Désormais bien plus développée, l’industrie cinématographique et du divertissement est en mesure d’honorer les grandes licences du jeu vidéo en façonnant des adaptations dignes de ce nom. Oui, on est bien loin maintenant d’un film comme Super Mario Bros., sorti en 1993. Très standardisées pendant un temps et manquant parfois de mordant ou d’originalité, les adaptations vidéoludiques ont dû se renouveler, tenter des choses, faire des choix audacieux afin, d’une part, de se démarquer, mais aussi pour insuffler un certain élan créatif au sein de ce type de projet. Après avoir collaboré avec la plateforme Netflix, le studio d’animation français Bobbypills s’allie avec un autre grand nom du streaming, en l’occurrence ADN (Animation Digital Network).

Dans la lignée de la série en six épisodes Captain Laserhawk, qui mettait en scène des alter egos de personnages d’Ubisoft, Bobbypills s’attaque à une licence aussi emblématique que l’éditeur français : Dead Cells. Bien connu pour son côté très décalé - assumé jusque dans l’ADN du studio qui se décrit comme étant « rempli de personnes dépressives, belles et dérangées qui font des dessins animés pour des personnes dépressives, belles et dérangées » -, notamment avec les deux saisons de Peepoodo & The Super Fuck Friends, aussi hilarantes que « préventives/éducatives », le studio a récidivé avec Dead Cells Immortalis il y a peu. Totalement gratuit sur la plateforme ADN, sous couvert de posséder un compte, j'ai dévoré les 10 épisodes et je vous en parle car, si on avait jamais imaginé voir une adaptation pareille de Dead Cells, j'ai trouvé ça très (très) drôle et divertissant ! Commençons.

Dead Cells Immortalis, une adaptation qui casse les codes du jeu vidéo

À la fois rogue-lite et metroidvania, Dead Cells a soufflé un vent de fraîcheur dans le paysage vidéoludique français en août 2018, date du lancement de sa version 1.0 après plusieurs d’accès anticipé. De l’action, de l’aventure, des phases de plates-formes, une narration nébuleuse à la Dark Souls, un gameplay grisant qui mettait quiconque au défi… Il n’a pas fallu longtemps pour que Dead Cells devienne une référence, signée par le studio bordelais Motion Twin et supervisée par leurs voisins d'Evil Empire (qui ont récemment dévoilé Prince of Persia : The Rogue). De ce fait, il ne paraît pas incongru, bien que peu évident, de créer un projet audiovisuel autour de cette licence. Tandis que de nombreux studios se seraient creusés les méninges pour réussir cette adaptation afin qu’elle colle au mieux à l’ambiance, Bobbypills a pris le contre-pied total… et c’est un régal ! Au premier abord, je dois dire que la direction artistique m’a quelque peu surpris. Il est vrai que nous ne sommes pas spécialement habitués à ce type de dessins, même si l’on a l’habitude de consommer tout un tas de programmes divers et variés.

Déjà, de ce point de vue, Bobbypills appose sa patte sur la série Dead Cells Immortalis, et ce n’est que la première étape dans cette volonté de reprendre les codes du jeu et de les remanier. Il y a bel et bien ce personnage, capable de reprendre vie, sauf qu’ici il ne revient pas à la vie dans la prison mais se transforme en blob le temps d’utiliser un autre cadavre pour avoir meilleure allure. À côté de ça, la série balance quelques références sur ce côté rogue-lite qui nous fait reprendre à zéro (« 30 mètres de moins que tout à l’heure », « retour à la case départ »). On retrouve même des éléments primordiaux du titre de Motion Twin, comme les fameuses Dead Cells, l'iconique thème musical du jeu lorsque le générique défile ou encore le cheminement de la quête de Tête de Flamme et Laure Esposito qui donne le sentiment de passer d’un biome à l’autre. Enfin, pour rester fidèle au matériau de base, la série se construit un peu comme un jeu vidéo où il faut progresser en éliminant des boss de manière successive (un genre de sous-quêtes) pour affaiblir l’ultime menace, le Roi-démon. À travers ses dix épisodes de 8 minutes environ, Dead Cells Immortalis est une jolie porte d’entrée sur la licence, son univers et son lore, mais, surtout, c’est un divertissement qui parvient à nous faire rire franchement, sans forcer !

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Faire preuve d’humour… plutôt que de skills

La bonne idée de cette série Dead Cells Immortalis est, à mon sens, de ne pas avoir focalisé son récit sur le simple périple de l’élu, mais d’avoir réussi à constituer une dynamique de groupe qui n’existe pas dans le jeu vidéo. Parce qu’elle souhaite faire tomber le roi pour mettre un terme au fléau qui s’abat sur le monde depuis plus de 250 ans, Laure Esposito est jetée au cachot. Si elle pense que cet incident va mettre un coup de frein à sa recherche de l’élu, l’homme à tête de flammes, c’est tout l’inverse qui se produit puisque celui-ci… atterrit directement à ses côtés en prison, début d’une relation tumultueuse entre les deux personnages. Comme on le disait, l’esthétique de la série pourra déplaire mais l’idée n’est pas d’être une claque visuelle puisque c’est le côté décalé de l’animation ainsi que le doublage (mention spéciale au travail de Gérémy Crédeville et Alizé Laffitau pour les personnages de Laure et Tête de Flamme) qui font tout le sel de la série.

Bon, je préfère vous prévenir, il faut être réceptif à l’humour en dessous de la ceinture, déjà d’une, même si Dead Cells Immortalis ne se résume pas qu’à ça, bien au contraire. Il y a des moments où j’ai franchement rigolé devant certaines scènes ou en entendant certains dialogues, et il y a quelques-unes qui sont si drôles qu’on rigole parfois avec des larmes au coin des yeux. En fait, Dead Cells Immortalis tape sur tous les sujets (religion, politique, économie, société et même les mangas/animes de sport !) et l’univers du jeu vidéo n’est finalement qu’un prétexte pour glisser des vannes souvent d’actualité par rapport à notre société. En peu de mots, les dialogues font mouche, et en particulier parce que le duo à l’affiche fonctionne, à la manière d’un buddy movie, très (très) bien ! Au départ, Tête de Flamme et Laura Esposito s’opposent sur à peu près tout mais l’intrigue, pourtant très courte (l’équivalent d’un film d’1h20), parvient à les rapprocher, jusqu’à presque devenir un vieux couple. J’ai trouvé que c’était une force de la série car, à côté de ça, on arrive à s’attacher à certains personnages qu’on aperçoit seulement quelques minutes - Paulo est bel et bien le héros qu’il pense être -, jonglant entre des moments drôles et d’autres légèrement plus sérieux pour, par exemple, créer de la tension, des rebondissements ou creuser la psychologie des personnages.

Quoi qu'il en soit, si jamais vous cherchez un petit divertissement et que vous appréciez le jeu vidéo, Dead Cells Immortalis est une petite perle dont les vannes, souvent excellentes, ne vous laisseront pas insensible. Pour ma part, j’ai enchaîné chaque épisode et j’aurais bien continué si je n’étais pas arrivé si vite aux crédits de fin ! C’est peut-être l’un des reproches que l’on pourrait faire à la série, même s’il lui reste des tas de qualités que je vous invite largement à découvrir. On le rappelle, celle-ci est disponible gratuitement sur la plateforme ADN (il y a même les épisodes 1, 2 et 3 sur la chaîne YouTube d’ADN), il suffit simplement de créer un compte, et elle pourrait vous surprendre tant elle s’amuse à prendre le contre-pied de tout un tas de situations. Par exemple, la série se charge même de déconstruire l’image que l’on a des boss dans un jeu vidéo en faisant faire tout et n’importe quoi au duo pour en venir à bout, y compris à s’engager dans une espèce de thérapie de couple désopilante. De mon côté, ça m’a donné très envie de replonger dans Dead Cells et je risque de ne pas être le seul. D’ailleurs, si l’envie vous en prend, vous avez la possibilité d’utiliser votre abonnement Netflix pour pouvoir y jouer gratuitement sur smartphone et tablette puisqu’il est inclus dans la section Jeux, et ça, c'est la cerise sur le gâteau.