Face aux importantes baisses de revenus publicitaires survenus ces deux dernières années, la plateforme X, propriété d’Elon Musk, a décidé d’attaquer en justice certains annonceurs potentiels qu’elle accuse de boycott illégal. Un nouveau volet s’ouvre dans l’histoire de l’ex-Twitter.
Fin 2022, durant les semaines qui ont suivi le rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, ce dernier a pris des décisions hâtives et parfois assez violente : on peut évoquer le licenciement massif de milliers d’employés de la plateforme, mais aussi le fiasco des changements de règles concernant les comptes certifiés, qui a mené à un nombre important d’usurpations d’identité de personnes et de marques. En peu de temps, la réputation de Twitter s’est ternie, et si les équipes encore en plus ont fini par reprendre le contrôle sur de nombreux points, certains gros annonceurs ont décidé de ne plus faire leur publicité sur Twitter.
Le temps a passé et Twitter, désormais devenu X, est toujours là, avec une ambiance certes différente. Ceux qui estimaient qu’Elon Musk allait faire couler le réseau social avaient visiblement tort, mais cela ne veut pas dire que X se porte bien financièrement.
Une vidéo publiée sur X, qui a fait grand bruit
Le 6 août dernier, Linda Yaccarino, la directrice de X nommée directement par Elon Musk, a publié une vidéo sur son compte personnel. Elle s’y adresse directement aux utilisateurs du réseau social. Elle y explique avoir été « choquée » par le fait qu’un « groupe d’entreprises ait organisé un boycott systématique et illégal contre X ». « C’est mal », ajoute-t-elle, avant d’annoncer l’intention de la plateforme d’attaquer ces entreprises en justice.
A Message to X Users pic.twitter.com/6bZOYPhWVa
— Linda Yaccarino (@lindayaX) August 6, 2024
Une publication qui a été suivie par une autre, cette fois-ci adressée aux annonceurs de la plateforme. Une fois encore, Linda Yccarino qui exprime son étonnement : « Après une carrière dans les médias et la publicité, je pensais avoir tout vu. Puis j’ai lu le rapport du Comité judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis intitulé “GARM’s (Global Alliance for Responsible Media) Harm” le mois dernier. Le rapport révélait que leur enquête avait trouvé des preuves d’un boycott illégal contre de nombreuses entreprises, y compris X. »
« Maintenant, c’est la guerre »
La publication a été relayée par Elon Musk qui, comme souvent, y est allé de son commentaire sans filtre : « Nous avons essayé la paix pendant deux ans, maintenant, c’est la guerre ».
We tried peace for 2 years, now it is war https://t.co/elgT62uDtF
— Elon Musk (@elonmusk) August 6, 2024
Une plainte antitrust a été déposée dans la foulée par X. Elle cible la Global Alliance for Responsible Media (GARM), mais aussi sa maison mère World Federation of Advertisers (WFA) et des membres de la GARM, ce qui comprend notamment CVS Health, Orsted, Mars et Unilever. « Nous n’avons pas pris cette décision à la légère, mais elle est la conséquence directe de leurs actions. Le comportement illégal de ces organisations et de leurs responsables a coûté des milliards de dollars à X », justifie Linda Yccarino.
« La conséquence — peut-être l’intention — de ce boycott était de priver les utilisateurs de X, qu’ils soient fans de sport, gamers, journalistes, activistes, parents ou dirigeants politiques et d’entreprises, d’une place publique mondiale. Pour faire simple, les gens sont lésés lorsque le marché des idées est sapé et que certains points de vue ne sont pas financés par rapport à d’autres dans le cadre d’un boycott illégal. Ce comportement est une tache sur une grande industrie, et il ne peut être toléré. »
Selon la patronne du réseau social, X a considérablement développé son potentiel pour les annonceurs ces deux dernières années : « Selon une ancienne métrique de Twitter, les minutes actives des utilisateurs, en août 2022, les gens ont passé 7,2 milliards de minutes actives sur la plateforme. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse les 9 milliards, soit une augmentation de 25 %. Il en va de même pour la vidéo - même par rapport à l’année dernière, les vues quotidiennes de vidéos ont augmenté de 45 % pour atteindre 8,2 milliards. X innove et se développe », ajoute-t-elle, en expliquant que X a développé des outils destinés à aider les annonceurs à concevoir plus efficacement leurs campagnes.
« Nous sommes contraints de demander justice »
Linda Yccarino estime donc que le réseau social a fait tout son possible pour améliorer l’intégration de campagnes publicitaires sur sa plateforme, et qu’il n’y a aucune autre raison de boycotter X qu’une volonté évidente de lui nuire. « Nous sommes contraints de demander justice pour le préjudice causé par ces défendeurs et potentiellement d’autres, selon ce que le processus judiciaire révélera », continue la lettre, qui insinue que X n’est peut-être pas la seule victime dans l’histoire. « Cette affaire ne concerne pas seulement les dommages-intérêts — nous devons réparer un écosystème défaillant qui permet à cette activité illégale de se produire. »
De son côté, Elon Musk, qui était présenté récemment à Cannes pour un festival dédié à la publicité, a déclaré que le message de s’adressait pas aux annonceurs dans leur ensemble, mais uniquement à ceux qui cherchent à interférer avec les contenus diffusés sur X. « Les annonceurs ont le droit de se montrer à côté du contenu qu’ils trouvent compatible avec leurs marques », a-t-il déclaré. « Ce qui n’est pas cool, c’est d’insister sur le fait qu’il ne peut y avoir de contenu avec lequel ils ne sont pas d’accord sur la plateforme. »
Cette plainte, et le procès qui va suivre, devraient cependant représenter un bras de fer de taille pour X, qui s’attaque à un poids lourd de la publicité : la GARM représente un rassemblement de marques et d’entreprises qui représente plus de 90% des dépenses publicitaires mondiales. L’issue de l’affaire pourrait donc avoir d’importantes répercussions sur l’avenir de la plateforme.