Un rapport d’enquête récemment publié par l’organisation Human Rights Watch met en lumière l’une des manières qu’utilisent les intelligences artificielles pour se former. Et si vous avez déjà mis des photos de vos enfants en ligne, vous allez sans doute le regretter.
On le sait depuis des années : afficher publiquement ses enfants sur Internet via des photos publiées sur les réseaux sociaux n’est pas une bonne idée. La première raison avancée concerne les risques que ces clichés atterrissent sur des réseaux pédopornographiques, mais aujourd’hui, une autre raison de ne pas le faire est avancée : les intelligences artificielles peuvent s’en servir pour s’entraîner à produire des visuels réalistes, le tout sans chercher à avoir votre consentement.
Des photos d’enfants pour entraîner les IA
L’organisation Human Rights Watch a récemment publié un rapport inquiétant qui met en avant les dérives des intelligences artificielles génératives dédiées à la création de visuels. « Les photos personnelles d’enfants brésiliens sont utilisées pour créer de puissants outils d’intelligence artificielle (IA) sans la connaissance ou le consentement des enfants », explique le rapport. « Ces photos sont moissonnées sur le Web et rassemblées dans un grand ensemble de données que les entreprises utilisent ensuite pour former leurs outils d’IA. »
Ce rapport se focalise principalement sur le cas de LAION-5B, une base de données créée par l’organisation allemande LAION ayant pour but précis de former des intelligences artificielles. Le système parcourt la Toile en récupérant des millions de photos d’enfants. « Certains noms d’enfants sont listés dans la légende d’accompagnement ou dans l’URL où l’image est stockée. Dans de nombreux cas, leur identité est facilement récupérable, y compris des informations sur le moment et l’endroit où l’enfant était au moment où sa photo a été prise », explique le rapport.
The personal photos of Brazilian children are being used to create powerful AI tools without the children’s knowledge or consent.
— Human Rights Watch (@hrw) June 10, 2024
Children shouldn't have to live in fear that their photos might be stolen and weaponized against them.https://t.co/RQjLGLsQdg pic.twitter.com/ObnANImKQL
Près de 6 milliards de photos stockées
HRW se concentre sur le cas du Brésil où 170 enfants ont pu être identifiés sur les photos. Cependant, l’organisation souligne avoir examiné « moins de 0,0001 % des 5,85 milliards d’images et de légendes contenues dans l’ensemble de données. » Le Brésil n’est clairement pas le seul pays concerné, et de nombreux parents ont sans doute fourni, sans le savoir, des photos à la base de données allemande.
« Les photos examinées couvrent toute l’enfance. Ils capturent des moments intimes où les bébés naissent dans les mains gantées des médecins, des jeunes enfants qui soufflent des bougies le jour de leur gâteau d’anniversaire ou dansent dans leurs sous-vêtements à la maison, des élèves faisant une présentation à l’école et des adolescents posent des photos au carnaval de leur lycée. »
Ce sont donc des clichés intimes, qui ont été mis en ligne dans le but d’être partagés avec des proches. « Certains ont été mis en ligne des années, voire une décennie avant la création de LAION-5B », précise le rapport.
Une situation alarmante pour la vie privée
On le sait, les IA sont loin d’être infaillibles et elles sont capables de générer beaucoup d’erreurs. Le fait que des informations personnelles circulent avec ces photos « volées » sur le Web est également très dangereux. Et comme le souligne HRW, les intelligences artificielles sont capables de reproduire à l’identique des clichés qu’on leur a fournis pour se former.
Il s’avère que la base de données LAION-5B a déjà été utilisée pour générer des images mettant en scène de la maltraitance d’enfants, comme le révélait une enquête de l’Observatoire Internet de Stanford en décembre 2023. Le fait de savoir que des photos de véritables enfants ont été utilisées pour cela fait clairement froid dans le dos.
Alerté par HRW, l’organisation allemande LAION s’est engagée à supprimer toutes les photos personnelles identifiées par Human Rights Watch. Cependant, LAION a aussi déclaré que les seuls vrais responsables de la situation étaient « les enfants et leurs tuteurs » qui publient des clichés personnels sur Internet, et les encourage donc à faire le ménage. Pensez-y, la prochaine fois que vous désirez partager des photos de famille sur les réseaux sociaux…