ensemble de la chaîne de production : de la conception à la distribution en passant par la formation des réparateurs. C'est aussi reconnaître que la durée de vie d'un produit est un atout marketing et non un frein.
D’où, la rupture de iFixit avec Samsung sur cette question qui dépasse le simple argument marketing. On pourrait faire un parallèle avec un autre phénomène qui est plus vieux, mais tout aussi présent : le greenwashing. Certaines entreprises, via leurs communiqués de presse, ou leurs sites, se donnent un verni écologique, une bonne conscience verte. Cependant, une fois que l’on gratte un peu, il est difficile de voir les véritables réalisations.
Est-ce que cette tendance va continuer à ensemencer le marché ? Est-ce qu’il va falloir attendre une réglementation restrictive en la matière pour qu’une véritable tendance se dégage ? La question est posée.