Des physiciens ont réalisé une percée scientifique majeure en concevant des labyrinthes d'une complexité inédite. Inspirés des déplacements du cavalier aux échecs, ces structures pourraient révolutionner de nombreux domaines, de la capture du carbone à la production d'engrais.
Des labyrinthes inspirés du cavalier aux échecs
L'étude, dirigée par l'Université de Bristol, s'est inspirée du « circuit du cavalier », un déplacement d'échec où la pièce visite chaque case du plateau une fois avant de revenir à son point de départ. En se basant sur ce concept mathématique appelé « cycle hamiltonien », les chercheurs ont construit une infinité de labyrinthes de plus en plus vastes sur des structures irrégulières représentant des matériaux exotiques : les quasicristaux.
En observant les formes des lignes que nous avons construites, nous avons remarqué qu'elles formaient des labyrinthes incroyablement complexes. La taille des labyrinthes suivants augmente de façon exponentielle - et il y en a un nombre infini. Dr. Felix Flicker, auteur en chef de l’étude
Contrairement aux cristaux classiques (comme le sel ou le quartz) où les atomes se répètent à intervalles réguliers, les atomes des quasicristaux s'organisent de manière bien plus complexe. On peut les décrire mathématiquement comme des tranches de cristaux existant en six dimensions, alors que notre univers en possède seulement trois ! Seuls trois quasicristaux naturels ont été découverts, tous issus de la même météorite sibérienne.
Des labyrinthes pour optimiser la microscopie à effet tunnel
Les cycles hamiltoniens conçus par les chercheurs visitent précisément chaque atome à la surface de certains quasicristaux. Ces chemins forment des labyrinthes d'une complexité inédite, dits « fractals ». Ils présentent la particularité de permettre à une pointe de microscope infiniment fine de tracer des lignes droites reliant tous les atomes voisins, sans jamais se lever ni croiser son propre tracé. Cette propriété s'applique à la microscopie à effet tunnel, une technique d'imagerie atomique. Les cycles hamiltoniens constituent ainsi les parcours les plus rapides pour ce type de microscope, pouvant réduire de manière significative le temps d'acquisition d'une image (actuellement jusqu'à un mois).
La découverte de ces labyrinthes ouvre des perspectives inédites dans de nombreux domaines scientifiques. L'adsorption, un procédé industriel clé où des molécules se fixent à la surface de cristaux, pourrait être révolutionnée par les quasicristaux. En effet, si les atomes d'une surface admettent un cycle hamiltonien, des molécules flexibles de taille adéquate pourraient s'y loger parfaitement en suivant ces labyrinthes atomiques. Les résultats de la recherche suggèrent que les quasicristaux pourraient être des adsorbants bien plus performants que les cristaux classiques. Notamment pour la capture du CO2 atmosphérique, où l'efficacité d'adsorption est primordiale.
Mais l'application ne s'arrête pas là, puisque l'adsorption joue également un rôle crucial dans la fabrication d'engrais grâce au procédé Haber-Bosch. Les chercheurs envisagent donc d'utiliser les quasicristaux comme catalyseurs pour optimiser de nombreux processus industriels.