En Corée du Sud, de plus en plus de jeunes s’enferment volontairement afin de se couper de tout contact avec le monde. Nommé “hikikomori”, ce phénomène est déjà bien connu au Japon. Pour tenter de comprendre leur enfant hikkomori, certains parents décident de les imiter.
Des parents coréens qui font le choix délibéré de s’isoler pour comprendre leur enfant hikikomori
Connu depuis quelques années, le hikikomori est un phénomène social qui touche principalement les jeunes au Japon. Il se caractérise par un retrait social volontaire et prolongé d'un individu, qui peut s'étendre sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. Les Hikikomori se coupent volontairement de toute interaction sociale, y compris avec leur famille et leurs amis. Ils passent la plupart de leur temps enfermés dans leur chambre, souvent devant un écran d'ordinateur ou de télévision. Ils négligent alors complètement leur santé et hygiène.
On retrouve également des cas de hikikomori en Corée du Sud. Désemparés, des parents coréens, ont décidé de s’enfermer volontairement à leur tour pour tenter de comprendre leur enfant.
Récemment, une femme a partagé son expérience avec la BBC. Jin Young-hae est un nom fictif, mais son histoire est bien réelle. Cette mère sud-coréenne explique pourquoi elle a volontairement choisi de s'enfermer dans une cellule minuscule et austère, vêtue d'une combinaison bleue. Dans cet environnement confiné, Jin n'avait ni compagnie ni téléphone ni ordinateur portable. Elle était seule avec ses pensée et son seul lien avec l'extérieur consistait en un petit trou dans la porte par lequel la nourriture était livrée à intervalles réguliers.
Le choix de Jin peut paraître surprenant ; pourquoi choisir délibérément de vivre comme si on était en prison ? Elle n’est pourtant pas la seule en Corée du Sud à avoir pris une décision similaire. La BBC a interviewé d'autres parents qui, comme Jin, ont choisi de s'enfermer pour tenter de comprendre leurs enfants hikikomori.
Ces parents partagent deux caractéristiques fondamentales : ils ont des enfants âgés entre 16 et 30 ans qui ont décidé de s’isoler de tout. Pour mieux les comprendre, les parents participent à un programme spécial qui les maintient enfermés pendant une brève période dans des cellules d'isolement.
Comprendre les enfants hikikomori en le devant soi-même temporairement grâce à un établissement spécialisé
Les mères comme Jin ou Park Han-sil, un autre pseudonyme utilisé par la BBC, tentent de mieux comprendre leurs enfants en s'isolant volontairement. Jin, mère d'un jeune homme de 24 ans qui vit reclus dans sa chambre, et Park, mère d'un fils de 26 ans qui a coupé toute communication avec la société, participent à ce programme pour se mettre à la place de leurs enfants et trouver des outils pour mieux communiquer avec eux.
Après son séjour en cellule, Jin a trouvé une certaine clarté et Park a mieux compris les sentiments de son fils, reconnaissant l'importance d'accepter sa vie sans se forcer à entrer dans un moule spécifique.
Lors de cette expérience, les volontaires peuvent revêtir un uniforme, laisser derrière eux leurs téléphones et ordinateurs portables et s’isoler dans des cellules aux murs nus, sans compagnie. La BBC précise que depuis avril, d'autres parents participent à un programme d'éducation spécialisée de 13 semaines financé par des organisations telles que la Korea Youth Foundation ou le Blue Whale Recovery Center.
Le programme a un objectif clair et complexe : montrer à ces pères et mères comment mieux communiquer avec leurs enfants. Pour ce faire, il comprend une période de trois jours pendant laquelle les participants passent du temps dans des pièces qui reproduisent une cellule d'isolement.
Il n’y a pas si longtemps, le ministère sud-coréen de la Santé et du Bien-être social a mené une enquête auprès de 15 000 jeunes âgés de 19 à 34 ans et a constaté que plus de 5 % d’entre eux vivaient isolés. Si ces chiffres étaient transposés à l’ensemble du pays, ils montreraient qu’en Corée du Sud il y a des centaines de milliers de personnes dans une situation similaire : un peu plus d’un demi-million (540 000).
Une étude du ministère sud-coréen de la Santé montre que 24,1% des jeunes entre 19 et 34 ans qui décident de se déconnecter du monde le font en raison de difficultés à trouver du travail, 23,5% en raison de problèmes relationnels et 24,8%. en raison de problèmes familiaux ou de santé.
Le programme, avoue Park, permet aux parents de ces jeunes de mieux comprendre la raison de leur confinement. Par exemple, la lecture de notes écrites par d’autres hikikomori l’a aidée à comprendre les silences de son propre fils. Le gouvernement sud-coréen dispose également d'études qui permettent de se faire une idée précise du phénomène d'isolement chez les jeunes sans avoir à le vivre soi-même.
Les mères et les pères Hikikomori ne sont pas les seuls en Corée du Sud à rechercher volontairement l'isolement. Certains vont même jusqu'à payer des centaines d'euros en échange de l'expérience, simplement pour faire une pause dans leur routine bien remplie.